Bernard Cazeneuve «prend date» et exprime son «envie» d’être «utile» à gauche

Bernard Cazeneuve «prend date» et exprime son «envie» d’être «utile» à gauche

En venant s’exprimer devant 50 sénateurs PS la semaine dernière, Bernard Cazeneuve place ses pions en vue de 2022. Il montre qu’il peut être un recours pour le PS, en mal de leader et de repère. Reste qu’avant de réellement parler de retour, les obstacles sont encore nombreux.
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Rien ne devait sortir. C’est raté. Le dîner entre Bernard Cazeneuve et une cinquantaine de sénateurs PS, mercredi 13 février dernier, devait rester discret. Mais la rencontre a été révélée par Le Figaro. Cinq jours après, plusieurs sénateurs présents respectent la confidentialité demandée et préfèrent ne pas répondre. Ce qui amuse un sénateur PS : « Quand il y a des fuites pour ce type de dîner, elles ne sont jamais involontaires. Quand il parle, Bernard Cazeneuve sait très bien que tout peut sortir ».

La questure du Sénat, là où tout a commencé pour François Hollande

Après une interview au Monde en décembre de l’ancien premier ministre, l’événement ne pouvait en effet pas passer inaperçu. Ce dîner très privé était en réalité organisé par le groupe socialiste de la Haute assemblée à la questure du Sénat. Là exactement où François Hollande, en 2011, rassemblait les siens pour préparer sa conquête de l’Elysée. Le parallèle est tentant.

Patrick Kanner, président du groupe PS, en est à l’initiative et ne s’en cache pas. « Ça fait partie de nos mardi ou mercredi de la questure où nous avons accueilli par exemple Thierry Rey, François Hollande, Bernard Cazeneuve donc. Et sont à venir Pierre Moscovici, Anne Hidalgo, Jean-Christophe Cambadélis et même Gérard Larcher, qui est convié. L’objectif est d’avoir un cadre un peu informel avec des intervenants. Que ce soit l’endroit où il faut être » raconte à publicsenat.fr Patrick Kanner, fidèle hollandais qui apprécie tout autant Bernard Cazeneuve. Autrement dit, une rencontre parmi d’autres ? Celle avec l’ancien député de la Manche a quand même fait le plein. « C’est vrai qu’on a refusé du monde. C’est 50-53 personnes maximum ! » glisse le sénateur PS du Nord.

« On ne rencontre pas 50 sénateurs PS juste pour la gloire… »

Reste que le dîner – à la charge des convives – n’est pas neutre. « On ne rencontre pas 50 sénateurs PS juste pour la gloire » confirme l’un des participants. « C’est évidemment un peu plus qu’un dîner entre amis » confirme un autre.

Face aux difficultés du PS et au manque de leadership, Bernard Cazeneuve aurait-il, à son tour, après un certain François Hollande, des velléités de retour ? Un sénateur PS donne son sentiment :

« On sent que Bernard Cazeneuve avait un comportement d’acteur politique. Ce n’est pas un retraité. On n’a pas écouté le tome 1 de ses mémoires politiques ».

« Si on recherche quelqu’un qui peut incarner le PS pour l’avenir, son nom vient rapidement en tête. C’est satisfaisant de constater qu’il est prêt à revenir et à participer au combat politique » se réjouit un autre, qui l’a écouté pendant les presque 3 heures qu’a duré le dîner. « Vous entendrez bientôt parler de Bernard Cazeneuve » a pronostiqué le socialiste Henri Weber, sur Public Sénat.

Kanner : « En venant nous rencontrer, Bernard Cazeneuve a pris date »

Revenir ? La question ne se pose pas – du moins aujourd’hui – pour Patrick Kanner. Mais le président de groupe n’en salue pas moins « un grand ministre de François Hollande qui a été aux Affaires européennes, au Budget, à l’Intérieur et à Matignon. Quatre fonctions occupées avec énormément de compétence, d’efficacité. Il connaît l’appareil d’Etat ». Depuis, il « a pris du recul ces 18 derniers mois après la défaite ». Alors pourquoi venir parler aujourd’hui à ses camarades ? Patrick Kanner donne son explication :

« Là, manifestement, il a envie non pas de revenir, mais que sa parole puisse porter des messages forts. C’est ce qu’il nous a laissé entendre à ce repas, où son propos a été très apprécié ».

L’incarnation, autrement dit le « qui ? », viendra plus tard. « La question n’est pas de savoir si ce sera Bernard Cazeneuve ou d’autres, c’est bien trop tôt. Mais en venant nous rencontrer, il a pris date. Sous quelle forme ? C’est à lui d’en décider » lâche Patrick Kanner. Il ajoute : « Il doit être utile et être utile dans un combat collectif. Et il veut l’être ».

« Il y a beaucoup de responsables qui sont un peu paumés »

Si l’hypothèse Cazeneuve fait tilt dans les têtes socialistes, c’est aussi un peu faute de mieux. « Il y a beaucoup de responsables qui sont un peu paumés. Quand il y a une personne qui a du crédit, un discours un peu cohérent et semble vouloir être au centre des choses, tout de suite ça attire l’attention » dit l’un. « L’absence de visibilité actuelle et de perspective pour le PS, avec une direction du parti un peu à la dérive » renforce l’image de Bernard Cazeneuve comme « référence » ajoute un autre. « On a besoin de se reconstruire, de se retrouver entre nous » souligne une sénatrice. La figure d’un Bernard Cazeneuve devient ainsi un repère pour certains socialistes qui ont besoin d’être rassurés.

Pour le fond des propos, le président de groupe respecte la confidentialité et n’en dit pas plus. Mais selon plusieurs médias, Bernard Cazeneuve a pris ses distances avec le bilan critique du quinquennat Hollande, réalisé par Olivier Faure, ainsi qu’avec sa stratégie pour les européennes.

Dans un entretien à L’Obs ce lundi, il exprime aussi son inquiétude pour sa famille politique, tout en écartant une éventuelle ambition personnelle. « La gauche n'est pas en situation de présenter un casting crédible aux européennes et il faudrait être dans l'obsession de la présidentielle ? Le chemin est très long, le travail à faire est considérable et collectif. Je veux être utile parmi tous les autres, sans prétendre à rien » soutient-il. Toujours sur la gauche, il ajoute : « Plutôt que de savoir qui sera son candidat à la présidentielle, cherchons à définir quel sera son discours ».

« Comportement péroniste » d’Emmanuel Macron 

Lors du dîner, « c’était à fleuret moucheté » contre Olivier Faure, tempère un convive, « les remarques qu’il a formulées sur la stratégie du PS ou de François Hollande étaient assez pondérées ». Hollande ? « C’était sur le retour, la façon de se positionner. Mais il n’y avait pas de critique. A peine… » Sur le premier secrétaire, « c’est la question de la recherche de l’union, quitte à abandonner le leadership. Lui dit que si on veut attirer, il faut être fort ».

Les propos les plus critiques l’ont été pour le chef de l’Etat. « Il a utilisé le terme de « comportement péroniste » pour qualifier Emmanuel Macron » selon un des sénateurs PS, manière de parler de populisme. « Il a parlé de président des riches. Son analyse était que les premiers mois colorent un quinquennat. Avec Sarkozy, c’était le Fouquet’s et le yacht de Bolloré, pour Hollande Leonarda, pour Macron, les choix fiscaux ». Face aux difficultés d’Emmanuel Macron, la sociale-démocratie à la sauce socialiste imagine encore avoir sa carte à jouer. Bernard Cazeneuve signe d’ailleurs la préface d'un livre (« La gauche du réel, un progressisme pour aujourd'hui », édité par la Fondation Jean Jaurès) qui trace des perspectives pour la gauche de gouvernement.

« Il faut créer les conditions pour ne pas être absent du débat présidentiel de 2022 »

L’horizon est fixé pour le moment aux européennes. Le score du PS « conduira Bernard Cazeneuve à faire un choix ou non ». Reste un risque pour l’ancien premier ministre : se retrouver dans une position de recours, comme Jacques Delors pour la présidentielle de 1995. « Que des acteurs politiques viennent tester la température de l’eau avant de se jeter dans le bain ne me paraît pas anormal. Il y a une démarche de prise de contact et de maintien de liens » souligne un sénateur. « A un moment, il faut se jeter dans le bain. On doit rentrer dans le combat politique » met en garde un autre.

Mais les choses sont très mouvantes. « 2022, c’est très proche et tellement loin. Dans quel état sera Emmanuel Macron ? » se demande un sénateur PS. « Ni Hollande, ni Cazeneuve ne peut dire "je serai le bon". Par contre, il faut créer les conditions pour ne pas être absent du débat présidentiel de 2022. La vie politique s’accélère très vite parfois ». Et il vaut mieux se tenir prêt. Au coup où « les planètes sont alignées ».

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