Chômage pour les démissionnaires : Macron précise… et recule (en partie)

Chômage pour les démissionnaires : Macron précise… et recule (en partie)

L’ouverture de l’indemnité chômage aux démissionnaires, promesse d’Emmanuel Macron, pourrait se faire tous les « 6 ou 7 ans » a affirmé le Président, au lieu des 5 ans annoncés initialement. Il avait en revanche bien affirmé que ce nouveau droit serait encadré.
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Emmanuel Macron a rappelé dans son entretien dimanche soir, sur TF1, son intention d’ouvrir aux démissionnaires les indemnités chômage. Une promesse de campagne et une vraie nouveauté. Elle doit se traduire via les négociations lancées la semaine dernière sur la réforme de l’assurance chômage.

Qu’a dit Emmanuel Macron ?

« On va encadrer, c'est la négociation que nous avons demandée aux partenaires sociaux de mener », a-t-il expliqué. « Avec un peu de bon sens, tous les 5 ans, 6 ans, 7 ans, on peut donner ce droit aux salariés. C'est ce que j'avais dit en campagne : j'avais dit au bout de quelques années, 5 ans. Il faut qu'on regarde les choses et il faut le donner s'il y a un projet. Celui qui en a assez, on ne va pas lui donner comme ça l'accès au chômage, mais celui qui au bout de 5 ans, 6 ans, 7 ans, a un autre projet, qu'on lui donne la possibilité de toucher le chômage pour mener cet autre projet », a-t-il expliqué. De plus les contrôles des chômeurs seront « renforcés ». L’idée du chef de l’Etat : qu’un demandeur d’emploi ne puisse refuser plus de deux offres d’emploi « descentes, raisonnables ».

Pourquoi c’est (en partie) un recul…

Dans son entretien, Emmanuel Macron a reculé comparé à sa promesse de campagne. Le délai entre deux démissions ouvrant droit au chômage pourrait finalement être de 6 ou 7 ans. Pendant la campagne présidentielle, comme il l’a rappelé lui-même hier, il avait pourtant fixé ce délai à 5 ans. Un tweet de décembre 2016 du compte du candidat résumait bien la promesse ainsi : « Je veux que tous les 5 ans, tous les salariés puissent avoir accès à ce droit de chômage s’ils décident de démissionner ».

En revanche, parler d’encadrer ce nouveau droit, notamment à la condition que le démissionnaire ait un projet, n’est pas une nouveauté. C’était bien dans le programme d’Emmanuel Macron.

« Tous les cinq ans, chacun y aura droit, s’il choisit de démissionner pour changer d’activité ou développer son propre projet professionnel » peut-on lire sur le site de campagne, qui précisait que « la contrepartie de ces droits nouveaux sera un contrôle accru de la recherche d’emploi ».

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Reste à savoir ce que l’ont entend par projet. Faudra-t-il créer son entreprise ? Devenir auto-entrepreneur ? Et qui vérifiera la qualité et l’éligibilité du projet ? De quoi restreindre largement les conditions d’accès à ce nouveau droit. Beaucoup de questions qui restent pour le moment sans réponse. Elles dépendent aussi des discussions avec les syndicats. La proposition d’Emmanuel Macron a le mérite de répondre aux craintes exprimées la semaine dernière par François Hommeril, président de la CFE-CGC, syndicat représentant les cadres. Il craint « des effets d’aubaine » avec ce nouveau système.

… qui permettra de financer la mesure

Les syndicats n’ont pas caché leurs craintes liées au coût de l’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires. Selon Les Echos, le surcoût la première année serait même de 8 à 14 milliards d’euros en raison de l’effet d’aubaine. Pendant la campagne, l’Institut Montaigne, think thank libéral dont le directeur est un proche d’Emmanuel Macron, avait lui donné une estimation de 2,7 milliards d’euros par an.

Repousser le délai entre deux démissions à 6 ou 7 ans, plutôt que 5, permettrait de réduire le coût de la mesure. Comme fixer des règles d’encadrement plus strictes. De quoi rendre la mesure supportable financièrement. Mais on sera loin de l’idée retenue par beaucoup de Français pendant la campagne : permettre de toucher le chômage après une démission.

La question du surcoût de la mesure a par ailleurs été minimisée dimanche par Emmanuel Macron. Il souligne l’importance du recours à la rupture conventionnelle, qui donne droit au chômage et est « la plupart du temps (...) une démission déguisée ». Quand l'employeur refuse, « bien souvent vous vous mettez en maladie. Ça arrive dans beaucoup d'entreprises, malheureusement encore souvent, et vous le payez en indemnités journalières » ajoute-t-il. Et de conclure : « Dans la situation actuelle vous avez beaucoup de coûts, et après ça se finit aux prud'hommes ». Dont Emmanuel Macron a déjà plafonné les indemnités pour en réduire le coût potentiel pour les entreprises…

Un bouleversement profond du système

Pour bien comprendre cette ouverture de l’assurance chômage aux salariés démissionnaires, il faut la replacer dans la réforme d’ensemble que veut instituer Emmanuel Macron. Le président de la République souhaite voir évoluer la philosophie de notre système. D’un principe assurantiel, dit bismarckien (du nom du chancelier allemand Bismark), nous évoluerons vers un système de solidarité, dit beveredgien (du nom de William Beveridge), comme en Grande-Bretagne. Le premier est basé sur les cotisations sociales payées par le salarié et l’employeur, comme en France. Les prestations dépendent des montants cotisés. Le second système, universel, est basé sur l’impôt et engendre plutôt des indemnités plus basses.

L’idée d’Emmanuel Macron est bien d’ouvrir à tous l’indemnité chômage, en l’étendant à ceux qui n’y ont pas droit aujourd’hui : artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales, agriculteurs.

Le risque, en voulant passer au second système et en intégrant les démissionnaires et les indépendants, c’est de faire baisser les prestations pour le financer : durée et niveau d’indemnisation chômage. Sur le site de campagne d’Emmanuel Macron, il est précisé que « la baisse de cotisations pour les indépendants, les salariés et les fonctionnaires (21,5 milliards) sera financée par une hausse de la CSG de l’ordre de 1,7 points (21,5 milliards), qui ne pèsera ni sur les retraités soumis à la CSG à taux réduits, ni sur ceux qui en sont exonérés, ni sur les indemnités chômage ». Reste à voir si la durée, actuellement de deux ans ou trois pour les chômeurs de plus de 50 ans, sera la variable d’ajustement.

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