Contribution sur les superprofits : la proposition d’Ursula von der Leyen va (re) faire débat au Sénat

Contribution sur les superprofits : la proposition d’Ursula von der Leyen va (re) faire débat au Sénat

Devant le Parlement européen, Ursula von der Leyen a proposé de plafonner les recettes des entreprises qui produisent de l’électricité à faible coût et souhaite mettre en place « une contribution temporaire de solidarité » sur les bénéfices des producteurs d’énergie fossile. De quoi alimenter le débat du prochain projet de loi de finances.
Simon Barbarit

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« En ce moment, il n’est pas juste de réaliser des bénéfices extraordinaires grâce à la guerre sur le dos des consommateurs ». Lors de son discours sur « l’état de l’Union européenne, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen a présenté des propositions pour enrayer la flambée des prix du gaz et de l’électricité.

140 milliards d’euros pour les 27

La mesure phare, une contribution sur les superprofits des entreprises « qui produisent à faible coût de l’électricité et qui réalisent des bénéfices extraordinaires sur le dos des consommateurs » (éolien, solaire, hydroélectrique). Une contribution qui rapporterait selon la cheffe de l’exécutif européen a 140 milliards d’euros.

Selon la première version du dispositif, la Commission propose de fixer le plafonnement des recettes à 180 euros/mégawhattheure. La différence entre ce niveau de revenus et le prix de gros du marché serait récupérée par les Etats pour être redistribuée aux ménages et entreprises. A noter que charbon et méthane sont exclus du mécanisme.

Bruxelles veut également réclamer « une contribution temporaire de solidarité » aux producteurs et distributeurs de gaz, charbon et pétrole, qui réalisent des bénéfices massifs grâce à la flambée des cours. « Ces grandes entreprises doivent donc payer une juste part, verser une contribution de crise », a expliqué Ursula von der Leyen.

Cette contribution devrait être fixée à 33 % des superprofits (bénéfices supérieurs de plus de 20 % à la moyenne des années 2019-2021). En revanche, Bruxelles prend soin de ne pas parler de « taxe », car toute disposition fiscale requiert l’unanimité des Vingt-Sept, une procédure plus compliquée et risquée qu’une adoption à la majorité qualifiée.

Lire notre article. Prix de l’énergie : des désaccords persistent entre les Etats membres de l’Union européenne

« C’est positif et ce n’est pas très glorieux pour la France d’avoir été dans cette position de blocage »

« Mon amendement aussi parlait de contribution. De même, nous avions proposé une taxation pour les bénéfices à plus de 20 % et prenant en compte une moyenne triennale », observe avec satisfaction, la sénatrice centriste, Sylvie Vermeillet. Mais la sénatrice rappelle que son groupe proposait d’aller plus loin « en taxant tous les secteurs confondus ».

En effet, ce débat sur les « superprofits » avait occupé les parlementaires cet été lors de l’examen du budget rectificatif. Pas moins de sept amendements, proposés par les communistes, socialistes, écologistes et les centristes militaient en faveur d’une taxation des superprofits. « Mais cet été, Bruno le Maire (le ministre de l’Economie) a dit qu’il ne savait pas ce que c’était les superprofits. La Commission semble quant à elle le savoir. C’est positif et ce n’est pas très glorieux pour la France d’avoir été dans cette position de blocage », relève la sénatrice écologiste, ancienne eurodéputée, Mélanie Vogel.

Toutefois, l’idée d’une contribution au niveau européen sur les gros bénéfices semble depuis infuser jusqu’au sommet de l’Etat. La semaine dernière, à l’issue d’un entretien par visioconférence avec le chancelier allemand Olaf Scholz, Emmanuel Macron a finalement indiqué qu’il défendait cette idée d’un « mécanisme de contribution européenne ». Seraient visés, les opérateurs énergétiques « dont les coûts de production sont très inférieurs au prix de vente sur le marché ».

Au groupe centriste, on n’a pas encore « lâché l’affaire » sur une taxation visant tous les secteurs

Mardi, lors des « Dialogues de Bercy, une réunion où étaient conviés les responsables parlementaires de tous les groupes, « Bruno Le Maire a dit qu’il ne savait toujours pas ce que sont des superprofits, mais a laissé entendre qu’il pourrait y avoir une ouverture », confirme Christine Lavarde, vice-présidente LR de la commission des finances du Sénat. « Il pourrait y avoir une contribution des secteurs de l’énergie renouvelable qui bénéficient de la hausse des prix de l’électricité et qui se sont développés grâce aux aides publiques. Il a également cité le secteur du raffinage pétrolier. En revanche, une entreprise comme Danone qui a fait une belle année sans que ce soit lié à la crise Ukrainienne ne sera pas visée », rapporte la sénatrice.

Au groupe centriste, on n’a pas encore « lâché l’affaire » sur une taxation visant tous les secteurs. « L’une question sera celle de la clé de répartition de ces 140 milliards entre les 27. C’est ce qui va conduire les autres pays européens, comme l’Italie ou l’Espagne, qui ont déjà mis en place au niveau national des contributions exceptionnelles, à revenir ou non dessus. Lors de l’examen du projet de loi de finances, le débat sera de savoir si nous, en France, nous décidons d’une contribution au niveau national, car la France est le seul pays européen à ne pas l’avoir mise en place », souligne Sylvie Vermeillet, dont le groupe s’oppose sur ce point aux LR, pourtant partenaires dans la majorité sénatoriale. « Ils vont peut-être changer d’avis », espère la centriste.

« Cette taxation crée une vraie incertitude dans les milieux économiques »

A écouter Jérôme Bascher, le secrétaire LR de la commission des finances, ça n’en prend pas vraiment le chemin. « Le débat français est quand même différent. Nous avons deux énergéticiens, EDF et Total. Le premier vient de mettre 8 milliards au titre du bouclier tarifaire. Et on veut faire rendre gorge à Total. Plutôt que de faire un impôt redistributif, je préférais que ses profits servent pour des investissements vers les énergies renouvelables, moins rentables, mais d’avenir ».

« Cette taxation crée une vraie incertitude dans les milieux économiques. D’autant que le ministre nous a dit que cette disposition ne serait pas dans le projet initial. Cela veut dire qu’il n’y a pas d’étude d’impact, ni d’avis du Conseil d’Etat sur ce point. C’est difficile de se prononcer sans connaître l’ensemble du mécanisme », répond Christine Lagarde.

Pour mémoire, cet été, le patron du groupe LR, Bruno Retailleau avait jugé la taxation sur les superprofits « de fausse bonne solution » et « faussement équitable ». « Si c’était le remède à nos malheurs français, nous le pays champion du monde avec le Danemark de la fiscalité […] On serait à l’avant-garde du bonheur universel », avait-il estimé.

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