Candidat LR : le Cevipof « dément fermement » travailler à une enquête, qui risque d’avoir « quelques biais »

Candidat LR : le Cevipof « dément fermement » travailler à une enquête, qui risque d’avoir « quelques biais »

Le centre de recherche de Sciences Po « n’a pas été sollicité par LR » pour travailler à une enquête afin de trouver son candidat pour 2022, soutient son directeur, Martial Foucault. Le patron du parti, Christian Jacob, l’avait pourtant affirmé ce matin. Selon le directeur du Cevipof, cette étude pourrait se faire « auprès de sociétés de marketing » et comporter des problèmes de fiabilité.
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Quiproquo, mauvaise compréhension ou fausse annonce volontaire ? Ce matin, Christian Jacob, président des LR, annonce aux journalistes une grande enquête pour septembre afin d’aider le parti de droite à trouver un candidat à la présidentielle (lire notre article). Tout le monde comprend que ce sondage, basé sur « un panel de 15.000 » personnes, sera réalisé en collaboration avec le Cevipof, le centre de recherches politiques de Sciences Po adossé au CNRS. Son ancien directeur, Pascal Perrineau, y sera associé, ainsi que « Frédéric Dabi », directeur général adjoint de l’institut de sondage Ifop.

« Le Cevipof n’est pas engagé, ni de près, ni de loin avec un quelconque parti politique »

Seulement voilà. Ce n’est pas le cas. Le directeur du Cevipof, Martial Foucault, dément dans l’après-midi toute implication du centre de recherche… « Un peu ennuyé et fâché », le directeur exprime auprès de publicsenat.fr un « démenti ferme sur l’implication du Cevipof ».

« Je n’ai pas échangé avec Christian Jacob et le Cevipof n’a pas été sollicité par LR pour travailler à l’organisation d’un ou de plusieurs sondages auprès des Français pour les aider à choisir la procédure de leur primaire », soutient Martial Foucault. « Le Cevipof est mentionné par la voix de l’un de ses chercheurs, Pascal Perrineau, qui a accepté, à la demande de LR, de superviser scientifiquement la méthodologie de ce sondage. Et LR va passer par un institut », précise le directeur du Cevipof. Pascal Perrineau lui a expliqué qu’il y avait eu « une confusion, qu’il n’avait pas engagé le Cevipof ».

Dans ses propos, Christian Jacob parle bien d’abord d’un « panel de 15.000 personnes type Cevipof ». Mais ensuite, il souligne que « l’intérêt, c’est d’avoir une base Cevipof, avec tout le sérieux, pilotée par Pascal Perrineau ». Il parle ensuite d’une enquête « avec le sérieux qui est fait par le Cevipof ». Encore plus clair, il affirme enfin : « C’est nous qui finançons cette étude auprès du Cevipof »… Interrogé à plusieurs reprises par les journalistes qui parlent du Cevipof, il ne les reprend pas. Bref, dans la présentation faite par Christian Jacob, on comprend bien qu’il s’agit du centre de recherche de Sciences Po.

Par principe même, il ne serait en réalité pas possible pour le centre de recherche de travailler et de se faire financer par un parti, alors que ses chercheurs passent leur temps à les étudier. Martial Foucault est clair :

Le Cevipof n’est pas engagé, ni de près, ni de loin avec un quelconque parti politique, ni LR, ni un autre. Sinon ça nous mettrait dans une situation embarrassante. Ce serait très compliqué et ce n’est pas notre mandat. Ce serait un mélange des genres qu’on ne peut pas se permettre comme laboratoire CNRS.

En 2016, « on s’est complètement planté » sur la primaire LR, reconnaît le directeur du Cevipof

Le Cevipof ne participera donc pas à l’étude, dont acte. Mais comment sera-t-elle construite ? L’expérience du Cevipof est ici éclairante. Car le centre de recherche avait justement réalisé en 2016, lors de la primaire de la droite, une grande enquête auprès de 20.000 personnes avec Ipsos-Sopra Steria, en collaboration avec Le Monde. Résultat ? « On s’est complètement planté », reconnaît aujourd’hui sans problème Martial Foucault, qui avait piloté l’enquête. L’étude donnait Alain Juppé favori, avec 41 % d’intentions de vote à la primaire, suivi de Nicolas Sarkozy à 30 % et de François Fillon, à seulement 12 %. On connaît la suite. François Fillon sort largement vainqueur de la primaire, ressortant en tête du premier tour, à 44 %, et écrasant Alain Juppé au second avec 66 % des voix.

Rétrospectivement, ce décalage s’explique. « La cible d’un échantillon représentatif du collège électoral à une primaire, on ne le connaissait pas. Donc on a fait l’hypothèse que l’ensemble des personnes interrogées étaient des électeurs potentiellement mobilisables à la primaire. On leur demandait si elles avaient l’intention d’aller voter, mais nous avons failli sur l’électorat de François Fillon, qui était sous représenté dans notre échantillon. Et c’est normal, car un échantillon est représentatif de la société française. Pour ça, on s’appuie sur les données du recensement. L’électorat LR qui participe à une primaire, on ne le connaissait pas, on était dans une purée de pois, un brouillard très épais », lâche le directeur du Cevipof.

Etude de sous-groupes

Ce genre d’enquête permet surtout de faire une analyse fine selon les catégories de personnes. Si une étude de 20.000 personnes n’apporte pas « un saut gigantesque de qualité sur les intentions de vote », précise Martial Foucault, elle permet en revanche d’étudier correctement des sous-groupes, comme « un ouvrier sans formation célibataire en Ile-de-France par exemple. On en aura assez pour étudier leur choix de vote. Sinon on en aura trois » avec un sondage classique de 1.000 personnes.

« On s’est planté, mais les échecs doivent nous apprendre quelque chose », continue Martial Foucault, « et si je devais recommencer, j’aurais une première base de connaissance de l’électorat qui a voté en 2016. Il y avait eu une enquête au lendemain du premier tour. On peut ainsi pondérer l’électorat pour se caler ». On avait notamment découvert que des électeurs de gauche étaient allés voter « dans une mobilisation contre Nicolas Sarkozy. On l’avait estimé entre 12 et 15 % de l’électorat ».

« L’Ifop va peut-être travailler avec une base client, par exemple celle de Darty ou de la Fnac »

Cette nouvelle enquête qui sera réalisée par l’Ifop interroge le directeur du Cevipof. Comment vont-ils réaliser l’étude et sera-t-elle fiable ? « Je ne sais pas comment l’Ifop va construire son échantillon. Ils font rarement des études sur panel, car un panel est une base de données propriétaire d’un institut. Et l’Ifop n’est pas propriétaire de son panel. Il externalise auprès de sociétés de marketing », explique le chercheur du Cevipof. Autrement dit, « l’Ifop va peut-être travailler avec une base client, par exemple celle de Darty ou de la Fnac, qui vend des bases de clients anonymes, et on va interroger dans ces fichiers clients ». Sollicité, Frédéric Dabi n’avait pas répondu au moment de publier cet article. Martial Foucault ajoute :

Je serais curieux de savoir comment l’Ifop va s’y prendre avec cet échantillon qui présente quelques biais. Je ne suis pas certain que dans ces bases de données on n’ait pas quelques trous dans la raquette.

Quand on sait que LR compte s’appuyer sur cette enquête pour l’aider à trouver le candidat ou la candidate idéal pour 2022, il y a de quoi s’interroger… Surtout pour les partisans d’une primaire. Mais chez LR, on fait visiblement toute confiance aux sondages.

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