Berger et Hulot proposent leur « pacte social et écologique »

Berger et Hulot proposent leur « pacte social et écologique »

19 associations et syndicats s'allient pour peser et interpeller l’exécutif en plein grand débat national. Ils proposent un « pacte du pouvoir vivre », avec une soixantaine de propositions, avec l’objectif de ne plus dissocier écologie et social.
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C’est une nouvelle – et singulière – contribution de la société civile au grand débat national qui a été rendue public ce mardi. L’initiative, portée par 19 organisations, allant des syndicats, aux ONG en passant les associations et structures mutualistes, met sur la table une série de propositions pour la « construction d’un nouveau pacte et écologique ». Une alliance pour peser plus fort et être plus audible en quelque sorte. Les deux visages les plus médiatiques de cette coalition inédite ne sont pas n’importe qui : l’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, allié à Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT.

L’un et l’autre ont souvent eu le sentiment de pas avoir été assez écoutés par l’exécutif ces derniers mois. Le premier, revenu à la tête de sa Fondation environnementale, avait claqué la porte de son ministère avec fracas le 4 septembre, déçu par le manque d’ambition écologique du gouvernement. Le deuxième, au plus fort de la crise des gilets jaunes, avait multiplié les appels auprès du Premier ministre pour élaborer un « pacte social de la conversion écologique ».

Aujourd’hui, ces représentants des corps intermédiaires listent leurs solutions, avec le sentiment amer d’avoir été mis sur le banc de touche l’an dernier. « Nous avons aussi voulu tirer les leçons de ce qu’il s’est passé ces derniers mois, souvent à l’écart de nos organisations », écrivent-ils. « On a été trop mis de côté, aujourd’hui on décide de reprendre la parole collectivement », expliquait ce matin à notre micro, Laurent Berger.

« On a été trop mis de côté », déclare Laurent Berger (CFDT)
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« On a été trop mis de côté », déclare Laurent Berger (images : Samia Dechir)

La liste des 66 mesures a l’allure d’un programme électoral, voire de gouvernement. Et balaye divers domaines, des politiques de cohésion, à la politique environnementale, en passant par la réforme de la fiscalité ou encore la revitalisation de la démocratie. Autant de thèmes qui rythment le grand débat.

« C’est clairement une contribution à un autre modèle de développement, qui soit à hauteur de femmes et d’hommes, qui règle leurs préoccupations concrètes, de transports, de logement, de pouvoir d’achat, de vivre ensemble, de vivre en société, mais aussi un projet de société qui fait de la transition écologique le compagnon de route du progrès social », a expliqué à la presse Laurent Berger, ce matin.

« Ce grand débat national n’a de sens que s’il ne fait l’objet de sorties concrètes »

Si l’initiative semble marcher sur le rôle traditionnellement dévolu aux partis et mouvements politiques, ce catalogue de propositions, « pour donner à chacun le pouvoir de vivre », sonne aussi comme la contribution d’un cercle de réflexion. Ce « pacte » interpelle justement le gouvernement (qui a reçu ces propositions), les parlementaires, les élus locaux, les entreprises, appelées « à s’engager » avec ces 19 organisations pour « poser les bases d’un renouveau dans notre pays ».

À dix jours de la fin du grand débat national, le numéro 1 de la CFDT appelle l’exécutif à se saisir de leurs pistes et à imaginer une conclusion concrète pour ces deux mois d’échanges. « On ne trouvera pas de solutions pour sortir de l’impasse dans laquelle on est si on n’investit pas dans la démocratie sociale. Si on n’est pas écouté, il n’y a pas de sortie positive. Ce grand débat national n’a de sens que s’il ne fait l’objet de sorties concrètes, discutées », insiste-t-il.

Un grand nombre de propositions s’articulent autour de la transition écologique et énergétique. L’ambition des signataires de concilier, et même de « réconcilier », les impératifs sociaux avec les impératifs environnementaux. « L’erreur serait de croire qu’il est possible de continuer comme si rien ne s’était passé », expliquent les rédacteurs du « pacte », conscients que la fiscalité écologique a été à l’origine du mouvement des gilets jaunes. Pour ces syndicats et ces associations, il est primordial d’ « évaluer l’impact de toute nouvelle loi » sur les « 10% les plus pauvres de la population et au regard des objectifs de développement durable ». Toujours sur la taxe carbone, les 19 signataires proposent de mettre fin aux exonérations qui concernent les secteurs aérien et maritime.

Pêle-mêle, on retrouve des idées qui ont germé dans le débat public ces derniers mois : un maillage ferroviaire du pays, une réflexion sur la participation des employeurs aux frais de co-voiturages ou déplacement à vélo, l’organisation de la transition écologique dans les territoires. Les signataires plaident aussi pour une « fiscalité écologique, solidaire et sociale ». En insistant bien sur le fait que celle-ci doit nourrir le développement d’énergies alternatives et non pas le budget général de l’État.

Justice sociale et « bouclier de services publics »

Appelant à changer le « mode de développement », le « pacte » des 19 appelle aussi à davantage de justice sociale sur le plan économique et financier. Cela passe par une réforme de la fiscalité, avec une « plus grande progressivité de l’impôt », une taxation des hauts patrimoines ou encore une refonte des niches fiscales. Sur le front de l’entreprise, les propositions abordent la taxation des dividendes, le plafonnement des rémunérations des dirigeants ou encore le soutien à l’économie solidaire.

Des propositions pour améliorer le « cadre commun » de la population sont également mises sur la table. La plateforme encourage la création d’un « bouclier de services publics dans les territoires », notamment dans la santé, l’indexation des grilles de salaires sur l’évolution du Smic, ou encore des mesures pour le logement (fin des coupes sur les APL, ou rétablissement de l’encadrement des loyers).

Là aussi, la transition écologique n’est jamais loin car le manifeste demande à généraliser les circuits courts ou accélérer la rénovation thermique des bâtiments. « Voilà comment on peut conjuguer la performance économique, l’emploi, le pouvoir d’achat et en même temps la transition écologique », insiste Laurent Berger.

Le « Service public de la rénovation » expliqué par Samuel Leré (FNH)
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Samuel Leré, responsable Environnement et Mondialisation à la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme, veut un « Service public de la rénovation » (images : Samia Dechir)

Renforcer le rôle de la société civile dans l’action publique

Parmi les propositions politiques et institutionnelles, les 19 organisations suggèrent notamment de renforcer le rôle du Conseil économique, social et environnemental dans le processus législatif et dans l’évaluation des lois, ou encore de mieux associer les citoyens dans la co-construction des décisions publiques.

Les signataires voient dans cet appel une « première pierre » dans une mobilisation durable. « Nous rejoindre, c’est initier avec nous une mobilisation durable pour que nos propositions soient prises en compte », espèrent-ils. Mais ils insistent sur l’urgence du moment. « La crise écologique, sociale et démocratique n’a jamais été aussi importante, c’est le moment d’intervenir », plaide Samuel Leré.

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