Blocage des prisons : « Pour donner l’alarme, on ne dispose que d’un sifflet »

Blocage des prisons : « Pour donner l’alarme, on ne dispose que d’un sifflet »

145 établissements pénitentiaires bloqués sur 188. Après une nouvelle agression de surveillant survenue ce week-end, la crise bat son plein dans les prisons françaises. Les négociations avec l’exécutif, pour une revalorisation du métier, sont au point mort.
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Les semaines se suivent et se ressemblent pour le personnel pénitentiaire. Après l’agression au couteau de trois surveillants à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) le 11 janvier dernier, une nouvelle attaque a eu lieu, dimanche soir, au centre pénitentiaire de Longuenesse(Pas-de-Calais). En conséquence, lundi, « 145 établissements sur 188 » sont bloqués  à des degrés divers » rapporte Erwan Saoudi délégué FO Pénitentiaire. Dans l’après-midi, les organisations syndicales ont de nouveau été reçues par le ministère. « Pour le moment, nous ne sommes pas partis pour avoir des annonces mirobolantes. La ministre de la Justice se contente de prendre des notes » confie un participant  de la négociation ».

Jusqu’à présent, ni « le plan pénitentiaire global » annoncé par Emmanuel Macron  avant la fin du mois de février, ni les propositions de Nicole Belloubet (unanimement rejetées par les syndicats ce week-end), n’a calmé la colère des surveillants. Création de 1100 emplois sur 5 ans, renforcement des équipements de sécurité, et mise en place de quartiers spécifiques pour détenus violents : Trois pistes considérées comme insuffisantes par les syndicats.

Un front syndical désuni

Mais le front syndical est désuni face à cette crise structurelle. Et les élections professionnelles prévues à la fin de l’année ne font rien pour arranger les choses. Le syndicat majoritaire UFAP-UNSA s’oppose  à l’action « dépôt des clés » lancée par FO. « Ils sont en train de mettre le feu.  Il y a des conséquences. Les collègues qui font ça prennent le risque de perdre leur emploi » déplore  Wilfried Fonck, secrétaire national UFAP-UNSA. « On est dans un mouvement dur. Ce n’est pas les sanctions qui nous font peur » répond Erwan Saoudi de FO.  

« Les surveillants ne peuvent accepter le non-respect de la dignité de la personne humaine »

Il y a 10 jours, deux sénateurs communistes ont visité la prison de Fresnes et ont pu observer les conditions de travail et de détention plus que difficile (voir notre article). « On a ressenti une grande amertume de la part du personnel pénitentiaire qui n’est pas écouté. « Les parloirs sont abjects, il y a des punaises dans les couchettes…. Ces conditions de détention pèsent sur les surveillants qui ne peuvent accepter le non-respect de la dignité de la personne humaine. Il faut prendre des mesures d’urgence à la hauteur de ces dénonciations, revaloriser le métier de surveillant. Et ça commence par un salaire nettement plus élevé » plaide la sénatrice Laurence Cohen.

En début de carrière, un surveillant pénitentiaire stagiaire « gagne dans les 1300, 1400 euros nets avec les primes » explique Wilfried Fonck. Pour autant, si  l’UFAP demande une revalorisation indemnitaire, le syndicat souhaite en premier lieu  de meilleures conditions de sécurité pour les personnels et un recrutement plus intense que celui proposé par la ministre. « 1100 personnes sur 4 ans, ça couvre à peine l’organigramme actuel et ça n’anticipe pas  les départs à la retraite.  Et  pour ce qui est des conditions de sécurité, elles sont au plus bas. Pour donner l’alarme on ne dispose que d’un sifflet ou dans le meilleur des cas d’une alarme portative » rapporte Wilfred Fonck, qui malgré tout ne souhaite pas, comme le demande Force Ouvrière, que les surveillants soient équipés de Tasers. « Quand on voit avec  quelle facilité certains détenus arrivent à voler des clés, imaginez ce qui va se passer si les collègues ont des Tasers ».

« Nous demandons à être calqués  sur la grille police »

« On part du même constat. Il y a un gros problème de sécurité. Pour arriver à plus de sécurité, il faut recruter. Pour recruter, il faut rendre le métier attractif et pour le rendre attractif, il faut augmenter les salaires. Nous demandons à être calqués  sur la grille police » détaille Erwan Saoudi de FO.

FO-Pénitentiaire, qui n'avait pas participé aux premières négociations, a appelé à « amplifier la pression ». La CGT et FO ont prévenu que le mouvement de blocage des prisons était reconductible « jusqu'à ce que le gouvernement entende (leurs) revendications ».  Preuve que les négociations entre les syndicats et le ministère de la Justice sont au point mort, elles se poursuivront mardi, a annoncé la Garde des sceaux Nicole Belloubet à l'issue de la réunion.

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