Baisse du budget de la PAC : « Ne soyons pas surpris de la désespérance que ça va générer dans les campagnes »

Baisse du budget de la PAC : « Ne soyons pas surpris de la désespérance que ça va générer dans les campagnes »

La proposition de baisser de 5% du budget de la PAC scandalise les milieux agricoles. Le président LR de la commission des affaires européennes du Sénat, Jean Bizet, reproche au ministre Stéphane Travert un manque d’action. Il demande à Emmanuel Macron de rentrer dans un rapport de force au niveau européen.
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Budget européen, mais réaction nationale. La France a vertement critiqué mercredi les propositions de budget de l’Union européenne pour la Politique agricole commune (PAC). Bruxelles prévoit une baisse « d’environ 5% des fonds alloués pour la période 2021-2027 », soit 365 milliards d'euros au total, contre 408 milliards actuellement. Les grosses exploitations françaises, largement bénéficiaires du système, seraient pénalisées. Pour la France et son agriculture, qui bénéficie depuis longtemps des aides de la PAC, ce n’est pas possible.

« Inenvisageable » pour la France

« Une telle baisse, drastique, massive et aveugle, est simplement inenvisageable » et « la France ne pourra accepter aucune baisse de revenu direct pour les agriculteurs », a prévenu par communiqué le ministère de l'Agriculture. Le ministre Stéphane Travert compte bien négocier avec les instances européennes. Il s’agit pour le moment d’une proposition de budget.

La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, parle sans surprise d'une « grande déception » : « On dit que c'est -5 % mais c'est -10 % avec l'inflation. Face aux nouvelles priorités, c'est la politique agricole qui trinque alors qu'on lui demande toujours plus : qu'elle soit plus verte, qu'elle monte en gamme et qu'elle lutte contre le changement climatique, c'est inexplicable! ».

La Coordination Rurale juge aussi cette baisse du budget inacceptable, mais « son désaccord n'en est pas moins profond avec la position globale du gouvernement français qui s'est jusqu'ici borné à réclamer le maintien du budget antérieur de la PAC au lieu de dénoncer sa dérive ». Pour la Confédération paysanne, « la première question qui doit être posée s'agissant de la PAC est celle de ses objectifs ». Le syndicat agricole dénonce les principes actuels de la PAC, « dont les règles d’éligibilité et de calculs discriminent les petites fermes et les fermes diversifiées ».

« Charge émotionnelle »

Le président LR de la commission des affaires européennes du Sénat, Jean Bizet, dénonce aussi la proposition de budget. Certes, d’un point de vue global, il se réjouit « qu’on ait mis dans ce budget l’accent sur l’Europe qui protège, avec une Europe de la défense, une Europe qui protège ses frontières, avec une augmentation du nombre de garde-côtes via un quintuplement du budget de Frontex, tout comme je me réjouis que les fonds structurels puissent être conditionnés au respect de l’absence de corruption ».

En revanche, sur la PAC, le sénateur LR de la Manche est « extrêmement déçu que la voix de la France n’ait pas pu être entendue à Bruxelles ». Jean Bizet regrette « qu’on n’ait pas pris la mesure de l’aspect stratégique de la PAC et de ce que peut représenter demain l’arme alimentaire. On n’a pas compris que l’agriculture était un formidable outil d’aménagement du territoire. Or on sait qu’il y a une grande fragilité de la ruralité. Mais si en plus on baisse le budget de la PAC… Au niveau national, on ne prend pas conscience de la charge émotionnelle que cela comporte ».

« Vent mauvais »

Avec ce projet de baisse du budget, on est loin des préconisations d’un rapport du Sénat sur l’avenir de la PAC. Les sénateurs Daniel Gremillet (LR), Pascale Gruny (LR), Claude Haut (LREM) et Franck Montaugé (PS), co-auteurs du rapport, y demandent « à minima que la PAC bénéficie, pour la période 2021-2027, d’un budget stable », et ils refusent que la « PAC soit la variable d’ajustement du budget de l’Union européenne ».

Dans ce rapport, qui date du 18 avril, les sénateurs ont senti les mauvaises nouvelles arriver… non sans un certain spleen poétique. « Au vu des premiers éléments du processus de négociation, il semblerait, pour reprendre les mots employés par Paul Verlaine, dans son célèbre poème Chanson d'automne, qu'« un vent mauvais » souffle sur la prochaine réforme de la PAC » » écrivaient les sénateurs, qui « ne sauraient se résigner à prendre acte, avec mélancolie, des prémices défavorables de la négociation qui s'ouvre ». Pour les sénateurs, le débat ne doit pas seulement « se focaliser sur la seule dimension budgétaire. On peut le regretter, en effet, mais le sentiment est largement répandu dans le monde agricole que le fonctionnement actuel de la PAC convient de moins en moins à la France. S'y ajoute une réalité tout aussi dérangeante : la perte de compétitivité de notre agriculture sur les marchés internationaux, y compris et surtout à l'intérieur de l'Union européenne, depuis le début des années 2000 » écrivent les auteurs du rapport.

Le sénateur Jean Bizet appelle Emmanuel Macron au rapport de force

Face à la mauvaise nouvelle d’une PAC allégée de plusieurs millions d’euros, le président LR de la commission des affaires européennes met aujourd’hui en cause Stéphane Travert. « Pendant des mois, le ministre de l’Agriculture nous a dit « n’ayez aucune inquiétude ». Et aujourd’hui, il élève la voix. C’est trop tard, c’est avant qu’il fallait le faire » selon Jean Bizet. « Il faut savoir ce qu’on veut. Si le Président et le ministre veulent sauver la ruralité, il n’y a pas 36 solutions. Je sais qu’il faut que la PAC se réforme. Mais au moment où il y a des exigences sociétales en plus, on voudrait la réformer avec des crédits en moins. Ne soyons pas surpris de la désespérance que ça va générer dans les campagnes » ajoute le sénateur. Emmanuel Macron doit-il rentrer dans un rapport de force au niveau européen pour défendre le budget de la PAC ? « Absolument » répond Jean Bizet.

Pour le sénateur LREM Claude Haut, il n’y a rien à reprocher au ministre. « Quand on ne sait pas exactement ce qui va être arrêté, on ne sait pas sur quel levier agir. Maintenant que les choses sont claires, on va pouvoir intervenir et peser. La voix de la France pèse » assure le sénateur du Vaucluse, qui souligne qu’« il faut trouver les moyens de compenser le Brexit ». « Personne n’est satisfait de cette baisse » ajoute Claude Haut, « chacun va agir à son niveau pour essayer de changer un peu les choses. Le combat sera difficile mais pas perdu d’avance. Entre -5 % et 0, il y a encore quelques points à gagner. C’est la négociation qui permettra d’obtenir la stabilité du budget. Ou au moins être entre les deux ».

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