Constitution : « Est-ce que les Français veulent un Président tout-puissant ? » demande Bruno Retailleau

Constitution : « Est-ce que les Français veulent un Président tout-puissant ? » demande Bruno Retailleau

Reçu par le premier ministre sur la révision constitutionnelle, Bruno Retailleau a rappelé que les sénateurs LR veulent une bonne représentation des territoires après la réforme. Il n’a en revanche pas évoqué le non-cumul des mandats dans le temps, alors que Gérard Larcher en fait une ligne rouge.
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Edouard Philippe a gardé le plat de résistance pour la fin. Le premier ministre termine ses entretiens, débutés la semaine dernière, en vue de la réforme des institutions. Il a reçu ce mercredi les patrons des groupes LR des assemblées, Christian Jacob et Bruno Retailleau, avant de terminer par François de Rugy, président LREM de l’Assemblée nationale, puis surtout Gérard Larcher, président LR du Sénat, en fin de journée.

Une loi organique pour se passer de l’accord du Sénat

A la sortie, Bruno Retailleau a rappelé que les sénateurs LR étaient loin d’être sur la même ligne que l’exécutif, sans écarter totalement l’idée d’un accord. « Il ne faut pas partir du principe qu’il ne peut pas y avoir d’accord » explique le président du groupe LR du Sénat. Mais la droite ne veut pas d’un accord à la découpe, « par appartement » comme dit Christian Jacob.

Les 31 mesures envisagées par Matignon sont réparties en trois textes distincts : un projet de loi constitutionnelle, un projet de loi organique, un projet de loi ordinaire. Or les sujets qui hérissent les sénateurs, le non-cumul des mandats dans le temps et les conséquences de la baisse du nombre de parlementaires, sont dans le projet de loi organique. Les députés auraient ici le dernier mot, contrairement à la réforme constitutionnelle, qui doit être votée en termes identiques par l’Assemblée et le Sénat. Un coup de bonneteau qui permettrait tout simplement de se passer de l’accord du Sénat sur ces points. Emmanuel Macron pourrait in fine vouloir faire adopter ces réformes par référendum, via l’article 11 de la Constitution, pour mieux enfoncer le clou. Certains constitutionnalistes estiment cependant que le non-cumul des mandats dans le temps nécessite de réviser la Constitution et ne peut donc être adopté par une loi organique (voir notre article sur le sujet).

« Si demain il y avait un référendum, il ne pourrait pas y avoir d’accord sur la révision constitutionnelle »

Le coup est un peu gros pour les sénateurs. « Si demain il y avait un référendum, il ne pourrait pas y avoir d’accord sur la révision constitutionnelle » prévient Bruno Retailleau, alors que le projet de loi constitutionnelle comporte des sujets qui font consensus, comme la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. « Il ne comptera sur nous qu’à condition qu’on trouve un accord général sur ce triptyque » des trois textes, ajoute le sénateur de Vendée. Emmanuel Macron pourra toujours faire adopter ses mesures phares, mais pas la réforme constitutionnelle en tant que telle.

Sur le reste, Bruno Retailleau « a mis en garde le premier ministre : il faut que cette révision soit utile aux Français. On a une hyper-présidentialisation. Pour la première fois, on voit affaiblir le Parlement ». La limitation du droit d’amendement, sortie du chapeau d’Edouard Philippe la semaine dernière, est notamment très mal passée, à gauche comme à droite. Beaucoup y voient une monnaie d’échange pour négocier. « Ils cherchent à rabaisser le Parlement. Est-ce que les Français veulent un Président tout-puissant ? Ou une démocratie moderne ? » demande le sénateur. Il ajoute : « Ce n’est pas pour nous, c’est pour les Français, qui pour l’instant, ne semblent pas se rendre compte de ce qui se passe. Ils n’en n’ont pas conscience ».

Pas un mot sur le non-cumul des mandats dans le temps

Reste qu’une des principales lignes rouges de Gérard Larcher, le non-cumul dans le temps limité à trois mandats successifs, n’a étonnamment pas été évoquée par Bruno Retailleau à la sortie de Matignon. Le président du groupe LR n’a pas dit un mot sur ce point devant les caméras, alors que le président du Sénat en fait une question de principe depuis des semaines. Mais la réforme ne sera pas rétroactive et ne s’appliquerait qu’à partir de 2038 pour les sénateurs.

« Combattre le non-cumul, ce n’est pas simple à expliquer. C’est un combat difficile » admet un sénateur LR, qui connaît bien le groupe. Gérard Larcher sera-t-il prêt à l’accepter et à lâcher sur le non-cumul, permettant d’ouvrir la porte à un accord ? Il est encore trop tôt pour le dire. Mais « la vraie ligne rouge, ce sont les territoires » confirme le même sénateur.

« Le risque, c’est l’affaiblissement des territoires »

On touche ici à la représentation des territoires, liée à la réduction du nombre de parlementaire. « On n’y est pas défavorable, mais à un moment donné, vous n’arrivez plus à représenter ces territoires pauvres en démographie » met en garde Bruno Retailleau dans la cour de Matignon. Si on réduit d’un tiers le nombre de parlementaires, comme l’a promis le chef de l’Etat, 50 départements se retrouveraient avec un seul sénateur, contre sept aujourd’hui (en métropole). Les sénateurs en veulent le moins possible. « Le risque, c’est l’affaiblissement des territoires », notamment ruraux, et « de la France périphérique », met en garde Bruno Retailleau.

Autre point : la dose de proportionnelle pour les députés. Elle n’est pas vraiment du goût non plus des sénateurs. Pour les députés LR, c’est même niet. « Nous sommes totalement opposés à la proportionnelle. C’est un facteur d’instabilité » prévient Christian Jacob. Quant à l’introduction de la Corse dans la Constitution, via un article à part entière, le président du groupe LR de la Haute assemblée se dit « très réservé. C’est l’ouverture de la boîte de Pandore. Demain, ce sera les Alsaciens ou les Bretons qui demanderont des avancées ». Pas sûr que l’exécutif entende les sénateurs sur tous les points. Après son entretien avec Gérard Larcher, Edouard Philippe va transmettre ses conclusions à Emmanuel Macron dans les prochains jours. L’ensemble de la réforme sera présenté en Conseil des ministres mi ou fin avril.

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