Constitution : les points de blocage persistent entre Macron et Larcher

Constitution : les points de blocage persistent entre Macron et Larcher

Les principaux points de blocage entre Emmanuel Macron et Gérard Larcher perdurent sur la réforme constitutionnelle. Le président du Sénat maintient ses « lignes rouges », notamment sur le non-cumul dans le temps. Si rien ne bouge d’un côté ou de l’autre, la réforme par voie parlementaire sera impossible.
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Va-t-on vers un échec des discussions sur la réforme constitutionnelle ? S’il est encore trop tôt pour le dire, la question se pose. Annoncée en juillet dernier devant le Congrès par Emmanuel Macron, la réforme des institutions et de la Constitution nécessite un accord de l’Assemblée nationale, où La République En Marche détient la majorité, et du Sénat, à majorité de droite et du centre.

Tout semblait permis il y a moins de trois mois. En octobre, le président LR de la Haute assemblée, Gérard Larcher, se montrait très ouvert. Il exprimait même sur Public Sénat sa volonté d’aller « au bout ». Mais il a vite fixé ses lignes rouges sur le non-cumul des mandats dans le temps et sur la représentation des territoires dans le cadre de la réduction du nombre de parlementaires. Lors d’une rencontre fin décembre à l’Elysée avec Emmanuel Macron et François de Rugy, le président LREM de l’Assemblée nationale, il a pu rappeler sa position.

Comme dans toute bonne négociation, on avance ses pions puis on négocie, de part et d’autre. Mais la trêve des confiseurs ne l’a pas fait évoluer. Ces points durs semblent aujourd’hui pour Gérard Larcher non négociables. « Si je suis rond dans tous les sens du terme, je suis aussi déterminé à certains moments. Et quand je dis non, c'est le non d'Antigone, un non rare mais sur lequel on ne revient pas » a prévenu dimanche Gérard Larcher, invité du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI. Il a sur la réforme « plusieurs lignes rouges ou très fortement clignotantes ». On imagine mal de son côté Emmanuel Macron lâcher sur ces sujets. Si rien ne bouge, la réforme aura du plomb dans l’aile.

« Si l'objectif est de contribuer (...) à mieux réconcilier les Français avec le politique, le Parlement, l'exécutif et donc à faire mieux fonctionner la démocratie, à mieux fabriquer la loi, alors il faut y aller. Mais si c'est pour faire un coup qui sera oublié quelques mois après, alors ça ne sert à rien » pour Gérard Larcher. Il a rappelé les points de désaccord mais aussi les points d’accord.

Ligne rouge : non-cumul dans le temps limité à trois mandats successifs

C’est le principal point de blocage entre l’exécutif et le Sénat. « Le cumul dans le temps, c’est un immense sujet. Vous savez qu’il concerne 12 sénateurs sur 348 » a lancé avec ironie le sénateur des Yvelines. La réforme ne s’appliquerait pas de manière rétroactive, mais qu’après son vote, avait précisé Emmanuel Macron devant le Congrès des maires. Il avait aussi assuré que les maires des communes des moins de 3.500 habitants en seraient exclus. Une main tendue insuffisante pour Gérard Larcher, qui veut aussi exclure les parlementaires de ce qu’il qualifie de « gadget ». « Si on pense que c’est pour nourrir les populismes, alors je n’en serai pas » prévient-il. La question du non-cumul nécessite une modification de la Constitution, ce qui n’est pas le cas de tous les points de la réforme.

Ligne rouge : assurer une bonne représentation des territoires ruraux

« Ma première ligne rouge, c’est que le département (…) est le lieu de référence de l’élection » explique Gérard Larcher, qui « n’oublie pas le premier tour de l’élection présidentielle » avec une France où « des territoires ont le sentiment de ne plus être dans la mondialisation, de ne plus être représentés ».

Explications : en raison de la réduction du nombre de parlementaires d’environ un tiers, comme le veut Emmanuel Macron, il faudra un redécoupage électoral. Alors que les sénateurs sont élus par département, ils ne veulent pas à la place d’un scrutin par région, qui pourrait être une piste.

Les élus de la Haute assemblée ne veulent pas non plus que les territoires ruraux les moins peuplés se retrouvent moins bien représentés. S’il y a actuellement quelques départements avec un seul sénateur, ils seraient demain plus nombreux en raison de la baisse du nombre de sénateurs.

Actuellement, seuls 7 départements n’ont qu’un sénateur, ainsi que 4 collectivités d’Outre-mer. Après la réforme, « selon le curseur, vous aurez 25 ou 50 départements où vous n’avez qu’un seul député ou sénateur, et forcément ça pose des problèmes majeurs » affirmait début novembre à publicsenat.fr Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants du Sénat.

« Inflexible » sur le nombre de sénateurs, après réduction

Emmanuel Macron avait promis de réduire d’environ un tiers le nombre de parlementaires. Dans leurs propositions formulées par leur groupe de travail, les députés fixent la réduction à 30%, passant de 577 à 403 députés. Pour suivre « la pratique constitutionnelle des 3/5 », Gérard Larcher entend appliquer le ratio actuel « qui est de 0,6 » entre le nombre de sénateurs et de députés. Ce qui mène le nombre de sénateurs de 348 à 240. Ou 242 exactement. « Je suis inflexible sur 0,6 » prévient le sénateur des Yvelines. Pour la réduction du nombre de parlementaires, il n’est pas forcément nécessaire de modifier la Constitution. Un projet de loi organique suffit.

« Méfiance » vis-à-vis de la proportionnelle

Si 70% des sénateurs sont déjà élus au scrutin proportionnel dans les départements les plus peuplés, Gérard Larcher est circonspect devant la volonté présidentielle d’en instaurer une dose à l’Assemblée. Il exprime sa « méfiance vis-à-vis de la proportionnelle ou de la proportionnelle intégrale ». « Le scrutin majoritaire doit rester très majoritaire à l’Assemblée nationale » pour Gérard Larcher. Dans leurs propositions, les députés fixent à 30% la part d’entre eux élus à la proportionnelle.

Feu vert sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature

Le chef de l’Etat veut réformer le Conseil supérieur de la magistrature. Un point d’entente est ici possible. « En reprenant le texte de 2013, que le Sénat a voté, il y a la base d'une convergence possible » affirme Gérard Larcher, qui « appelle à une indépendance totale de l'autorité de justice ». En 2013, les sénateurs prévoyaient un avis conforme du CSM pour les nominations au parquet. C’est justement ce qu’a proposé Emmanuel Macron lors de son discours à Versailles, devant le Congrès : « Ce Conseil devrait donner un avis conforme pour toutes les nominations de ces magistrats », avait proposé le Président.

Feu vert sur la suppression de la Cour de justice de la République

Avis favorable de Gérard Larcher sur la suppression de la CJR. « Sur la Cour de justice de la République, les propositions faites sont des propositions sur lesquelles nous pouvons travailler, à condition de trouver un filtre pour que chacun des ministres ne se retrouve pas devant la justice » affirme le sénateur des Yvelines.

Feu vert sur la fin du droit des anciens Présidents de siéger au Conseil constitutionnel

L’idée de supprimer le droit à vie qu’ont les anciens chefs de l’Etat de siéger au Conseil constitutionnel, dont n’use que Valéry Giscard d'Estaing, a l’assentiment du président du Sénat, « à la condition de le faire à l’occasion des prochains renouvellements ». Dans ce cas, « nous pouvons y aller ».

En cas d’échec, le plan B de Macron : un recours au référendum

Si le chef de l’Etat n’obtient pas le soutien d’au moins une partie des sénateurs LR, il ne pourra rassembler la majorité des 3/5 des suffrages exprimés au Congrès, nécessaire pour modifier la Constitution. Reste l’autre solution : le recours au référendum. Le président a prévenu qu’il était prêt à y recourir, si besoin. Mais les pouvoirs successifs ont toujours considéré que son recours était risqué. Les Français ne répondent pas toujours à la question posée mais peuvent en revanche l’utiliser pour exprimer un mécontentement. Est-ce un coup de bluff de la part de l’exécutif pour mieux négocier ou est-il prêt à appeler les Français à s’exprimer sur ces questions ?

Pour l’heure, il faudra attendre les propositions définitives des sénateurs. Comme nous l’avions écrit en décembre, le groupe de travail sénatorial rendra son rapport « le 24 janvier », a souligné Gérard Larcher. De son côté, l’exécutif souhaite conclure la réforme d’ici l’été prochain.

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