« Capitaine dans la tempête », « régent » : le parti LR orphelin après le départ de Christian Jacob
Le président du parti Les Républicains cesses ses fonctions, comme il l’avait annoncé, ouvrant la voie à un intérim d’Annie Genevard pendant plusieurs mois. Les parlementaires saluent l’action de leur chef durant des années difficiles. Au Sénat, la désignation tardive de Valérie Pécresse restera comme l’un des plus grands regrets.

« Capitaine dans la tempête », « régent » : le parti LR orphelin après le départ de Christian Jacob

Le président du parti Les Républicains cesses ses fonctions, comme il l’avait annoncé, ouvrant la voie à un intérim d’Annie Genevard pendant plusieurs mois. Les parlementaires saluent l’action de leur chef durant des années difficiles. Au Sénat, la désignation tardive de Valérie Pécresse restera comme l’un des plus grands regrets.
Guillaume Jacquot

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Une page se tourne pour Les Républicains. Leur président, Christian Jacob, quitte la tête du parti ce 1er juillet. Il sera remplacé dans l’immédiat par la vice-présidente Annie Genevard, numéro deux du parti, qui assurera l’intérim à partir du lundi 4. Dans les rangs des parlementaires, il laisse le souvenir d’un chef qui a tenu bon, malgré les vicissitudes de ces trois dernières années.

Ancien président des députés UMP (puis LR) durant neuf années, ancien maire de Provins, ministre à trois reprises sous le quinquennat de Jacques Chirac, l’ex-député de Seine-et-Marne a pris les commandes du parti en octobre 2019, dans un contexte difficile pour le parti. Après la déconfiture aux européennes de juin 2019 (8,5 % seulement), Laurent Wauquiez avait démissionné de la présidence. L’ambiance était morose. « Ce parti est sinistré », s’inquiétait à l’époque Nicolas Florian, le maire LR de Bordeaux.

« L’urgence c’était de préserver l’unité. C’était sa mission première et il l’a réussie »

Sa présidence en demi-teinte, est certes marquée par des succès aux scrutins locaux (élections municipales, départementales et régionales) mais par des naufrages à l’élection présidentielle et aux législatives, mais elle n’en reste pas moins saluée par les parlementaires. « Il a été très courageux. Pas grand monde ne voulait prendre la présidence du parti […] L’urgence c’était de préserver l’unité. C’était sa mission première et il l’a réussie », salue le sénateur Stéphane Le Rudulier.

Son collègue, Max Brisson, rend lui aussi hommage « à un capitaine dans la tempête ». « Il a tenu la barre. Il a évité les coups de boutoir de la Macronie, et la division totale de notre famille politique. Car tout a été fait pour que la poutre casse, pour reprendre l’expression d’un ancien Premier ministre issu de nos rangs (Edouard Philippe, ndlr) ! »

« C’est un homme sympa, loyal, franc », appuie également Alain Cadec, le sénateur des Côtes-d’Armor. « Je le dis, alors que le parti ne m’a pas toujours fait des cadeaux. » En 2020, il n’avait pas été investi par son parti aux sénatoriales, le contraignant à partir sous une liste dissidente.

Homme de synthèse, Christian Jacob est aussi salué pour ses capacités de rassemblement. « Il a compris qu’il fallait revenir à l’essence même de l’UMP, de reconsidérer l’ensemble des sensibilités », reconnaît Laure Darcos. La sénatrice de l’Essonne, proche de Valérie Pécresse, avait été débarquée des instances du parti après l’arrivée de Laurent Wauquiez.

« Une régence qui s’est très mal terminée »

De façon presque iconoclaste, Christian Jacob a dirigé le grand parti de la droite en affirmant dès le départ qu’il ne se serait pas candidat à la présidentielle. Le patron de LR n’a d’ailleurs eu cesse de soutenir un autre chiraquien, François Baroin, pour l’élection suprême. Sauf que le maire de Troyes n’a jamais manifesté un intérêt pour 2022. Un député, qui fait partie de la vague de parlementaires défaits aux législatives, ne se montre pas tendre sur la stratégie suivie par Christian Jacob. « Je pense que ça a été une régence qui s’est très mal terminée. Il aura couru vers Baroin pendant trois ans, ça a flingué une partie de sa dynamique. Finalement, on s’est retrouvés le bec dans l’eau en organisant une primaire tardivement, pour aboutir à la candidature de Valérie Pécresse qui a été un accident industriel. »

2022 reste la principale ombre au tableau du bilan Christian Jacob. La candidate du parti n’a réuni que 4,78 % des suffrages au premier tour, et le groupe à l’Assemblée n’a pu préserver que 62 sièges. Beaucoup reconnaissent à Christian Jacob sa capacité d’avoir permis l’organisation d’un congrès qui s’est déroulé sereinement. Les quatre candidats malheureux ont fait preuve de loyauté et se sont ralliés à Valérie Pécresse. Le sacre en décembre s’est révélé tardif. « J’aurais préféré qu’on se mette d’accord avant l’été, on n’aurait pas perdu six mois », reconnaît Laure Darcos. « Ce que je regrette, c’est qu’on ait désigné notre candidate très tard », appuie sa collègue Catherine Deroche. Fin juin 2021, le groupe LR du Sénat avait tenté, en vain, de faire pression sur la direction de LR pour accélérer un processus à la traîne.

Ce vendredi dans Le Figaro, Christian Jacob assure partir l’esprit tranquille, considérant que « la maison est en ordre ». Beaucoup de figures emblématiques du parti ont pourtant claqué la porte, comme Renaud Muselier, le président de la région PACA. « La perte de cette région, c’est le plus gros accident industriel », commente une figure du parti. Sous la présidence Jacob, Les Républicains ont également vu disparaître leur numéro 2, Guillaume Peltier, passé chez Reconquête, et même leur ancien président de groupe à l’Assemblée nationale, Damien Abad, nommé au gouvernement dans des conditions délicates, du fait d’accusations de viols. « Christian Jacob a mis les idées au second plan, et a voulu mettre les relations humaines en premier. Mais il a fait confiance à des gens qu’ils l’ont trahi », explique l’ancien parlementaire.

« L’élection doit se passer sur des bases saines »

Outre la préparation des prochaines échéances électorales – les suivantes sont les sénatoriales de 2023 – le ou la futur(e) dirigeant(e) de LR devra s’atteler à un chantier maintes fois annoncé, mais repoussé à chaque fois : la définition de la ligne politique. « Il ne faut pas rajouter de la confusion à la confusion. L’élection doit se passer sur des bases saines. Tout en sachant qu’on ne tranche pas une ligne politique en deux mois, à travers le choix du président. Il faut travailler derrière », préconise Stéphane Le Rudulier.

D’autres appellent à ne pas mettre la charrue avant les bœufs. « Le débat doit précéder la désignation. J’appartiens à une famille politique qui a la nostalgie du chef. Mais s’il doit être désigné en amont, j’espère qu’il aura le souci du débat d’idées et qu’il sera porteur d’une ligne collective, qui dépassera ses propres convictions », espère Max Brisson. « Depuis dix ans, nous avons été paresseux. »

Le sénateur Jean-François Rapin fait aussi le vœu que les choses seront faites dans l’ordre, avant une désignation du président dans les prochains mois. « Nos futurs dirigeants doivent, avant de se partager les postes, et d’affiner leurs cartes de visite, se poser la question de qui sommes-nous ? »

À cette heure, peu de personnalités ont ouvertement exprimé leur intention de vouloir reprendre le parti. Un nom revient avec insistance : celui de Laurent Wauquiez. Il est cité par le président sur le départ, lui-même. « Laurent est celui qui rassemble toutes les qualités nécessaires pour plusieurs raisons », argumente dans le Figaro Christian Jacob, qui en fait presque son dauphin. « S’il ne se positionne pas, il passera à côté de son histoire. Il hésite, car il sait qu’il y a des coups à prendre », explique un ancien cadre du parti.

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