Conflit ukrainien : la France est « très loin du compte pour mener une guerre de haute intensité », prévient le général Bruno Clermont

Conflit ukrainien : la France est « très loin du compte pour mener une guerre de haute intensité », prévient le général Bruno Clermont

Le groupe de travail du Sénat sur le conflit en Ukraine auditionnait ce mercredi le général de corps aérien Bruno Clermont. L’ancien directeur de la sécurité aéronautique de l’Etat a pointé le manque d’équipements de la France pour mener une guerre conventionnelle comme celle qui se déroule sur le sol ukrainien.
Simon Barbarit

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Le prochain projet de loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2024-2030 arrive à grand pas. Et contrairement au précédent texte, il sera examiné au Parlement dans le contexte particulièrement sensible de la guerre en Ukraine. C’est pourquoi, la commission de la défense et des forces armées du Sénat a mis en place un groupe de travail sur le retour d’expérience de ce conflit « afin d’évaluer qu’elle est sa portée sur le plan géostratégique et quels sont ses enseignements sur le plan militaire », a rappelé Pascal Allizard, vice-président (LR) de la commission en introduction de l’audition du général de corps aérien Bruno Clermont.

« La guerre de demain sera une guerre de longue portée »

Habitué des plateaux TV, le général, ancien directeur de la sécurité aéronautique de l’Etat a d’abord énuméré les différentes phases du conflit depuis le 24 février. Il s’est ensuite attaché à qualifier cette guerre. « Ce n’est pas une guerre du XXIe siècle ». « C’est une guerre du type 1914, 1940, technologisée. Ce n’est pas une guerre à l’occidentale ». Plus loin, il précise. « La guerre de demain sera une guerre de longue portée, par des sous-marins, par des avions, par le sol […] Ce ne sera pas une guerre de tranchée à courte distance. C’est cette guerre-là que les Américains préparent pour demain (avec la Chine). Nous devons le considérer mais elle nécessite des moyens très supérieurs à ceux qu’on autorise », souligne-t-il.

« Le système russe, c’est un système où tout le monde ment à tout le monde, et la vérité, c’est le combat

Il a ensuite brossé un portrait peu flatteur de l’armée russe. « C’est plus une non-armée russe qu’une armée russe […] La marine russe n’a pas été engagée […] L’armée de l’air est puissante mais les forces ne sont pas entraînées et n’ont pas d’heures de vol. Les Russes comme les Chinois connaissent la doctrine occidentale et ils essayent de la répliquer mais ils n’ont pas la technique, ils ne s’entraînent pas. L’armée russe a plein de problèmes liés à la corruption au clientélisme. Un système mafieux politique qui commence par Poutine et qui va jusqu’en bas ». A l’inverse, « les Occidentaux » ont, selon lui, « la bonne doctrine, les bons concepts, les bons entraînements. On sait travailler entre les milieux terre et mer, les Russes ne savent pas […] Le système russe, c’est un système où tout le monde ment à tout le monde, et la vérité, c’est le combat, c’est là que se juge une armée ».

Mais la Russie est une puissance nucléaire et c’est la raison pour laquelle, les pays occidentaux ont vu d’un très mauvais œil les récentes frappes ukrainiennes sur le sol russe ces derniers jours, une première depuis la seconde guerre mondiale. « Ce sont de vieux drones de renseignement soviétiques des années 1970 que les Ukrainiens ont bricolé pour en faire des missiles de croisières très précis », a-t-il expliqué.

« Poutine n’est pas fragile. Il va rester au pouvoir jusqu’à la fin »

Une ligne rouge pour les Etats-Unis qui ont déclaré mardi « ne pas encourager » l’Ukraine à lancer des frappes en Russie. « L’OTAN ne veut pas aller jusqu’à une confrontation nucléaire avec la Russie. Pourquoi ? Parce que la Russie a 6 000 têtes nucléaires. Ce n’est pas compliqué à comprendre », insiste le général.

Bruno Clermont évoque deux scénarios qui pourraient conduire la Russie à « franchir le Rubicon nucléaire ». « Si Poutine perd la guerre ou s’il est chassé du pouvoir. Mais Poutine n’est pas fragile. Il va rester au pouvoir jusqu’à la fin. Et si la guerre se radicalise, si la Russie est attaquée, la Nation russe va se regrouper autour de ses soldats qui meurent autour de son chef d’Etat ».

Et pour le général, la dissuasion nucléaire est une stratégie qui a été un succès pour la France et l’Otan, mais « comme en Russie, elle a été maintenue au détriment de nos forces conventionnelles de haute intensité ».

Jean-Marc Todeschini, rapporteur PS du groupe de travail, l’interroge alors : « A l’approche de la loi de programmation, faut-il encore réfléchir de la même façon pour les équipements de nos forces ? »

« Il y a des manques dans l’armée française qui sont criants »

La réponse du général Clermont est on ne peut plus clair. « Il y a des manques dans l’armée française qui sont criants. La défense antiaérienne est catastrophique […] C’est un investissement majeur que nous n’avons pas fait. On est très loin du compte pour une guerre de haute intensité. Nous n’avons pas assez d’artillerie. Soyons clairs, l’armée française, c’est 50 canons Caesar, 70 si on est sympa. Le premier régiment d’artillerie, c’est 10 lance-roquettes et sur les 10 il y en a que trois qui fonctionnent. Je peux vous parler des Rafales, des Frégates, toutes ces forces conventionnelles qui ne sont pas suffisantes pour faire une guerre de haute intensité. ? On a besoin de tout, le cyber, le renseignement, les drones ».

Pour mémoire, ce lundi, les crédits de la mission défense du projet de loi de finances 2023 qui prévoient une hausse de 3 milliards pour le budget de la défense ont été adoptés par le Sénat. Dans l’hémicycle, le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu s’était montré rassurant dans l’achat des équipements pour les armées. L’audition du général Bruno Clermont a quelque peu douché son optimisme.

 

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