Convention Climat : le Sénat a entendu les mots d’Emmanuel Macron, il attend les actes

Convention Climat : le Sénat a entendu les mots d’Emmanuel Macron, il attend les actes

Après le discours d’Emmanuel Macron sur les suites de la Convention citoyenne pour le climat, le Sénat est dans l’expectative. Un projet de loi, se basant sur plusieurs des 146 propositions de la Convention, est prévu pour septembre. Le patron de la commission de l’Aménagement et du développement durable, Hervé Maurey, l’attend avec « beaucoup de pragmatisme ».
Public Sénat

Par Ariel Guez

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« Je m'y étais engagé, je tiens parole : 146 propositions sur les 149 que vous avez formulées seront transmises soit au gouvernement, soit au Parlement, soit au peuple français ». Ça y est. Presque un an jour pour jour après son lancement par François de Rugy à l’été 2019, on connaît les suites de la Convention citoyenne pour le climat. Les 150 membres de cette assemblée consultative ont été réunis à l’Élysée ce lundi. Le président de la République, qui leur avait demandé de réfléchir à des mesures pour lutter contre le réchauffement climatique, les a quasiment toutes reprises.

Un référendum d’ici 2021, un plan de relance avec un important volet écologique et l’exclusion du débat sur la limitation à 110 km/h sur les autoroutes : nous vous résumons ce qu’il faut retenir de l’allocution d’Emmanuel Macron dans cet article.  « C’est assez positif. Les citoyens, me semble-t-il, ont bien accepté les trois jokers du président de la République, personne ne s’est senti leurré », confiait Jean Jouzel, climatologue et membre du comité de gouvernance de la Convention, en début d’après-midi à publicsenat.fr.

« Emmanuel Macron avait dit qu’il prenait les propositions de la Convention sans filtre, mais en réalité, il y a eu un filtre » 

Du côté du Palais du Luxembourg, on reste dans l’expectative. « Il y a pas mal de flou » dans le discours d’Emmanuel Macron, réagit le président de la Commission du développement durable, Hervé Maurey (UC) au micro de publicsenat.fr. Au sein de la Chambre haute, on regrette les accommodements que le président de la République a pu avoir avec ses promesses passées. « Il avait dit qu’il prenait les propositions de la Convention sans filtre, mais en réalité, il y a eu un filtre », souligne Nicole Bonnefoy, sénatrice apparentée socialiste de Charente, rappelant que le Président a utilisé trois « jokers ». Parmi eux, deux divisent la classe politique.

La gauche dénonce l’abandon de la taxe sur les dividendes, la droite respire après la mise à l’écart des 110 km/h

D’abord, la taxation sur les dividendes. À gauche, ne pas reprendre cette mesure ne passe pas, notamment dans le groupe CRCE, où le sénateur PCF Fabien Gay imagine la nouvelle « devise du macronisme ». « La sauvegarde de la planète et l’écologie sur le papier, oui... Mais après les profits ! », lance-t-il sur les réseaux sociaux. Même son de cloche pour la porte-parole de Génération.s, apparentée au groupe socialiste au Sénat, Sophie Taillé-Polian, qui estime qu’Emmanuel Macron « refuse de changer de cap et d’agir dès maintenant, avec des moyens, pour une véritable transition écologique ». « On ne change pas le mode de fonctionnement de l’économie et on rejette la taxe sur les dividendes : Emmanuel Macron ne me semble pas écolo-compatible », résume auprès de publicsenat.fr l’élue EELV de Paris Esther Benbassa.

 

La droite, elle, peut se réjouir de l’autre carte joker posée sur la table par Emmanuel Macron. Le président de la République a décidé de ne pas retenir la proposition de limiter la vitesse à 110 km/h sur les autoroutes. « C’est une bonne décision ! Mettons les moyens sur l'automobile propre de demain et cessons de culpabiliser les automobilistes par des mesurettes de non-sens ! », a réagi sur Twitter Alain Fouché, sénateur Les Indépendants - République et Territoires de la Vienne. Hervé Maurey, lui, se veut plus prudent. « Sur le fond, il ne fait que décaler le débat. Il manque des clarifications », regrette le président de la commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable.

« Si les mesures vont dans le bon sens, on les soutiendra », prévient Hervé Maurey

Le sénateur « attend de voir ce que contiendra » le projet de loi promis par Emmanuel Macron pour la fin de l’été. Le texte, si on en croit les dires du président de la République, devrait comporter une série de mesures non-réglementaires issues de celles voulues par la Convention citoyenne pour le climat. Une chose est sûre : Hervé Maurey et ses collègues l’appréhenderont avec « beaucoup de pragmatisme ». « Si les mesures vont dans le bon sens, on les soutiendra », prévient l’élu de l’Eure. « Mais il ne faut pas qu’elles aillent trop loin et qu’elles deviennent inapplicables », tempère-t-il, citant par exemple la fin des vols intérieurs, qui pourrait dans certains cas rendre inaccessibles certains territoires métropolitains.

« On espère que ça ne sera pas un texte fourre-tout et on fera notre travail », abonde le Républicain Didier Mandelli, qui regrette toutefois le calendrier de l’exécutif. « Le gouvernement a eu la capacité de faire un projet de loi de ce type, pourquoi ne l’a-t-il pas fait en trois ans ? », interroge le sénateur vendéen. « Nombre de mesures sont intéressantes, mais ça, on le savait déjà » renchérit Nicole Bonnefoy. Les deux élus, l’un siégeant à droite de l’hémicycle, l’autre à gauche, sont d’accord : depuis trois ans, des propositions émises par le Sénat sur les enjeux climatiques « allant dans le bon sens » ont été retoquées par le gouvernement. « Beaucoup de propositions ont été sollicitées par Nicolas Hulot, c’est un peu dommage qu’on l’ait laissé partir », glisse aussi Didier Mandelli, alors que le président de la République n’a pas hésité à dire pendant son discours que « le temps est venu », comme l’avait fait Nicolas Hulot dans une tribune au journal Le Monde.

« Le gouvernement a eu la capacité de faire un projet de loi de ce type, pourquoi ne l’a-t-il pas fait depuis trois ans ? »

Mais, « tout n’est pas à rejeter » reconnaissent les élus contactés par publicsenat.fr. « Je me réjouirais de constater que ce que nous proposons depuis des années trouve un aboutissement », continue l’élu Les Républicains. Reste que les zones d’ombre sont encore importantes et qu’on ne sait pas quelles seront exactement les mesures soumises dans le PJL. Pour l’instant, Emmanuel Macron a surtout annoncé que 15 milliards seront consacrés à l’écologie dans le plan de relance, et que la France plaiderait pour une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, comme le Sénat le recommande.

Certains sont toutefois plus critiques que d’autres, à l’image d’Esther Benbassa, qui estime que les 15 milliards ne sont pas suffisants. « Quand vous en donnez sept à Air France... Monsieur Macron a essayé de se verdir et il était obligé de le faire après les municipales. Il a beaucoup parlé et dit beaucoup de mots, mais maintenant, c’est le moment de s’engager », lance la sénatrice de Paris.

Vers de nouvelles Conventions ? Majoritairement, les sénateurs disent non

Le président de la République a aussi annoncé la potentielle création de nouvelles Conventions citoyennes. « Les élus que nous sommes, sont en contact avec le territoire, mais rajouter de la démocratie participative est une bonne chose, si ça peut renforcer la démocratie et faire participer davantage les gens », plaide Nicole Bonnefoy. Car les annonces d’Emmanuel Macron s’ancrent dans un contexte particulier. Outre la percée d’EELV dans plusieurs grandes villes de France, les élections municipales ont aussi été synonymes d’une abstention massive. Seuls 41,6% des électeurs inscrits se sont déplacés dimanche.

« Abstention massive + conventions soi-disant citoyennes = danger pour la démocratie, qui repose sur le suffrage universel. Ne le laissons pas contourner ! Vous ne pouvez être représentés par des gens que vous n’avez pas choisis », a réagi dans un tweet le président de la commission des lois Philippe Bas.

 

« Depuis longtemps, nous faisons un grand nombre de propositions. Mais s’il suffit de tirer au sort 150 citoyens... »

Interrogé par Public Sénat, Julien Bargeton a, au contraire, défendu le modèle de la Convention citoyenne pour le climat. « L’association de la démocratie représentative avec cette forme de démocratie participative est une très bonne chose. Nous allons pouvoir mettre en place des groupes de travail entre des parlementaires et des citoyens, c’est inédit ! », s’est-il réjoui. Mais l’élu LREM de Paris ne convaincra pas grand monde au sein du Palais du Luxembourg.

Même à gauche, on voit d’un mauvais œil cette potentielle multiplication des conventions. « Il faut occuper l’espace », explique Esther Benbassa, qui rappelle qu’en termes de démocratie participative, Emmanuel Macron avait refusé d’organiser le référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris, malgré plus d’un million de signatures récoltées. « Créer de nouvelles conventions ne serait qu’un moyen de plus pour arrêter la grogne qui monte dans le pays », estime la sénatrice de Paris. Hervé Maurey se dit aussi « assez réservé quant à la généralisation du principe, qui est plus à l’initiative du gouvernement qu’autre chose ».

Didier Mandelli, lui, ironise. « Depuis longtemps, PLF après PLF, PPL après PPL, PJL après PJL, nous faisons un grand nombre de propositions. Mais s’il suffit de tirer au sort 150 citoyens… » Si la proposition d’Emmanuel Macron venait à voir le jour, alors le sénateur Les Républicains voudrait voir des conventions sur les retraites ou la question des dépenses publiques.

 

Surtout, les élus du Palais du Luxembourg n’apprécient pas le format de la Convention citoyenne pour le climat. « La participation, ce n’est pas 150 personnes tirées au sort après la défection de centaines d’autres, dont l’opinion n’a pas même la valeur d’un sondage. C’est le vote, le droit de pétition, les consultations locales, le référendum... Ne galvaudons pas la démocratie ! », écrit Philippe Bas.

Pas de référendum immédiat, mais Emmanuel Macron « prêt à prendre le taureau par les cornes »

Mais il n’y aura pas de référendum tout de suite, mais la piste est clairement envisagée par le président de la République. « La réécriture de l'article 1er de notre Constitution (...) pour introduire les notions de biodiversité, d'environnement, de lutte contre le réchauffement climatique (...) je suis favorable à cette proposition », a affirmé Emmanuel Macron, se disant aussi ouvert à un vote populaire « sur un ou plusieurs textes de loi » reprenant d'autres propositions de la Convention.

Cela ne correspond pas tout à fait à ce qu’il disait en janvier devant les citoyens tirés au sort. Mais qu’importe, explique Jean Jouzel à publicsenat.fr. « Ça permet de dire au Parlement que s’il n’agit pas, l’exécutif prendra le taureau par les cornes, c’est une sorte d’incitation », affirme le climatologue, qui a suivi depuis le début les travaux de la Convention.

D’autant plus que certains citoyens craignent que « les mesures soient détricotées par la voie parlementaire », glisse Jean Jouzel. Interrogés il y a quelques jours sur l’éventualité d’une campagne référendaire sur le climat, les sénateurs étaient très réticents à l’idée. Même les défenseurs de la Convention citoyenne pour le climat au Sénat pointaient la « cohérence » des 149 propositions, et tous les élus s’alarmaient d’un éventuel « coup de com’ » de la part de l’exécutif.

[À LIRE AUSSI - Convention citoyenne pour le climat : les sénateurs ne veulent pas d’un référendum]

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