Coup d’envoi des Etats généraux de la Justice, dans la dernière ligne droite du quinquennat

Coup d’envoi des Etats généraux de la Justice, dans la dernière ligne droite du quinquennat

Le président de la République lance lundi 17 octobre à Poitiers les Etats généraux de la Justice. Les conclusions sont attendues en février 2022. Trop tard pour déboucher sur un projet de loi, regrettent les parlementaires.
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Après le Beauvau de la Sécurité, la Convention citoyenne sur le climat ou encore le Ségur de la Santé, place aux Etats généraux de la Justice. Emmanuel Macron se rend lundi dans la Vienne, à Poitiers, pour mettre en route un nouveau cycle de rencontres et de consultations, qui s’achèvera en février 2022. À la veille de la présidentielle. Le chef de l’Etat avait annoncé ces Etats généraux au début du mois de juin, après avoir reçu deux magistrats, à leur demande. Chantal Arens, première présidente de la Cour de cassation, et François Molins, procureur général de la Cour de cassation, avaient voulu « tirer un signal d’alarme » face aux « mises en cause systématiques de la justice ». L’institution judiciaire faisait l’objet de vives critiques, sur sa lenteur ou son laxisme, selon les syndicats de police, mais aussi des élus de droite ou d’extrême droite.

La défiance est aussi majoritaire dans la population française. Le mois dernier, le Sénat avait commandé un sondage, aux résultats inquiétants. 93 % des personnes interrogées trouvaient la justice lente, 69 % opaque, et 53 % ne lui faisaient pas confiance. Si l’exécutif s’est employé durant le quinquennat à revaloriser le budget du ministère de la Justice (+33 %) et à augmenter les recrutements de magistrats et greffiers, le chantier pour améliorer le fonctionnement de cette institution est loin d’être terminé.

« Restaurer la confiance »

L’objectif à travers ces Etats généraux, selon l’Elysée, est de « restaurer la confiance en la justice ». La promesse rappelle celle de l’intitulé d’un projet de loi – pour la confiance dans l’institution judiciaire – qui a été examiné en septembre à l’Assemblée nationale, puis au Sénat. Le résultat de la commission mixte paritaire entre les deux chambres est attendu le 21 octobre. Lors des débats, le 28 septembre Philippe Bas, l’un des cadres LR de la commission des lois du Sénat, avait fait part de ses attentes face au garde des Sceaux : « Les États généraux doivent commencer par un état des lieux, lequel, s’il veut servir à un débat consensuel entre les Français, doit être loyalement établi, objectif et impartial ».

L’Élysée souhaite un « exercice indépendant et transpartisan », et faire participer les citoyens, notamment via un questionnaire en ligne. Les Etats généraux ne se limiteront pas à faire participer la sphère judiciaire ou les forces de sécurité intérieure. Un comité sera chargé de superviser les différents travaux des Etats généraux. Il aura à sa tête l’ancien président du Conseil d’Etat Jean-Marc Sauvé, connu du grand public pour avoir présidé la récente commission d’enquête indépendante sur les abus sexuels sur mineurs commis au sein de l’Église catholique.

Deux parlementaires dans le comité de suivi indépendant

Outre les deux plus hauts magistrats de la Cour de cassation, ce comité regroupera plusieurs personnalités comme Me Henri Leclerc, grand avocat pénaliste, et président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme, Jérôme Gavaudan, président du Conseil national des barreaux, l’ancien ambassadeur Yves Saint-Geours (personnalité siégeant au Conseil supérieur de la magistrature), ou encore les deux présidents des commissions des lois du Parlement : la députée Yaël Braun-Pivet (LREM) et le sénateur François-Noël Buffet (LR). Des membres du groupe socialiste au Sénat grincent déjà des dents. « Pas une seule personnalité de gauche dans le comité de pilotage », note la sénatrice Marie-Pierre de La Gontrie. Au Beauvau de la Sécurité, on comptait non pas deux, mais quatre parlementaires, dont le socialiste Jérôme Durain.

Concrètement, après un mois de consultation, succèdera une « phase d’expertise » jusqu’à la mi-janvier. Puis, jusqu’à la fin février, ce sera l’heure de la synthèse des différents groupes de travail et la commission formulera des propositions. Les sénateurs se montrent critiques sur le chapitre de conclusion. « Est-ce que c’est le bon moment pour engager ça, juste avant une élection présidentielle ? » se demande la sénatrice Dominique Vérien (Union centriste). « Curieuse » de l’exercice lancé lundi, la sénatrice de l’Yonne fera le déplacement ce lundi à Poitiers.

Des traductions législatives difficiles, à cause de la suspension des travaux parlementaires

Mais elle voit mal, vu le calendrier contraint par l’arrêt des travaux parlementaires fin février, comment l’exécutif pourrait ensuite reprendre à son compte les propositions nées des Etats généraux. « Le projet de loi pour la confiance dans la justice est passé », regrette-t-elle. Même doute chez son collègue Hussein Bourgi (PS). « Qui peut imaginer un seul instant que les Etats généraux auront permis de livrer leur diagnostic dans des délais assez courts pour ensuite permettre au gouvernement d’en tirer les conséquences et de permettre éventuellement au Parlement de les traduire dans un texte ? » Déjà au moment des débats du dernier projet de loi sur la justice, Agnès Canayer (LR) avait pointé du doigt les « annonces présidentielles qui brouillent le travail législatif ».

Dans un contexte de précampagne présidentielle, la démarche initiée par le chef de l’Etat interpelle les sénateurs. « Je pense que cela fait partie de la grande période de communication de notre Président. J’imagine qu’il va encore arriver avec un chèque », croit Dominique Vérien, « probablement pour calmer une justice qui semble un peu en ébullition ». « C’est un exercice qu’on attend en début ou en milieu de mandat. Cela apparaît comme une grossière opération électoraliste […] Comme on n’a pas concerté la profession en amont, on essaye de donner des gages et de faire en aval ce qui n’a pas été fait en amont », renchérit Hussein Bourgi.

L’Élysée reconnaît que le calendrier ne permettra pas de traduire dans des textes législatifs les traductions des Etats généraux. La Chancellerie pourra au moins agir sur « ce qui relèvera du règlement ». Si les propositions sont émises par les Etats généraux, Emmanuel Macron pourrait néanmoins les reprendre à son compte, dans l’optique d’un éventuel deuxième mandat.

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