Chantiers de l’Atlantique : les sénateurs demandent maintenant de « construire un projet concerté »

Chantiers de l’Atlantique : les sénateurs demandent maintenant de « construire un projet concerté »

Le Sénat appelait depuis plusieurs semaines le gouvernement à abandonner ce projet de rachat « contraire à l’intérêt économique et souverain du pays ». Vœu exaucé.
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Par Pierre Maurer

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Les sénateurs crient victoire. Droite comme gauche s’opposaient de longue date au rachat – qui « s’enlisait » - des Chantiers de l’Atlantique (Saint-Nazaire) par le groupe italien Fincantieri. La nouvelle est tombée mercredi soir : les gouvernements italiens et français ont annoncé l’abandon d’un commun accord du projet de rachat en pointant les incertitudes engendrées par la crise sanitaire du covid-19.

En 2017, la faillite du groupe coréen STX, alors actionnaire majoritaire des Chantiers de l’Atlantique avait conduit l’Etat à opérer une renationalisation temporaire de ce fleuron de l’industrie navale. Par l’achat de 80 millions d’euros des titres de STX, l’Etat devenait actionnaire majoritaire avec 84 % du capital. Depuis, la seule offre de reprise arrivée sur la table du gouvernement était celle du géant italien de la construction navale, Fincantieri.

« Une bonne nouvelle »

Si la renationalisation des Chantiers avait été saluée au Sénat, beaucoup s’inquiétaient de la prise de contrôle par le groupe italien. L’abandon du projet de rachat est donc accueilli comme un soulagement. « C’est une bonne nouvelle », applaudit Sophie Primas, présidente LR de la commission des Affaires économiques et auteure d’un rapport en octobre dernier sur le projet de cession des Chantiers de l’Atlantique. Yannick Vaugrenard, sénateur PS de Loire-Atlantique acquiesce : « L’abandon du projet de rachat des Chantiers de l’Atlantique par Fincantieri est une nouvelle dont nous ne pouvons que nous réjouir ! ».

« Dans notre rapport, on s’inquiétait d’une possibilité de transfert de technologies chez les Chinois, d’un affaiblissement des relations avec les sous-traitants français, et de la main mise sur les actifs physiques de Saint-Nazaire et sur l’actif intellectuel des Chantiers de l’Atlantique », explique la sénatrice des Yvelines. Bref, une fuite « des savoir-faire uniques aux Chantiers ». Et pour cause, le groupe Fincantieri avait effectivement créé avec China State Shipbuilding Corporation (CSSC) une coentreprise de production de paquebots en Chine, en acceptant au passage un transfert de technologies. « Il y avait un grand danger de voir toute la technologie s’envoler en Chine », abonde Yannick Vaugrenard.

Ce qu’a aussi dénoncé le président du groupe LR au Sénat et ancien président de la région Pays de la Loire, Bruno Retailleau. « Cela fait 4 ans que je me suis opposé à la vente à Fincantieri qui avait des accords avec les Chinois, qui auraient capté notre technologie. Et à l’époque, j’avais en face de moi Monsieur Macron, Monsieur Le Maire, qui trouvaient très bien qu’on puisse vendre à Fincantieri avec ces accords chinois », a tancé le sénateur de la Vendée ce jeudi matin sur RTL. En outre, Sophie Primas et Bruno Retailleau ont souligné dans un communiqué commun que « cette vente des parts de l’État français à un groupe italien faisait peser un risque majeur sur le maintien des emplois à Saint-Nazaire, sur le maillage des entreprises françaises sous-traitantes et naturellement sur la souveraineté de notre pays dans un domaine aussi vital que les technologies navales d’avenir ». D’autant que la santé financière des Chantiers est bonne, les carnets de commandes étant remplis jusqu’en 2025.

Un autre repreneur ? « On a le temps », répond le Sénat

Dans son rapport présenté en octobre, la commission des Affaires économiques du Sénat présentait plusieurs propositions à l’attention du gouvernement. Comme une implication plus importante de « l’écosystème économique local », en développant ce que les parlementaires nomment un « capitalisme territorial ». Sophie Primas développe : « On a désormais le temps de se poser très sérieusement, on peut faire un projet européen, réfléchir à un capitalisme territorial avec une prise de participation de la région, et travailler avec des repreneurs de la construction industrielle ». Pour l’heure, il n’y a pas d’offre « aboutie » mais des « manifestations d’intérêts ». « Il y a matière à faire un tour de table avec des intérêts locaux, nationaux, européens et industriels », estime Sophie Primas pour qui « l’intérêt industriel » doit être privilégié. Dans un communiqué, la commission des Affaires économiques précise que « les collectivités territoriales seront un partenaire indispensable des Chantiers et du gouvernement dans la mise en œuvre de tout projet alternatif : en tant qu’incarnation du territoire, d’abord ; comme partenaires, ensuite ; et peut-être même comme actionnaires, dans un esprit de « capitalisme territorial ».

« Pour l’instant les intérêts et les négociations se font de manière discrète », confie Yannick Vaugrenard. « Il y a un investisseur privé français qui se montre intéressé, mais il faut vérifier qu’il ne soit pas intéressé que par la culbute financière éventuelle », tempère-t-il. En attendant, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire a réuni mercredi soir les élus locaux pour un échange en visioconférence. « Il a suggéré qu’un groupe de travail des élus se constitue pour rencontrer régulièrement le ministère des finances. Dès la semaine prochaine le groupe commencera à travailler en visioconférence », assure Yannick Vaugrenard qui a également suggéré au ministre que l’Etat conserve une participation minoritaire dans les Chantiers. Réponse du ministre : « On verra ça quand il y aura des négociations ».

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