Constitution : Larcher montre ses muscles sans fermer la porte à Macron

Constitution : Larcher montre ses muscles sans fermer la porte à Macron

Gérard Larcher a présenté les propositions du Sénat sur la réforme de la Constitution. Il reste ferme sur les lignes rouges des sénateurs sur le non-cumul dans le temps et la représentation des territoires ruraux. Tout en assurant ne « pas être campé » sur ses positions et être prêt au dialogue.
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Ferme, tout en restant ouvert à la discussion. Mais quand même très ferme. Gérard Larcher n’a rien lâché sur ses lignes rouges, en présentant ce mercredi les 40 propositions du groupe de travail du Sénat sur la réforme constitutionnelle et institutionnelle. Un peu plus d’un mois après celle des députés, les sénateurs rendent à leur tour leur copie. Un groupe transpartisan a planché sur la question depuis plusieurs semaines.

Gérard Larcher hostile à la réduction du nombre de parlementaires
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Si des points de convergences apparaissent avec l’Assemblée nationale, comme sur le renforcement de la fonction de contrôle, sur l’essentiel, le Sénat ne bouge pas. Gérard Larcher a rappelé ce qui constitue à ses yeux des points de blocage avec Emmanuel Macron. Il a pu le faire directement « hier assez longuement », lors d’une rencontre avec le chef de l’Etat. Un échange « loyal et cash », comme peuvent l’être les deux hommes quand ils se voient.

« Coup de Stabilo »

Pour l’heure, le deuxième personnage de l’Etat continue de montrer ses muscles. Il met la barre haute. Classique, lors d’une négociation digne de ce nom. D’autant que le sénateur des Yvelines a l’image de ne pas être un amateur en la matière.

Gérard Larcher ne veut toujours pas entendre parler de non-cumul dans le temps limité à trois mandats successifs pour les élus locaux et les parlementaires. Il veut aussi « au moins un député et un sénateur par département. Vous pouvez mettre un coup de Stabilo là-dessus ». Rouge, de préférence. Autrement dit, c’est non négociable.

La formule du Sénat pour une bonne représentation des territoires

La réduction d’un tiers du nombre de parlementaires aurait pour conséquences d’amoindrir la représentation des territoires, notamment ruraux. Ce dont ne veut pas le Sénat, qui est, de par la Constitution, l’assemblée représentant les collectivités. Pour assurer une bonne représentation, il faudrait donc que la démographie ne soit pas le seul critère de définition. Actuellement, un écart de plus ou moins 20% par rapport à la population est admis, selon une jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le groupe de travail propose de porter ce critère à 30% pour laisser plus de marge. Une idée qui s’inspire directement d’une proposition de loi constitutionnelle que Gérard Larcher et Philippe Bas, président LR de la commission des lois du Sénat, avaient déposée en 2014. Elle précisait qu’on « ne peut en principe s'écarter de plus d'un tiers de la moyenne de représentation constatée pour l'assemblée concernée ».

Dans l’esprit de Gérard Larcher, afin de ne pas léser les départements les moins peuplés, ceux dont la population est inférieure à 250.000 habitants, soit 19 départements, auraient un sénateur, alors qu’on compte actuellement 7 départements métropolitains avec un seul sénateur. On ajouterait ensuite un sénateur par tranche de 250.000 habitants supplémentaire (par exemple 2 sénateurs pour un département de 500.000 habitants, 3 pour 750.000 etc).

Quand au nombre total de parlementaires, si les députés passent de 577 à 440, Gérard Larcher veut respecter le ratio actuel de 0.6 entre le nombre de députés et de sénateurs. Ce qui donne 264 sénateurs contre 348 actuellement.

Petite dose de proportionnelle pour les députés

Autre point sensible : la proportionnelle. Si les sénateurs peuvent en soit l’accepter, d’autant qu’une majorité d’entre eux est déjà élue via ce mode de scrutin, Gérard Larcher se rapproche des députés LR qui la refusent. La part de proportionnelle ne peut être que « significativement inférieure aux propositions du président de l’Assemblée nationale », soit 22%.

Les sénateurs sont aussi attachés à ne pas faire de la procédure d’urgence (une lecture par chambre), la norme. Ils veulent au contraire l’encadrer et permettre à la conférence des présidents de chaque assemblée de s’y opposer. Le Sénat ne peut non plus « accepter qu’en cas d’échec de la commission mixte paritaire, on donne le dernier mot à l’Assemblée ».

« On ne résout pas une crise de confiance par un coup politique »

Pour réviser la Constitution, les deux assemblées doivent s’entendre et voter le même texte à la virgule près, avant qu’il soit adopté à la majorité des 3/5 des suffrages exprimés par le congrès. Mais en cas d’échec, Emmanuel Macron a prévenu dès le début : il est prêt à passer par le référendum. Si le président utilise l’article 11 de la Constitution, il pourra s’adresser directement aux Français, en contournant les parlementaires. Ce qui serait peu du goût de Gérard Larcher : « On ne résout pas une crise de confiance par un coup politique ». Une incertitude sur le plan juridique existe par ailleurs sur le recours à l’article 11. Mais les constitutionnalistes ne semblent pas d’accord sur ce point. L’autre option, que préférerait le président du Sénat, serait d’utiliser l’article 89 pour faire ce référendum. Mais celui-ci nécessite au préalable un vote des deux assemblées en termes identiques…

Pour couronner le tout, les sénateurs se sont accordé le plaisir de glisser, dans leur rapport, des propositions qui concernent l’exécutif : limiter à 20 le nombre de membres du gouvernement, comme publicsenat.fr l’a révélé la semaine dernière, et étendre aux ministres les incompatibilités électives applicables aux députés et sénateurs. Ils demandent aussi, comme les députés, que le gouvernement annonce plus en amont le calendrier parlementaire.

« Si vous n’avancez pas les uns vers les autres, vous ne tissez rien »

Dans ces conditions, un accord semble difficile, pour ne pas dire impossible. Pourtant, Gérard Larcher ne ferme pas la porte au dialogue et à la recherche de « convergence ». « Il faut faire confiance au dialogue avec l’Assemblée nationale et l’exécutif. Je fais ce pari » dit-il, espérant même « qu’il soit gagnant ». Sur le non-cumul dans le temps, engagement d’Emmanuel Macron, le sénateur des Yvelines pense déjà avoir décelé une marge de manœuvre : « J’ai senti, par deux fois, qu’il pourrait nous faire des propositions ».

Larcher : « Si vous n’avancez pas les uns vers les autres, vous ne tissez rien »
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Sa volonté d’avancer est-elle feinte ou réelle ? Pour trouver un compromis, il faut être deux et être prêt à faire un pas vers l’autre. Gérard Larcher le reconnaît :

« Si vous n’avancez pas les uns vers les autres, vous ne tissez rien. Naturellement, il y aura des échanges. (…) Nous avons dit les points qui nous semblent importants mais on n’est pas campé sur des positions qui sont toutes strictement bloquées »

Dans son entourage, on prévient : « On ne peut pas envisager un référendum qui diminuerait le poids du Parlement. Avancer ensemble, ce n’est pas plier. Ça veut dire converger ».

La balle est aujourd’hui dans le camp d’Emmanuel Macron. En cas de blocage des sénateurs, il pourra tenter de jouer l’opinion. Mais le recours au référendum comporte toujours des risques pour l’exécutif, même sur une question simple.

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