Comment fonctionne l’immunité parlementaire ?

Comment fonctionne l’immunité parlementaire ?

Thierry Solère veut en finir avec le régime de l’immunité parlementaire. Une mesure à laquelle ne s’opposerait pas le gouvernement. Comment fonctionne-t-elle ?
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« Toutes ces histoires d'immunité parlementaire et tout, il faut que ça cesse », lance ce matin sur BFMTV et RMC le député LR Thierry Solère. « Je pense que ça ne sert à rien et que ça entretient ce doute et ce soupçon perpétuel que la classe politique essaie de ne pas vivre comme les autres Français. »

Pour assurer l’indépendance des parlementaires, la Constitution assure certaines protections aux sénateurs et aux députés, à travers l’article 26. Ce qu’on appelle « l’immunité parlementaire » recouvre en réalité deux catégories de protection : l’irresponsabilité et l’inviolabilité. Explications.

En quoi consiste l’irresponsabilité ?

L’irresponsabilité signifie qu’un parlementaire ne peut être poursuivi pour des actes qui touchent à son mandat et à sa fonction : aussi bien des propos tenus en séance ou en commission, que le contenu de ses propositions de lois, de ses amendements déposés ou des rapports qu’il produit. Cette immunité s’exerce toute l’année, même en dehors de la session, et après le mandat parlementaire. Autre point : le parlementaire ne peut y renoncer.

Cette immunité n’est toutefois pas totale. Quand ils interviennent en séance publique, les parlementaires restent soumis aux règlements des assemblées.

En quoi consiste l’inviolabilité ?

Deuxième volet de l’immunité parlementaire : l’inviolabilité. Elle empêche un parlementaire de faire l’objet d’une arrestation ou d’une mesure privative ou restrictive de liberté, (comme le contrôle judiciaire), le temps de son mandat, afin de ne pas entraver son exercice. Les actions sont différées. Mais il existe des exceptions.

Comment est levée cette inviolabilité ?

Depuis 1995, un parlementaire peut être poursuivi et mis en examen, et l’inviolabilité peut être levée, à condition que le Bureau (de l’Assemblée ou du Sénat) donne son accord. La demande est formulée par un procureur général : elle est transmise par le garde des Sceaux au président de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Le Bureau s’en saisit et se prononce. Depuis 2014, les votes se font à main levée au Bureau du Sénat.

Cette autorisation du Bureau n’est pas nécessaire s’il s’agit d’un crime ou d’un délit flagrant ou d'une condamnation définitive.

Contrairement à l’irresponsabilité, cette inviolabilité est limitée à la durée du mandat. De plus, la détention, les mesures privatives ou restrictives de liberté, de même que la poursuite d’un parlementaire peut être suspendue le temps d’une session, si le Bureau le demande.

À quand remonte ce régime de protection ?

L’immunité des parlementaires est aussi vieille que la représentation nationale et remonte à la Révolution française. La première Assemblée nationale s’est préoccupée du statut des élus et de l’immunité de ces derniers. Son origine remonte à la séance du 23 juin 1789, lorsque Mirabeau répondit à l’envoyé de Louis XVI qui voulait faire évacuer la salle du Jeu de paume :

« Nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes. »

L’irresponsabilité naît ce jour-là, dans un arrêté de l’Assemblée nationale. L’inviolabilité du parlementaire est, elle, définie pour la fois dans un décret de l’Assemblée nationale le 26 juin 1790.

Des remises en cause

La remise en cause de l’immunité parlementaire exprimée par Thierry Solère n’est pas isolée. Elle fait notamment suite à une campagne présidentielle très marquée par les affaires. Philippe Poutou, le candidat du Nouveau parti anticapitaliste avait marqué le débat entre les onze candidats, en déclarant à François Fillon et Marine Le Pen qu’il n’avait pas « d’immunité ouvrière ».

Plus tôt, Benoît Hamon avait déclaré sur Europe 1 qu’il fallait « en finir avec l’immunité parlementaire si c’est là pour empêcher le travail libre de l’autorité judiciaire ».

Durant sa campagne en novembre 2016, Jean-Luc Mélenchon avait demandé à ses futurs candidats aux législatives d’adhérer à la charte de l’association Anticor, favorable à la fin de l’immunité parlementaire.

Enfin, au Sénat, le socialiste Alain Anziani a vu le maintient de l’immunité parlementaire comme « une erreur politique ».

Lors de son point presse hebdomadaire, interrogé sur les déclarations de Thierry Solère, Christophe Castaner a répondu que la nouvelle équipe ne s'opposerait pas à une éventuelle suppression de l'immunité parlementaire, si les députés et les sénateurs souhaitaient la retirer.

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