France

Corse : le gouvernement lance le difficile chemin vers « l’autonomie »

Gérald Darmanin entame un cycle de discussions avec les élus locaux sur l’avenir de la Corse. L’évolution institutionnelle de l’île s’était invitée en pleine campagne présidentielle sur fond de violences, lié à l’assassinat en prison du nationaliste Yvan Colonna.
Simon Barbarit

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Gérald Darmanin s’y était engagé. Le cycle de discussions sur l’avenir de la Corse avec une délégation d’élus est lancé. « Nous sommes prêts à aller jusqu’à l’autonomie », avait assuré le ministre en mars dernier alors que l’île était en proie aux violences sur fond de revendications indépendantistes que l’agression d’Yvan Colonna par un de ses codétenus avait fait brusquement rejaillir.>> Lire notre article. Corse : « L’autonomie » évoquée par Gérald Darmanin est-elle la meilleure méthode face aux violences ?« Nous avons convenu de nous revoir toute une journée, toutes les six semaines » pour un « cycle de concertations d’une année », a déclaré le ministre à l’issue de la première réunion du Comité stratégique sur l’avenir de la Corse avant de préciser : « A chaque fois, nous poserons la question de l’avenir institutionnel. Est-ce que si on veut améliorer telles ou telles choses dans le modèle économique et social, on peut le faire à droit constant ? […] Sinon, comment écrire une potentielle loi organique, voire des changements institutionnels qui vont vers un statut d’autonomie que nous pourrions proposer au président de la République et au Parlement ».

« La méthode proposée par Gérald Darmanin est la bonne »

La méthode est saluée par Françoise Gatel, sénatrice centriste, présidente de la délégation aux collectivités territoriales. « Le contexte institutionnel n’est pas un préalable au cycle des discussions qui va porter sur des thématiques territoriales. Le dialogue est prévu pour s’installer dans la durée. Les participants vont pouvoir s’apprivoiser. En ce sens, la méthode proposée par Gérald Darmanin est la bonne », relève-t-elle.Rappelons que depuis le premier janvier 2018, la Corse est une collectivité à statut particulier avec des compétences étendues. Désormais appelée la collectivité de Corse, elle remplace l’ancienne collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse du Sud et de Haute-Corse. Depuis une loi de 1991, la Corse a des compétences renforcées matière d’éducation, d’audiovisuel, d’action culturelle et d’environnement. L’Assemblée de Corse a aussi le pouvoir d’adopter le Plan d’aménagement et de développement durable Corse sans intervention de l’Etat. La loi peut habiliter la collectivité territoriale de Corse à fixer des règles adaptées aux spécificités de l’île, sauf lorsqu’est en cause l’exercice d’une liberté ou d’un droit fondamental.

« L’idée d’Emmanuel Macron est de désidéologiser le principe d’autonomie »

Comment, dès lors, la Corse peut-elle aller plus loin vers « l’autonomie » dans la mesure où Gérald Darmanin a posé deux lignes rouges : la Corse reste dans la République et il n’y aura pas deux types de citoyens sur l’île de Beauté.Pour Benjamin Morel, maître de conférences en Droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas, « l’autonomie, c’est un peu un slogan. Elle ne peut être clairement définie, en elle-même la libre administration des collectivités territoriale est par définition un premier degré d’autonomie ». Le constitutionnaliste ajoute : « L’idée d’Emmanuel Macron est de désidéologiser le principe d’autonomie en le renvoyant à des problématiques de politiques publiques. Très pragmatiquement, il met en avant le pourquoi plutôt que de fétichiser un statut réclamé pour lui-même pas les nationalistes, qui ont comme modèle, la Nouvelle Calédonie. Mais à la sortie des négociations, le gouvernement aura comme choix : soit de proposer un statut cousu main pour la Corse, et au vu de la physionomie du Parlement, il aura du mal à trouver un consensus national pour faire passer une révision constitutionnelle. Soit il se dirige vers une version édulcorée fondée sur une réforme organique et il braque la base nationaliste et fragilise son interlocuteur, Gilles Simeoni, (Président du Conseil exécutif de Corse depuis 2015) .Sans s’épancher sur le terme d’autonomie, Françoise Gatel préfère rappeler le principe de « différenciation » qui consiste à trouver des solutions adaptées aux spécificités et à la position géographique des collectivités. « La Première ministre a récemment parlé de la sagesse inspirante du Sénat pour accompagner les collectivités territoriales. Elle ne pourra se faire sans une réflexion globale sur la différenciation et la déconcentration ».« Conditionner l’évolution institutionnelle de la Corse à la violence politique qui a suivi l’agression et la mort d’Yvan Colonna, n’était pas la chose à faire. C’est le péché originel », note, de son côté, Éric Kerrouche (PS), vice-président de la délégation aux collectivités territoriales. L’élu des Landes rappelle la déception côté Corse lorsqu’un un projet de rédaction d’un article de la Constitution avait été consacré à l’île de Beauté en 2018.« De par sa spécificité insulaire, faire évoluer le statut de la Corse au sens de l’article 74 de la Constitution, me paraît adapté » estime-t-il.L’article 74 est consacré aux collectivités d’outre-mer (COM), la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna. L’Etat y est recentré sur ses missions régaliennes et ses compétences font l’objet d’une liste limitative.« Mais on a l’impression que la porte se ferme peu à peu car l’exécutif a pris conscience de la difficulté du chemin politique pour y parvenir », conclut Éric Kerrouche.

Dans la même thématique