Banlieues : la lettre alarmiste de Philippe Dallier à Emmanuel Macron

Banlieues : la lettre alarmiste de Philippe Dallier à Emmanuel Macron

Vendredi, Philippe Dallier, sénateur LR de la Seine-Saint-Denis, a interpellé le Président de la République dans une lettre au vitriol. Il réagit vivement au discours d'Emmanuel Macron mardi sur les banlieues.
Public Sénat

Par Maud Larivière

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Invité sur le plateau de l’émission « On va plus loin », sur Public Sénat le 22 mai, Philippe Dallier, sénateur LR de la Seine-Saint-Denis, a vivement réagi au discours d’Emmanuel Macron du 22 mai, sur les banlieues : « Si le changement de méthode consiste à demander à celui qui est certainement le meilleur spécialiste de la politique de la ville, de travailler pendant six mois, avec des élus, des acteurs associatifs et puis, au bout du compte (...) de ranger son rapport au rancart, alors, oui, il y a un changement de méthode. Et je trouve ça assez consternant » a-t-il déclaré.

Pour aller plus loin et marquer sa colère à l’encre noire, le sénateur a adressé vendredi une tribune au Président de la République. Il met notamment en exergue la situation de son département, la Seine-Saint-Denis.

« Mâles blancs » une expression que rejette le sénateur

Philippe Dallier regrette l’abandon des propositions de Jean-Louis Borloo, auteur du « rapport banlieues », mais s’indigne encore plus des formules utilisées par le Président : « Vous avoir entendu qualifier Jean-Louis Borloo de « mâle blanc », disqualifiant ainsi son travail et celui de toutes celles et ceux qui y ont contribué, ce fût mon cas, a été un choc. Comment avez-vous pu utiliser ces mots-là ? Pour plaire à qui ? Que signifient-ils dans la bouche du Président de la République ? » écrit-il.

Après avoir rappelé qu’il avait grandi « dans l’un de ces quartiers difficiles de la Seine-Saint-Denis », où il a exercé la fonction de maire pendant 22 ans, l’élu interpelle Emmanuel Macron : « Suis-je encore, selon vous, légitime pour vous faire part de mon analyse de la situation et formuler des propositions ? Quelle crédibilité accordez-vous aux quarante maires de ce département, qui, très majoritairement, relèvent de cette catégorie ? Et au-delà de mes états d’âme, que peuvent bien penser de vos propos les Français ou étrangers « blancs » qui y vivent encore ? ».

Seine-Saint-Denis : « un ghetto ethnique dans 20 ans » ?

Philippe Dallier souligne la faiblesse de l’État dans les banlieues, et s’appuie notamment sur le rapport parlementaire « édifiant » rendu récemment par François Cornut-Gentille (LR) et Rodrigue Kokouendo (LREM) sur l’incurie de l’État en Seine-Saint-Denis : « Chez nous, l’État est en-dessous de tout dans nos commissariats, dont on nous a d’ailleurs annoncé que prochainement certains seront fermés la nuit, pour mutualiser le peu de moyens. Et que dire du tribunal de Bobigny, seconde juridiction de France, croulant sous les dossiers dont bon nombre sont classés sans suite ou font l’objet d’un simple rappel à la loi quand certains se traduiraient ailleurs, à la première incartade, par 6 mois de prison ferme. Où est l’égalité républicaine dans ces conditions ? »

Le sénateur met en garde le chef de l’État et rappelle l’urgence de la situation : « Si nous n’y prenons garde, dans moins de 20 ans, ce département sera un immense ghetto ethnique de deux millions d’habitants où ne vivront plus que ceux qui ne peuvent faire autrement ou ceux qui viendront y chercher un modèle communautariste conforme à leurs aspirations qui aura supplanté notre modèle républicain ».

L’élu alerte sur la situation éducative, le manque d’équipements sportifs et sur la propagation du communautarisme dans son département. « Dans ces conditions, l’entrisme des islamistes radicaux dans nos associations, lorsqu’ils ne créent pas les leurs, se fait lentement mais sûrement et partout. Il y a trois ans, aux Pavillons-sous-Bois, on m’a amené des photos de jeunes adultes en train de prier sur le terrain de football, au vu et au su de tout le monde, dans le silence gêné pour ne pas dire plus des éducateurs sportifs. Alors que nous peinons déjà à trouver des bénévoles dans nos associations, par qui les remplacerons-nous lorsque, découragés, ils abandonneront ? Avec quels moyens ? Si nous n’encadrons pas les jeunes mieux que nous ne le faisons, la partie est perdue ».

Philippe Dallier appelle à la responsabilité de l’État : « Nous ne demandons pas l’aumône. Politique de la ville ou politique de droits communs, plan banlieue ou autre appellation, peu importe les termes. Face à pareil constat il est de votre responsabilité d’affronter résolument et fermement ces problèmes qui engagent l’avenir de la Nation toute entière et d’y apporter des solutions qui demanderont évidemment des moyens financiers. Ne faites pas l’erreur de croire que la seule amélioration de la situation économique du pays et la baisse du taux de chômage dans ces quartiers serait le remède à tous leurs maux. Le principal problème n’est malheureusement plus celui-là même s’il reste très important ».

Pour conclure, le sénateur LR rappelle à Emmanuel Macron la promesse qu’il avait faite durant sa campagne présidentielle : de faire « disparaître ce département en tant que collectivité territoriale au profit d’une métropole qui seule permettra de rendre effective la promesse républicaine de l’égalité territoriale ».

 

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