Audition de Mathieu Gallet : « Le CSA est juge et partie », selon André Gattolin

Audition de Mathieu Gallet : « Le CSA est juge et partie », selon André Gattolin

Mathieu Gallet a été auditionné par les sages du Conseil de l’audiovisuel public lundi, ces derniers décideront de son maintien à la tête de Radio France. Une affaire qui fait écho à la réforme de l’audiovisuel public et à la fin de la nomination des dirigeants par le CSA.
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

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Le PDG de Radio France, Mathieu Gallet pourrait être prestement remercié à cause d’une récente condamnation pour favoritisme. Une affaire qui date de l’époque où il dirigeait l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Condamné en première instance à un de prison avec sursis et à 200.000 euros d’amende, Mathieu Gallet a interjeté appel, refusant par là même de remettre sa démission. La ministre de la Culture, Françoise Nyssen, a fait savoir que le maintien de Mathieu Gallet à la tête de Radio France était « inacceptable » à ses yeux. Mais la décision finale revient aux sept membres du collège du CSA qui se prononceront mercredi.  

Le cas de Mathieu Gallet « a un peu accéléré les choses » confie le sénateur LREM André Gattolin. Il suit cette affaire comme le lait sur le feu. Et pour cause, en décembre dernier il déposait une proposition de loi pour réformer le mode de désignation des dirigeants de l’audiovisuel public. Le sénateur souhaite que la nomination des dirigeants soit confiée à un conseil d’administration et non plus au CSA. Une proposition cohérente avec les aspirations gouvernementales en vue de la réforme de l’audiovisuel public. Logique, puisqu’André Gattolin explique que « beaucoup de ces propositions émanent de (son) rapport sur l’audiovisuel public », réalisé en 2014 avec le sénateur Jean-Pierre Leleux.  

« C’est compliqué d’avoir un président avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête », juge André Gattolin. 

« C’est une honte en ce que j’ai pu voir ces dernières semaines de l’attitude des dirigeants », clamait Emmanuel Macron devant des parlementaires, selon les informations de Télérama. Un coup de semonce qui s’accompagne de la volonté de voir une « révolution culturelle de la télévision » et la création d’une « super holding » (société de portefeuille regroupant des participations dans diverses sociétés et en assure la direction). Informations ébruitées dans les colonnes du JDD. Dans son programme, Emmanuel Macron promouvait déjà le rapprochement des sociétés audiovisuelles publiques et le renforcement des conseils d’administrations « plus indépendants et plus ouverts dans leurs compositions » et surtout qui auraient en charge la désignation des dirigeants, « après appel public à candidatures. »  

« Je ne suis pas en service commandé comme ça a pu être dit », insiste en préambule André Gattolin qui précise que ses travaux sur l’audiovisuel public sont antérieurs à la candidature d’Emmanuel Macron. Le sénateur s’est fait remarquer lors d’un passage radio (Europe 1) où il tirait tous azimuts sur l’audiovisuel public. Financièrement exsangues, pressés par les exigences de réductions budgétaires, les médias publics sont sous tensions, à France télévision notamment (lire notre article). Fin connaisseur du dossier, André Gattolin plaide pour une forme de big bang tant sur le plan statutaire que sur la définition des programmes.  

Vers une révolution culturelle et statutaire de l'audiovisuel public 

« C’est compliqué d’avoir un président avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête », juge le sénateur de LREM qui refuse de jeter la pierre sur Mathieu Gallet. Pour autant, cette affaire souligne le fait que « le CSA est juge et partie », « Monsieur Gallet a été nommé à l’unanimité (par le CSA NDLR) à l’époque », rappelle André Gattolin. Le conseil d’administration - en charge de nommer et démettre les dirigeants – qu’il appelle de ses vœux, ne connaîtrait pas cet écueil, selon lui. Il s’agirait d’une assemblée composée pour partie de représentants de l’État et de la société civile. Des personnalités qualifiées qui seraient suggérées au Premier ministre et dont la nomination serait soumise au vote de la majorité des 3/5e des parlementaires des commissions des affaires culturelles du Sénat et de l’Assemblée nationale (lire notre article). Un procédé un peu technique qui garantirait une « impartialité », selon le sénateur.

Autre point technique : la création d’une super holding du service public. « Un organisme de ce type permettrait d’avoir une vue d’ensemble et de s’assurer qu’il y a des coopérations entre les différents médias », plaide André Gattolin. Regardant outre-Manche, il prend régulièrement en exemple la BBC, la société de production et de diffusion de programmes de radio et de télévision britannique.

Prochaine étape : la réforme de l'Action publique CAP22

Côté programme, son constat est sans appel. « Il faut réfléchir la télévision au regard du service public », lance-t-il visiblement insatisfait. Et d’énumérer toutes les absurdités actuelles : les captations d’Opéras et autres évènements jamais diffusés, le fait que les droits audiovisuels deviennent la propriété du producteur privé même quand sa participation financière est moindre, la vente de la chaîne Histoire au groupe TF1, etc.

Les six dirigeants des médias publics rencontrent de nouveau la ministre de la Culture, le 2 février, ils discuteront des évolutions à venir. Parallèlement, un groupe de travail informel planche sur le dossier à l’Assemblée nationale, selon le JDD, dans le cadre des 5 chantiers de Françoise Nyssen pour la refonte de l’audiovisuel public. Les orientations seront arrêtées et présentées à l’issue de la grande réforme de l’action publique CAP22, en mars prochain.

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