Bilan mensuel des chiffres de la délinquance : « Cela rappelle furieusement l’époque de Nicolas Sarkozy », selon le sénateur Jérôme Durain

Bilan mensuel des chiffres de la délinquance : « Cela rappelle furieusement l’époque de Nicolas Sarkozy », selon le sénateur Jérôme Durain

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et la ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa ont effectué ce mardi midi leur première présentation mensuelle de l’activité des forces de l’ordre. Un bilan chiffré qui suscite des réactions critiques au Sénat
Public Sénat

Par Julien Chabrout

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Une pluie de chiffres mais pas de « politique du chiffre » pour autant, assure le gouvernement. Pendant une trentaine de minutes, ce mardi midi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin et la ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa ont dévoilé de nombreuses données en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, « une priorité interministérielle », de lutte contre la radicalisation et d’outrages sexistes. Des chiffres soigneusement choisis par le gouvernement.

Un total de 4,2 tonnes de cannabis a ainsi été saisi en septembre contre trois tonnes en août, a annoncé Gérald Darmanin. Les services de police et de gendarmerie ont également procédé à 1189 interpellations liées au trafic de stupéfiants en septembre, en hausse de 25 % par rapport à août, a ajouté le ministre de l'Intérieur. Un total de 9532 amendes forfaitaires de 200 euros a par ailleurs été dressé contre les consommateurs de stupéfiants par les forces de l'ordre entre le 1er septembre dernier, date de leur généralisation en France, et le 8 octobre dernier.

Le ministre a également annoncé que « 12 lieux de radicalisation » ont été fermés en septembre, dont une mosquée non déclarée et une école hors contrat dans l'Hérault. Au total, 73 lieux soupçonnés de radicalisation ont été fermés depuis le début de l'année. En outre, sur le volet des outrages sexistes, « plus de 2000 infractions pour outrage sexiste » ont été relevées depuis l'inscription de ce délit dans la loi en 2018, a indiqué Marlène Schiappa, précisant que 142 infractions ont été sanctionnées en septembre dernier, contre 86 en septembre 2019.

« Le pire de la politique du chiffre »

« Il ne s’agit pas de politique du chiffre, mais de politique de résultats des services de police et de gendarmerie afin de valoriser leur travail », a assuré Gérald Darmanin. Jérôme Durain ne partage pas cet avis. « C’est une politique du chiffre qui ne dit pas son nom. Elle rappelle furieusement l’époque de Nicolas Sarkozy », affirme le sénateur PS de la Saône-et-Loire, rejoignant la position de la maire socialiste de Nantes Johanna Rolland sur Public Sénat ce matin. Pour le nouveau vice-président de la commission des lois, « le virus du chiffre a de nouveau frappé ». 

Contactée par Public Sénat, Cécile Cukierman est sur la même ligne. Elle évoque « le pire de la politique du chiffre, avec des chiffres choisis qui ne sont pas mis en comparaison ». « Ce point presse nous a dit que la police fait son travail. Je ne vois pas bien ce que ce type d’exercice apporte », déclare la sénatrice PCF de la Loire. La vice-présidente de la commission des Lois fustige un « exercice d’autosatisfaction qui ne prend pas en compte les difficultés rencontrées » par les forces de l’ordre au quotidien et qui « ne parle pas de ce qui n’a pas pu être fait, faute de moyens, dans la plupart des commissariats et des gendarmeries ». « Nous avons uniquement la partie immergée de l’iceberg, ce qui a fonctionné », observe-t-elle. « Le gouvernement ne traite pas la question des moyens donnés aux forces de l’ordre et de leurs conditions de travail », abonde Jérôme Durain. « Il y a un problème d’effectifs et de moyens sur le territoire », avançait lui aussi à Public Sénat son collègue socialiste Rachid Temal

Le sujet devait toutefois être abordé ce mardi en fin de journée lors d’une rencontre entre Gérald Darmanin et tous les syndicats de police, en attente de mesures susceptibles d'apaiser le « ras-le-bol » de la profession après une série de violences, comme l'agression par balles de deux policiers, mercredi dernier à Herblay (Val-d'Oise). Lors de cette réunion, le ministre de l’Intérieur doit présenter le budget 2021 et le plan de relance dévolu à son ministère, selon son entourage joint par l’AFP. L'enveloppe est au total de plus d'un milliard d'euros. La priorité est le « quotidien des policiers », c'est-à-dire leurs conditions de travail et les matériels, ajoute son entourage. Le ministre entend aussi évoquer l'immobilier, avec des rénovations attendues de commissariats. Suffisant pour lutter contre le malaise profond des forces de l’ordre, comme le notait déjà en juillet 2018 un rapport de la commission d’enquête du Sénat ?

« Des chiffres bruts comme ça, qu’est-ce que ça veut dire ? »

Comme Cécile Cukierman et Jérôme Durain, la nouvelle sénatrice (LR) des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer se montre elle aussi dubitative sur ce point mensuel et sur les « résultats bruts » dévoilés ce mardi par Gérald Darmanin et Marlène Schiappa. « Donner des chiffres c’est bien, mais les mettre en perspective cela me semble être beaucoup plus intéressant », affirme-t-elle à Public Sénat. « Ces chiffres bruts, ça fait sérieux, ça impressionne, mais qu’est-ce que ça veut dire ? » s’interroge également Jérôme Durain. Le sénateur de la Saône-et-Loire, « pas du tout convaincu par cette méthode » du point mensuel, « un peu réductrice et partiale », plaide plutôt pour des « bilans semestriels beaucoup plus construits et plus larges ». 

« Je n’ai aucun doute sur le fait que la police travaille, mais je voudrais savoir le nombre de peines exécutées et le taux d’exécution des peines, le nombre de places de prisons, le nombre d’OQTF (obligation de quitter la France) réellement exécutées, le taux de recouvrement des amendes ou le nombre de policiers agressés », explique Valérie Boyer qui a intégré la commission des Lois. 

Pour l’ancienne députée, il serait « intéressant » que Gérald Darmanin fasse ce point avec le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti. « Sans ce tandem qui fonctionne, on ne peut pas avancer », estime-t-elle. Cette proposition devrait rester lettre morte. Et elle pourrait ne pas être davantage satisfaite lors du prochain point mensuel de la place Beauvau. « S’il s’agit simplement de faire un état des lieux des interventions des forces de l’ordre, je m’interroge sur la nécessité de pérenniser cet exercice », lâche de son côté Cécile Cukierman. Elle garde malgré tout un (léger) espoir : « Il faut voir ce que donne la prochaine conférence de presse ». La dernière chance pour convaincre les oppositions ?

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