« Ce n’est qu’une étape » : après un score « historique », les militants RN veulent croire aux législatives

« Ce n’est qu’une étape » : après un score « historique », les militants RN veulent croire aux législatives

À la soirée électorale du Rassemblement national, la déception de la défaite a vite fait place à une détermination affichée par les militants. Avec, comme horizon principal, l’échéance des législatives le 12 et 19 juin prochains.
Louis Mollier-Sabet

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Dès 18h, on a bien senti que ce n’était pas l’ambiance des grands jours dans le pavillon du bois de Boulogne réservé par l’équipe de Marine Le Pen pour l’occasion. La salle se remplissait très lentement, et les journalistes devaient se partager les quelques militants présents, parfois agacés des sollicitations multiples. « À part des journalistes, il n’y a pas grand monde… Regarde comme ils sont partout », lâche par exemple une militante parisienne lassée par les sollicitations des 500 journalistes accrédités. Alors que le pavillon d’Armenonville se remplit, les petits-fours et les coupes de champagne commencent à circuler. Pourtant l’ambiance n’est pas euphorique. « Ça va être serré », veut croire un militant venu de Paris dès l’ouverture des lieux. « Elle a ses chances, mais ça va être serré », répète-t-il comme pour se convaincre lui-même.

La population présente dans ce pavillon cossu du XVIème arrondissement parisien tranche avec les sympathisants plus ruraux, plus jeunes et d’avantage issus des catégories populaires, habituellement présents aux meetings de Marine Le Pen. Ici, on milite principalement dans les beaux quartiers parisiens, et souvent depuis longtemps. Certains militants avouent même plus se reconnaître dans le « Front » de Jean-Marie que dans le « Rassemblement » de « Marine. » Toujours est-il que qu’à l’approche des résultats, qui promettaient d’être de toute façon plus serrés qu’en 2017, la tension monte et les militants présents migrent du buffet vers les écrans géants. À 19h55, la voix de Gilles Bouleau résonne dans une salle enfin remplie. Le décompte est lancé.

« Bien sûr que je suis déçu, mais on aurait pu faire 30 % »

Après une montée en puissance des « Marine, Marine ! », la sentence tombe. Emmanuel Macron est réélu Président de la République, avec environ 58 % des voix. D’abord hués, les résultats sont finalement applaudis quand les chiffres s’affichent à l’écran. Et pour cause, avec presque 42 % des voix, la progression depuis 2017 est évidente. « Le plafond de verre est définitivement brisé », se félicite ainsi Marc Antoine, jeune militant RN parisien. Malgré un score historique, l’ambiance reste plombée dans les premières minutes qui suivent les résultats. En leader politique expérimentée, Marine Le Pen ne laisse pas trop le temps aux militants de désespérer et aux commentateurs de gloser sur sa défaite sans les abreuver de quelques éléments de langage et prend la parole 10 minutes après l’annonce officielle des résultats.

La candidate désormais défaite n’entend pas le rester très longtemps. Arborant un sourire presque apaisé, Marine Le Pen veut voir « une forme d’espérance » dans la défaite, et va même jusqu’à faire de son score « une éclatante victoire. » Le ton est donné pour les militants, dont les langues se délient après cette intervention mobilisatrice de leur championne et une marseillaise entonnée à pleins poumons. « Bien sûr que je suis déçu, mais on aurait pu faire 30 % », confie par exemple Gérard, un autre militant parisien, qui se félicite que son parti « ait su rassembler » au-delà de son socle habituel. D’après lui, cette présidentielle « n’est qu’une étape » et la victoire finira par sourire au RN « un jour ou l’autre. » Marc Antoine le rejoint : « Pendant quelques secondes, j’ai été déçu, mais maintenant je suis plus déterminé que jamais. »

« Mélenchon prétend être le 1er opposant à Emmanuel Macron, mais il est le 1er collabo »

Andréa, militante du Rassemblement national depuis 2015 n’a, elle, pas semblé si étonnée du résultat. Écharpe Louis Vuitton rose nouée autour du cou, elle explique, presque dépitée : « Je ne suis pas surprise, les Français auront la politique qu’ils méritent. » D’après elle, la défaite revient au traitement médiatique subi par sa candidate – qui a dénoncé un peu plus tôt les « méthodes déloyales, brutales et violentes » employées lors de la campagne d’entre-deux-tours : « Si les médias avaient dit qu’elle avait un bon programme, elle aurait été élue. Son programme était bon, il n’y avait pas d’idéologie, mais au 1er tour, on l’a qualifié d’extrême gauche, et au 2nd tour d’extrême-droite, alors il n’y a rien à faire. »

L’autre grand coupable pour les participants à cette soirée électorale, c’est Jean-Luc Mélenchon. Dès l’annonce des résultats, le nom du candidat de l’Union populaire fuse. Les militants RN reprochent aux Insoumis, la troisième force du 1er tour, d’avoir fait réélire Emmanuel Macron. Du côté des cadres du Rassemblement national, l’argumentaire est clair : Jean-Luc Mélenchon ne peut pas se poser en opposant à Emmanuel Macron alors qu’il n’a pas appelé à voter Marine Le Pen. La candidate du Rassemblement national a tout de suite rappelé – sans nommer Jean-Luc Mélenchon – que la bataille des législatives ne pourra être menée par « ceux qui prétendent être l’opposition et ont contribué à faire réélire Emmanuel Macron. » Thierry Mariani, député européen RN, va même plus loin : « Jean-Luc Mélenchon prétend être le 1er opposant à Emmanuel Macron, mais il est le 1er collabo qui a contribué à le faire réélire. Il est disqualifié. »

Législatives : « C’est un peu comme un match de foot, il y a deux mi-temps »

Si le Rassemblement national pilonne ainsi Jean-Luc Mélenchon, c’est que la campagne des législatives a déjà commencé. Dès sa première prise de parole après sa défaite, Marine Le Pen a tenu à rappeler que « la partie n’était pas tout à fait jouée » et a annoncé qu’elle mènerait la bataille des législatives « avec Jordan Bardella. » Les militants présents veulent ainsi se rattacher à l’échéance de juin. « C’est un peu comme un match de foot, il y a deux mi-temps », espère notamment Gérard. Marc Antoine veut, de son côté, croire à une « meilleure représentativité » de l’Assemblée nationale, où le FN n’a pu former un groupe parlementaire que quand elle a été élue à la proportionnelle. En 2017, le Front national n’avait par exemple réussi qu’à conquérir 8 sièges, reste à savoir si le Rassemblement national arrivera à faire aussi bien aux législatives de 2022 qu’au second tour de 2022.

Pour faire mieux, il faudra former des alliances, et se positionner par rapport à Reconquête et Éric Zemmour. Une militante parisienne, entrée au Front national en 1989, « entraînée par le charisme et les idées de Jean-Marie Le Pen », se dit très favorable à « l’union des droites » prônée par le polémiste depuis quelques années déjà. La plupart des militants ne se risquent pas à des positions aussi tranchées. « On verra ce que dira Marine », lâche par exemple Marc Antoine. Thierry Mariani ne semble lui, pas fermer la porte : « Il y a deux blocs aujourd’hui. Tous ceux qui partagent nos opinions et notre vision de la France sont les bienvenus pour empêcher Emmanuel Macron d’avoir les pleins pouvoirs. » À peine le deuxième tour fini, c’est le troisième qui commence.

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