Brexit : les PME françaises dans le brouillard anglais

Brexit : les PME françaises dans le brouillard anglais

Plus de trois ans après le référendum sur le Brexit, c’est toujours le grand flou sur les conditions et la date de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Du côté des PME françaises, difficile de se tenir prêtes dans ces conditions.
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Les mois passent et les petites entreprises françaises ne savent toujours pas à quoi s’en tenir. « Avec ces reports successifs du Brexit, l’usure est en train de s’installer. Quand vous êtes chef d’entreprise et que vous avez des décisions à prendre vous l’inscrivez sur un calendrier. Le paramètre date est très important. Mais là, nous n’avons aucune prise dessus » résume Alban Maggiar, délégué aux affaires européennes de la CPME.

Et ce ne sont pas les rebondissements de ces derniers jours à la chambre des communes qui vont rassurer les entrepreneurs français. Tenant la ligne d’un Brexit dur, sans accord, le nouveau Premier ministre britannique, Boris Johnson a perdu sa majorité à la Chambre des Communes mardi soir. Les députés ont adopté un texte demandant un nouveau report d’une sortie de l’Union européenne fixée au 31 janvier 2020 au lieu du 31 octobre. Le texte doit désormais passer par la Chambre des Lords. Si cette nouvelle date de Brexit était votée outre-Manche, elle devrait être également adoptée à l’unanimité des 27 États membres.

« Un jeu de poker tricheur »

« Du fait de la personnalité de Boris Johnson, nous sommes dans un jeu de poker tricheur. Le Premier ministre britannique est-il un jusqu’au-boutiste du no deal ou triche-t-il ? » s’interroge Ladislas Poniatowski, rapporteur LR de la commission spéciale du Sénat sur le projet de loi Brexit. Côté Français, l’exécutif a, depuis le début de l’année, préparé son « plan lié à un Brexit sans accord ». Le 17 janvier, le Parlement a adopté définitivement le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. Un texte court, de quatre articles, sur la protection des intérêts des Français résidant au Royaume-Uni, le statut des citoyens britanniques en France, ou encore des mesures en vue du rétablissement des contrôles de marchandises aux frontières.

Mise en place d’une « frontière intelligente » ?

Sur ce dernier point, mardi, à la sortie d’une réunion avec les représentants des petites et moyennes entreprises, la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des finances, Agnès Pannier-Runacher, a appelé de ses vœux à la mise en place d’une « frontière intelligente » (…) « C’est-à-dire la dématérialisation des formalités de passage aux douanes ». « Cette frontière ne fonctionnera que si l'ensemble des opérateurs des relations économiques entre le Royaume-Uni et la France joue le jeu avec une anticipation des formalités en douane avant d'arriver à la frontière. Le transporteur de marchandises devra être en possession d'un code-barre de la déclaration de douane effectuée au préalable (...) Il faut mettre l'accent sur l'automatisation des informations de passage », a complété, le secrétaire d'État à la fonction publique, Olivier Dussopt.

« Agnès Pannier-Runacher nous a dit que nous n’avions pas pris la dimension du problème »

« Il y a des préoccupations différentes selon les secteurs, que ce soit les transports, la pêche, l’agro-alimentaire… En ce qui concerne la télédéclaration de douane, on ne sait pas comment elle sera accueillie du côté britannique. D’autant qu’il n’y a pas eu de travail avec les autres pays européens sur une uniformité de ces documents de sortie du territoire. De même, ces documents devront être contrôlés par des douaniers. Ça entraînera des files d’attente à la frontière et ça aura des conséquences pour ceux qui transportent des denrées périssables. La Grande-Bretagne ne reconnaît pas la carte d’identité, donc les chauffeurs auront besoin d’un passeport. Il faudra aussi s’acquitter de droits de douane et on ne sait pas encore lesquels. On pensait qu’une période de transition aurait permis ces ajustements. Mais dans l’état actuel des choses, il est désormais difficile de l’envisager » s’inquiète Alban Maggiar avant d’ajouter : « Agnès Pannier-Runacher nous a dit que nous n’avions pas pris la dimension du problème, que nous nous étions contentés d’envoyer des newsletters à nos adhérents. Nous, on a surtout l’impression que le gouvernement s’est occupé des grandes entreprises et moins des PME qui n’ont pas forcément de personnel pour gérer ces problèmes ».

« Nous manquons aussi de techniciens vétérinaires »

Pour Ladislas Poniatowski, « Bercy a fait une chose bien ». « C’est la mise en place de réunions d’information région par région. Par contre, ils ont programmé l’embauche de 700 douaniers supplémentaires et on est loin du compte pour le moment ».

Jean Bizet, président LR de la commission des affaires européennes du Sénat, estime pour sa part que « même le nombre de 700 douaniers pourrait être insuffisant ». « Nous manquons aussi de techniciens vétérinaires. La Grande-Bretagne brille par son libéralisme intégral et son laxisme en matière de contrôles sanitaires. Souvenez-vous de la vache folle » rappelle-t-il avant de conclure. « Un Brexit désordonné ou non, c’est une perte économique de 5 à 8 points du PIB pour la Grande-Bretagne. Mais ce sera aussi une perte pour ses partenaires européens dont la France. »

 

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