Climat : Nicolas Hulot à l’épreuve du pragmatisme « macronien »

Climat : Nicolas Hulot à l’épreuve du pragmatisme « macronien »

Nicolas Hulot a présenté, ce jeudi, un ambitieux plan sur le climat, avec notamment comme objectif la fin de la voiture thermique pour 2040. Mais le projet pourrait se heurter au « réalisme » promu par le gouvernement.
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« Sur un fil, il ne faut surtout pas regarder ses pieds. Il faut regarder loin. » Pour la présentation de son plan Climat, son premier grand rendez-vous, le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a placé la barre haut : neutralité carbone en 2050, rénovation d’ici 10 ans des « passoires thermiques » dans le bâtiment, interdiction des nouvelles exploitations d’hydrocarbures… Des objectifs ambitieux pour un ministre bien décidé à « engager des trajectoires et des dynamiques irréversibles. »

Au Sénat, le projet plaît. « Il y a beaucoup d’ambitions affichées notamment sur des secteurs tabous comme l’agriculture » reconnait le sénateur écologiste Ronan Dantec. Sur ce sujet, Nicolas Hulot souhaite une « transformation des systèmes agricoles » pour diminuer leur impact environnemental. « Jamais un ministre de l’environnement n’avait affiché autant d’ambitions » affirme le sénateur.

Parmi les mesures concrètes, Nicolas Hulot rappelle la promesse de campagne du président Macron quoi proposait une « prime » pour remplacer les vieux véhicules à essence ou au diesel (sans que le montant ne soit précisé) ou encore la fermeture définitive des usines fonctionnant au charbon (5% de la production d’électricité française) d’ici 2022.  Mesure emblématique : la fin des véhicules essence et diesel en 2040. « Sur le papier, c’est formidable. Mais le réalisme, il est où ? » s’interroge Jérôme Bignon, sénateur LR, rapporteur du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité en 2015. « Y-a-t-il eu des concertations avec l’industrie automobile ? » Son collègue Hervé Maurey, président (UDI) de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, souligne les obstacles que rencontre encore le véhicule électrique : « le coût et l’autonomie ».

Climat : Hervé Maurey attend les "précisions" de Nicolas Hulot
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De la même façon, le nucléaire a été largement éludé par le ministre, provoquant les critiques des associations. Le plan « passe totalement sous silence la nécessaire fermeture de réacteurs nucléaires, indispensable à l'atteinte des objectifs de la loi de Transition énergétique » souligne dans un communiqué Réseau Action Climat.  « Ce plan est une colonne vertébrale, à laquelle on peut ajouter des vertèbres » assure le ministre, qui avait anticipé les critiques et les oublis de son plan pourtant foisonnant.

Mais Nicolas Hulot peut-il tenir un programme aussi ambitieux ? Le ministre a été largement critiqué en début de semaine après une décision européenne contestée sur les perturbateurs endocriniens. Ce mardi, le Commissaire européen à la santé et la sécurité alimentaire, Vytenis Andriukaitis vantait « un grand succès » sur cette question, après l’adoption d’une définition commune de ces agents chimiques dangereux pour la santé, retenue par les membres de l’Union européenne. Trop floue, pas assez exigeante, cette définition a été largement critiquée par les ONG qui travaillent sur le sujet et même par Corinne Lepage, pourtant soutien d’Emmanuel Macron.

En décembre dernier, l’ex-ministre de l’Environnement Ségolène Royal avait justement jugé « inacceptable » la première définition proposée par Bruxelles et avait tout autant rejeté celle modifiée en février. Changement de gouvernement, changement donc de tonalité : la France a finalement lâché du lest et entériné une décision. Une première couleuvre pour Nicolas Hulot qui a bien tenté d’assumer ce choix. Ne pas le voter en l’état « retardait le fait de sortir du marché un certain nombre de substances dont la dangerosité est déjà avérée (…) Je me suis dit qu’il fallait déjà acter ça » assure-t-il. « Honnêtement, je pense que j’ai obtenu tout ce que je pouvais. »  

Perturbateurs endocriniens : "Honnêtement, je pense que j’ai obtenu tout ce que je pouvais" assure Nicolas Hulot
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Difficile de ne pas voir l’ombre d’Emmanuel Macron et de son fameux « pragmatisme » planer sur cette décision. Un pragmatisme d’ailleurs largement utilisé dans les gouvernements précédents. François Hollande avait promis de fermer Fessenheim (centrale qui est toujours en activité) et on se souvient de la petite phrase assassine de Nicolas Sarkozy : « l’environnement, ça commence à bien faire. »

Emmanuel Macron n’a jamais véritablement développé la thématique de l’environnement dans son programme de campagne mais le recul des Etats-Unis sur le climat a laissé entrevoir au président de la République la possibilité de prendre la tête du mouvement écologique, avec des retombées intéressantes de l’économie verte, à la clé. Cet intérêt « pragmatique » suffira-t-il à assurer la faisabilité du plan ? « Il y aura aussi des compromis décevants » avertit l’écologiste Ronan Dantec. Ce dernier attend désormais le prochain rendez-vous, la révision en 2018 de la Programmation pluriannuelle de l'énergie, pour constater les efforts concrets lancés par le gouvernement. Mais le sénateur pourra se confronter directement au ministre dès la semaine prochaine puisque Nicolas Hulot sera auditionné par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. « On lui demandera de préciser ses annonces » prévient Hervé Maurey. Rendez-vous donc le 12 juillet.

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