« Ce n’est pas à nous de nous aligner sur la macronie » : après les législatives, LR fait déjà monter les enchères

« Ce n’est pas à nous de nous aligner sur la macronie » : après les législatives, LR fait déjà monter les enchères

Après le coup de tonnerre des résultats de ces élections législatives, les différents groupes politiques du Sénat sont dans l’expectative. Une chose est sûre, l’Assemblée nationale sera difficilement gouvernable, et LR commence déjà le jeu des négociations avec le Président de la République, en expliquant que les députés Les Républicains ne voteront que certains textes et en rejetant toute possibilité de coalition.
Public Sénat

Par Louis Mollier-Sabet, François Vignal et Guillaume Jacquot

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Au Sénat, l’hémicycle ne bougera pas ce soir. C’est loin d’être le cas pour l’Assemblée nationale, et cela ne sera pas sans conséquences sur la chambre Haute. D’ailleurs, pour le président du groupe Union centriste au Sénat, Hervé Marseille, il y a « au moins un gagnant » dans cette soirée électorale : le Sénat. « Il a été ignoré pendant cinq ans. Il reprend forcément de la force et de la vigueur. La majorité sénatoriale sera nécessaire pour l’adoption des textes, encore plus sur le plan institutionnel. Le Sénat est un roc auquel la République s’accroche, c’est avec le Sénat que les choses peuvent se construire », considère le parlementaire des Hauts-de-Seine, joint ce soir par Public Sénat.

>> Pour en savoir plus : « Législatives 2022 : résultats, carte et analyses du second tour en direct »

« En renvoyant la Nupes dos-à-dos avec l’extrême droite, Emmanuel Macron n’a été ni républicain, ni responsable »

En tout cas, « si une chose est sûre, c’est que c’est un résultat surprenant », remarque d’emblée Guillaume Gontard, le président du groupe écologiste, qui « se félicite » du score de la Nupes, mais fait part d’une « grosse déception » à l’égard des 80 à 90 députés dont le Rassemblement national disposera à l’Assemblée nationale. « C’est une responsabilité cuisante de la majorité présidentielle. En ne faisant pas campagne et en envoyant dos à dos l’extrême droite et la Nupes, elle n’a été ni républicaine, ni responsable », ajoute le sénateur de l’Isère. « Je suis en colère, et triste pour mon pays et la République », lâche même Patrick Kanner, président du groupe socialiste, qui impute lui aussi la responsabilité du score à Emmanuel Macron : « Emmanuel Macron a été l’apprenti-sorcier du Nouveau monde et est l’arroseur arrosé ce soir. À force de jouer avec les extrêmes on finit par se brûler. Il est désavoué un mois après avoir été élu, et commence un quinquennat dans des conditions intenables, je ne sais pas combien de temps ça peut tenir. »

Effectivement, si un constat est partagé sur tous les bancs, c’est bien que l’Assemblée nationale qui se dessine avec ces résultats du second tour des élections législatives sera presque ingouvernable. Hervé Marseille parle ainsi d’une « défaite pour le président de la République », et se demande même si Élisabeth Borne est en mesure de remporter un vote de confiance à l’Assemblée nationale. « Je ne vois pas très bien en l’état des choses comment elle peut l’obtenir, qui plus est avec des ministres qui ont été battus. » Hervé Marseille estime que le président de la République va devoir s’exprimer. « Il ne peut pas faire autrement, et il devra faire des choix […] Il va falloir que le président de la République apprenne à travailler avec le Parlement. » Et au Parlement, il n’y a pas une infinité de groupes avec lesquels le Président de la République pourra « apprendre à travailler. »

LREM « complètement décimé »

Finalement, l’analyse n’est pas bien différente au sein de la majorité présidentielle. « Ce soir, nous essuyons un véritable revers », réagit François Patriat, patron des sénateurs marcheurs, qui a « une pensée pour (ses) amis de la majorité », défaits ce soir. « Vous vous rendez compte, le petit-déjeuner de la majorité du mardi matin, il est complètement décimé ! Il y avait Richard Ferrand (président LREM de l’Assemblée nationale, ndlr), Christophe Castaner (président du groupe LREM de l’Assemblée), Patrick Mignola (à la tête des députés Modem) », lâche François Patriat. Un terrible symbole pour la majorité, qui voit ses trois principaux piliers battus. « Ce soir, je crois que le combat contre la Nupes, nous l’avons gagné, par contre nous avons perdu contre le RN. Nous perdons beaucoup de duels face au RN. Et si ce n’était pas le cas, nous n’aurions pas perdu la majorité absolue », ajoute François Patriat. Reste que pour l’heure, Emmanuel Macron risque de se retrouver en grande difficulté pour gouverner. Mais « y a-t-il une majorité alternative ? Non. Les oppositions ne s’entendent sur rien, ne sont d’accord sur rien. Donc les seuls capables de faire une majorité demain, c’est nous ». Et 55 autres députés qui voudront bien voter avec les macronistes…

Pour François Patriat, les Français, dont il faut « respecter le vote », « ont voté à ce scrutin comme si c’était un scrutin proportionnel ». Ce soir, « le Président a une majorité relative. Il y a deux hypothèses. Soit on passe un contrat de gouvernement mais il semble que personne ne souhaite le faire. Soit on gouverne avec une majorité relative et il faut trouver, au cas par cas, des alliances pour faire passer les textes de lois », analyse le président du groupe RDPI (LREM) du Sénat. François Patriat remarque que « les LR ont montré par le passé, lors d’accords en commission mixte paritaire, qu’on pouvait le faire. Les socialistes l’ont montré aussi ». « C’est là où l’on va voir le ni droite ni gauche et le ‘en même temps’, que les électeurs ont renvoyé à Emmanuel Macron en pleine face. Il va falloir qu’il choisisse, se ranger derrière les Républicains sur l’inaction climatique, une poursuite de la casse sociale ou se tourner vers la Nupes et les 650 propositions, c’est sa responsabilité », analyse ainsi Guillaume Gontard, sans se faire d’illusions sur l’orientation que prendra le Président de la République.

« Nous ne sommes pas la voiture-balai d’Emmanuel Macron »

Un diagnostic partagé par Patrick Kanner : « Ce pays est devenu ingouvernable, sauf à chercher une majorité avec LR, ce qui clarifiera les choses et mettre dans la tête des gens de gauche qui comprendront enfin quel est le sens politique d’Emmanuel Macron. » Précisément, à droite, on sait bien que les regards se tournent aujourd’hui vers LR. Au sein de la majorité sénatoriale, on temporise pour le moment. Dans la lignée du président des Républicains, Christian Jacob, le président du groupe LR, Bruno Retailleau, n’entend pas se fondre dans une nouvelle alliance avec la macronie, qui manquera cruellement de voix à l’Assemblée nationale. « Nous ne sommes pas la voiture-balai d’Emmanuel Macron », prévient le sénateur LR de Vendée ce dimanche soir. Bruno Retailleau ne ferme cependant pas totalement la porte à tout. Jusqu’à des votes LR sur certains projets de loi ? « Ce sera possible, texte par texte », admet le sénateur, comme on peut l’imaginer sur la réforme des retraites. Les députés LR qui se retrouveraient alors en position de force et qui pourraient négocier ferme et faire évoluer les textes. « C’est simple, sinon, ils ne passeront pas », lance le patron des sénateurs LR… En clair, même avec le soutien des LR sur certains textes, il n’est pas certain qu’Emmanuel Macron puisse gouverner.

Parce que c’est bien de ça dont il est question : que les LR votent au cas par cas certains textes qu’ils estiment aller dans le bon sens, mais n’allez pas leur parler de coalition. « Surtout pas de coalition ou de soumission », réagit vivement Dominique Estrosi-Sassone. « Les LR sont sur la ligne affichée pendant la campagne. Le groupe LR doit être un groupe indépendant, qui votera en fonction des textes dans l’intérêt général et pourra apporter des solutions aux Françaises et aux Français. » Pour la sénatrice des Alpes-Maritimes, les LR doivent rester dans une ligne de « droite de gouvernement, indépendante, qui au coup par coup, en fonction des textes présentés et de ce qu’il se passera dans l’hémicycle. » Un peu, finalement, à la manière de ce qu’a pu faire la majorité sénatoriale au Sénat, à la différence que « l’Assemblée telle que présentée ce soir est tellement ingouvernable qu’une paralysie va s’installer et qu’on va aller vers un déséquilibre très profond que l’on n’a pas connu sous la Vème. » D’après elle, c’est « plutôt à la majorité Ensemble, toute relative, de montrer qu’elle a entendu le message ; et qu’elle est en capacité de proposer un certain nombre de textes de lois qui vont dans le sens de nos valeurs. Ce n’est pas à nous de nous aligner sur la macronie. » Les négociations ont commencé, et Les Républicains ne manqueront pas de faire monter les enchères.

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