Congrès du PS : pourquoi « tout n’est pas écrit d’avance » pour Olivier Faure

Congrès du PS : pourquoi « tout n’est pas écrit d’avance » pour Olivier Faure

Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, candidat à sa propre succession, voit sa place contestée. Hélène Geoffroy est la plus critique sur l’accord avec la Nupes, estimant que « le PS se dilue dans LFI ». Une troisième voie, avec le maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, soutenu par Anne Hidalgo, vient bousculer le scrutin et rebats les cartes.
François Vignal

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« Les cartes sont rebattues ». Depuis quelque temps, les opposants internes à Olivier Faure, premier secrétaire du PS, veulent y croire. Le numéro 1 du Parti socialiste remet son poste en jeu pour le 80e congrès du parti, prévu à Marseille du 27 au 29 janvier 2023. Candidat à sa propre succession, le défenseur et l’un des artisans de l’accord de la Nupes voit sa ligne contestée.

Entre 20.000 et 23.000 militants vont élire le premier secrétaire

Pour saisir les subtilités PS, il faut voir que les périodes de pré-congrès socialiste passent toujours par les mêmes étapes, les mêmes rituels. Des contributions générales ont d’abord été déposées, mardi 8 novembre, avant « un conseil national de synthèse », le 26 novembre, où seront déposés les textes d’orientations – les fameuses « motions », selon l’ancien terme utilisé par les socialistes. Les signataires des contributions générales peuvent alors se rassembler sur un même texte d’orientation, dont le premier signataire vise le poste de numéro 1. Les militants, qui devraient être entre 20.000 et 23.000 selon les chiffres de la direction, sont ensuite appelés à voter pour le texte de leur choix le 12 janvier prochain, avant l’élection du premier secrétaire, prévue le 19 janvier. Les « camarades » socialistes pourront enfin se retrouver le 27 janvier, avec à leur tête le premier secrétaire élu.

Cette année, sept contributions générales sont sur la table. Mais lors du conseil national de synthèse, il ne devrait plus rester que trois textes d’orientation. Celui du premier secrétaire sortant, Olivier Faure, celui de la maire de Vaulx-en-Velin, Hélène Geoffroy, déjà candidate au dernier congrès, et « Refondations », le texte porté notamment par Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, qui tente de défendre une troisième voie.

« Serein », Pierre Jouvet souligne que « 59 premiers fédéraux » soutiennent Olivier Faure

A la direction du PS, on assure rester « serein » face à la concurrence. « Un congrès, ce n’est par essence jamais joué, ni gagné d’avance », reconnaît Pierre Jouvet, porte-parole du PS, « après, il faut regarder de manière factuelle et objective : on a 59 premiers fédéraux départementaux sur 100 qui nous soutiennent, notre texte a été signé par plus de 3000 militants. On a des représentants dans l’ensemble des départements, on est quand même plutôt bien organisés ».

Pour Rémi Cardon, sénateur PS et benjamin du Sénat, l’accord de la Nupes a clairement changé les choses en faveur du parti. « Depuis quelques années, j’ai rarement vu des manifestations où on est aussi appréciés. Je sens une marche de progression sur le capital sympathie, à la fois de la marque PS, et à la fois d’Olivier Faure », constate ce soutien du premier secrétaire, qui voit les « drapeaux PS » refleurir dans les manifestations.

Faure candidat en 2027 ? « S’il est réélu premier secrétaire, il ne sera pas illégitime à avoir cette ambition-là »

Pour compliquer les enjeux du congrès, la question ne se limiterait pas, pour le premier secrétaire, au parti en lui-même, et à sa ligne. Fort de ce regain de notoriété à gauche, on commence à prêter à Olivier Faure des ambitions pour la présidentielle de 2027…

Le leader socialiste pourrait espérer se retrouver à une forme de point d’équilibre au sein de la Nupes. « S’il est réélu premier secrétaire du PS, il ne sera pas illégitime à avoir cette ambition-là, c’est très clair. Il peut avoir ça dans un coin de sa tête. Ou certains l’auront pour lui », confie un soutien du numéro 1 du PS.

« Olivier Faure est en grande difficulté », soutient Patrick Mennucci

En face, c’est certainement Hélène Geoffroy qui a le ton le plus dur sur l’accord des législatives avec La France Insoumise, question au cœur des débats du congrès. « Après une stratégie d’effacement, de disparition, désormais, le PS se dilue dans LFI. On l’a vu lors de la marche en octobre, sans les syndicats, lors du vote de la motion de censure, où Jean-Luc Mélenchon a théorisé l’apport des voix du RN pour faire tomber le gouvernement. Il faut un sursaut du PS », avance Hélène Geoffroy.

Chez les partisans de la maire de Vaulx-en-Velin, on assure y croire sérieusement, malgré les 28 % de leur candidate lors du congrès de Villeurbanne, en 2021. « Olivier Faure est en grande difficulté », soutient Patrick Mennucci, ancien député PS marseillais, qui dénonce la ligne de la direction. « Pour nous, il faut que le PS soit fidèle à l’ambiguïté d’Epinay (congrès fondateur du PS en 1971, ndlr) : à la fois dans la revendication, la défense des plus modestes, mais aussi capable de gouverner, et de passer des compromis pour le faire », souligne ce soutien d’Hélène Geoffroy.

Pour lui, « il faut que le PS tienne les deux bouts », c’est-à-dire « pouvoir opérer la synthèse entre ce que Jaurès appelait l’idéal et le réel, c’est-à-dire ce qu’on peut faire. Or cet aspect-là est complètement occulté par la Nupes et par Olivier Faure ». Faut-il rompre avec LFI ? Sur ce point, Patrick Mennucci attend les élections européennes avec impatience. « Avec LFI, un accord sera impossible au regard des valeurs du PS sur l’Europe. On va sortir de la Nupes à partir du moment où il n’y aura pas de liste commune avec LFI », prédit l’ancien député des Bouches-du-Rhône.

« Redonner de la force au PS et de l’autonomie » demande Rémi Féraud, proche d’Anne Hidalgo

Depuis la rentrée, une « troisième voie » tente de jouer sa carte, sous le nom de « Refondations ». Derrière le maire PS de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, du monde et surtout des élus issus de fédérations qui pèsent. On trouve dans les signataires plusieurs élus de Paris, dont les sénateurs David Assouline, premier fédéral de la capitale, et Rémi Féraud, président du groupe Paris en commun à la mairie de Paris, soit deux proches de la maire Anne Hidalgo. La candidate défaite à la présidentielle n’a pas signé la contribution, mais elle a affiché son soutien sur Twitter.

« Le sujet, c’est de ne pas rester encalminés dans une gauche dominée par LFI mais de redonner de la force au PS et de l’autonomie », soutient Rémi Féraud, qui pense que « le PS se lie trop lui-même les mains ». Pour le sénateur de Paris, « il ne s’agit pas de refaire 2022, mais de préparer l’avenir. Une gauche dominée par LFI, c’est une gauche qui ne peut pas gagner ». Rémi Féraud ajoute :

L’alternative ne peut pas être entre la Nupes et le retour au social-libéralisme ou au quinquennat Hollande.

« Un rééquilibrage politique me paraît nécessaire », selon Patrick Kanner

On trouve aussi chez Refondations Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat, et sénateur du Nord, autre « fédé » importante du parti au poing et à la rose. Depuis le début, il ne cache pas ses critiques contre l’accord de la Nupes. LFI n’a jamais été sa tasse de thé. Aujourd’hui, il semble avoir mis un peu d’eau dans son vin socialiste, puisque Refondations ne rejette pas l’accord en soi avec LFI, mais la place du PS au sein de la Nupes. « Ce n’est pas un problème de personne avec Olivier Faure, mais la ligne portée par la direction ne me convient pas », explique Patrick Kanner, qui reproche au passage au premier secrétaire de multiplier les déplacements sur le thème des superprofits pour faire campagne aux frais du PS. « Je ne crois pas à la possibilité pour LFI d’amener la gauche au pouvoir. Et je n’ai pas envie d’être au service d’une ambition qui n’ira jamais jusqu’au bout », avance le patron des sénateurs socialistes, qui ajoute :

Si j’étais persuadé que LFI était capable d’amener la gauche au pouvoir, on pourrait y regarder à deux fois, même s’il y a des débats sur l’Europe, la police. Mais je n’y crois pas.

Patrick Kanner « considère que la première force à gauche, ce sont les socialistes. Il faut l’affirmer. Car nous avons le premier groupe parlementaire, nous sommes 95, avec les sénateurs PS. Nous sommes aussi le premier groupe pour la gestion des collectivités territoriales. Tout cela compte pour avoir un rééquilibrage politique, qui me paraît nécessaire ».

« On a déjà réinversé le rapport de force en faveur du PS », soutient Pierre Jouvet

Pour Pierre Jouvet, ces attaques sont synonymes « d’une profonde mauvaise foi. Soit ils veulent rassembler la gauche, et ils s’inscrivent dans notre stratégie. Soit ils n’en veulent pas ». Le porte-parole du PS rappelle au passage « que leur stratégie a amené au score de 1,7 % à la présidentielle, largement derrière Mélenchon (22 %). Si on avait respecté à la lettre le rapport de force, ça aurait donné 30 candidats PS aux législatives. On en a eu 77, quand les écolos en ont eu 96 et le PCF 50. Le groupe PS est passé de 28 à 31 députés et l’accord de la Nupes a permis de se réinscrire au cœur de la gauche. Surtout, on a retrouvé un rapport de force plus raisonnable. LFI n’a que deux fois plus de députés que nous. On a déjà réinversé le rapport de force », avance ce soutien d’Olivier Faure.

Il récuse enfin l’image d’un PS qui serait effacé, « une caricature que font les opposants internes, dans une simple logique de congrès ». Pierre Jouvet ajoute :

Notre ligne c’est de continuer d’affirmer le rôle du PS et d’être de nouveau en capacité d’être les leaders de la gauche.

Alliance entre Hélène Geoffroy et Refondations pour battre Olivier Faure ?

Dans ce PS « où les plaques tectoniques ont bougé », certains imaginent déjà des rapprochements entre Hélène Geoffroy et Refondations, après le vote des militants le 12 janvier. Une alliance qui pourrait permettre de battre Olivier Faure. C’est là que se situe le danger pour lui. « Nous sommes ouverts à des orientations politiques. C’est dans la discussion qu’on peut répondre. Je pense que oui, il y a des possibilités de se mettre d’accord pour relancer, refonder le parti », croit Patrick Mennucci. « Ce serait l’alliance de la carpe et du lapin », raille un soutien d’Olivier Faure, qui reconnaît que « ça peut être une hypothèse. Mais est-ce que les militants suivraient ? » Un signataire de Refondations se fait lui-même prudent : « Si nous faisons 35 % et Hélène Geoffroy 20 %, ça fait 55 %. Mais est-ce que tout le monde votera dans le même sens ? »

A deux mois du vote, toujours est-il que « les jeux sont très ouverts. Aujourd’hui, Olivier Faure n’est plus assuré du tout d’avoir la majorité », prédit Hélène Geoffroy. Un autre opposant au premier secrétaire pense que ce sera « un vrai congrès politique, donc tout n’est pas écrit d’avance ».

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