Cabinets de conseil : le Sénat élargit la liste des prestations à publier, contre l’avis du gouvernement
Lors de l’examen du budget 2023, le Sénat a adopté un amendement élargissant la liste des prestations de conseil que les administrations publiques seront obligées de publier chaque année. Le gouvernement voulait restreindre cette liste alors que les sénateurs en appellent à l’obligation de transparence de l’Etat. La proposition de loi adoptée par le Sénat en octobre dernier sur le sujet n’a toujours pas été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Cabinets de conseil : le Sénat élargit la liste des prestations à publier, contre l’avis du gouvernement

Lors de l’examen du budget 2023, le Sénat a adopté un amendement élargissant la liste des prestations de conseil que les administrations publiques seront obligées de publier chaque année. Le gouvernement voulait restreindre cette liste alors que les sénateurs en appellent à l’obligation de transparence de l’Etat. La proposition de loi adoptée par le Sénat en octobre dernier sur le sujet n’a toujours pas été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.
Louis Mollier-Sabet

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Éliane Assassi et Arnaud Bazin attendaient des « preuves de la bonne volonté du gouvernement. » Après la commission d’enquête sur les cabinets de conseil qu’ils avaient menée il y a quelques mois, une proposition de loi avait été adoptée au Sénat en octobre dernier, qui proposait notamment que l’exécutif mette en place un document de suivi des différentes prestations de conseils contractées par toutes les administrations de l’Etat. Stanislas Guerini, ministre de la Fonction publique, avait apparemment accepté la proposition des sénateurs en annonçant que le gouvernement allait « faire la synthèse de toutes les commandes passées par l’Etat » chaque année dans un document budgétaire.

Le moment du fameux débat budgétaire venu, l’article 40 du projet de loi de finances (PLF) transmis au Sénat après le 49-3 prévoyait bien la mise en place d’un mécanisme annuel de suivi, mais insuffisant pour les sénateurs. « Le gouvernement a publié un premier ‘jaune’ [un document budgétaire, ndlr] en octobre dernier. Ce document est très insatisfaisant car il ne contient aucune liste des prestations », a ainsi expliqué Éliane Assassi, présidente du groupe communiste et rapporteure de la commission d’enquête sur les cabinets de conseil.

« Le gouvernement se cache derrière le secret des affaires »

Dans ce projet de loi de finances 2023, l’exécutif entendait donc codifier le document qui serait annexé au budget tous les ans et qui récapitulerait les dépenses de conseil. Le problème, c’est que dans la rédaction proposée par le gouvernement, ce document n’intégrerait pas les prestations pouvant porter atteinte au secret de la défense nationale, à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sûreté de l’État, à la sécurité publique, à la sécurité des personnes, à la sécurité des systèmes d’information, au secret des affaires, ou encore lorsqu’il s’agit « de la protection du patrimoine scientifique et technique de la Nation ».

« Le gouvernement limite le périmètre, se cache derrière le secret des affaires, et profite du 49-3 pour introduire dans ce 'PLF’ ce que le Sénat avait rejeté avec force en octobre dernier [lors du vote de la proposition de loi transpartisane] », a ainsi regretté Éliane Assassi. Accusant le gouvernement de vouloir « dévitaliser » leur initiative parlementaire, plusieurs sénateurs issus de nombreux groupes parlementaires ont déposé un amendement « transpartisan », lui aussi, pour revenir au format imaginé par le Sénat dans la proposition de loi.

« Il faut être honnêtes les uns envers les autres »

En réponse, le ministre chargé des Comptes publics, Gabriel Attal, a estimé que l’amendement était « satisfait », c’est-à-dire que son objectif était déjà rempli par le texte tel que rédigé actuellement et a demandé aux signataires de le retirer. « Avec tout le respect que je vous dois, il ne faut pas tourner autour du pot », lui a répondu la présidente du groupe communiste au Sénat, estimant que le dispositif du gouvernement présentait « plein de trous dans la raquette. »

Sa collègue communiste, Cécile Cukierman, a, elle aussi, remis en doute la sincérité du ministre : « Il faut être honnêtes les uns envers les autres, vous ne pouvez pas nous dire que l’article satisfait les recommandations de la commission d’enquête et de la proposition de loi qui en a découlé. Vous réduisez considérablement le périmètre de publication des données. Vous faites une proposition, mais elle est en deçà de ce qui avait été demandé. »

À cet égard, Jean-François Husson, le rapporteur général LR du budget s’est dit favorable à cet amendement signé par certains sénateurs de son groupe, en faisant remarquer au ministre que cela permettrait de prendre en compte les autorités indépendantes comme la Cour des comptes, alors que le texte de l’exécutif « se limitait » aux établissements ayant un budget supérieur à 60 millions d’euros. « Tant qu’à faire, autant valider le contrôle sur l’ensemble », a-t-il expliqué.

Une proposition de loi toujours bloquée dans la navette

Sans surprise, l’amendement a été adopté par la Chambre haute, contre l’avis du gouvernement, donc. La commission mixte paritaire de ce mardi 6 décembre, où les députés et sénateurs devront négocier la version finale du budget 2023, permettra de savoir si cette disposition entrera finalement en vigueur.

Si ce n’était pas le cas, la proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat est encore sur la table, a tenu à rappeler Éliane Assassi à Gabriel Attal. La présidente du groupe communiste a en effet tenu à « intervenir pour que cette proposition de loi soit déposée le plus vite possible sur le bureau de l’Assemblée nationale », et que le Parlement puisse avoir un « débat sur le fond » dédié à cette question.

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