Covid-19 : en Seine-Saint-Denis, les écoles « vont craquer »

Covid-19 : en Seine-Saint-Denis, les écoles « vont craquer »

Selon beaucoup d’élus locaux, la situation n’est plus tenable pour les établissements scolaires de Seine-Saint-Denis, confrontés à un taux d’incidence entre « 1000 et 1300 ». « La situation dérape », alertent les sénateurs du département.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Mis à jour le

Voilà dix jours qu’il a signé un papier autorisant son fils à faire un test salivaire. Et depuis, rien. Aucun test. « Ce n’est toujours pas fait ! », grogne Fabien Gay, sénateur communiste de Seine Saint-Denis. Dans le département au plus fort taux d’incidence de France, la situation devient « dramatique » au sein des écoles et le manque de moyens prédomine.

« Ça explose ! »

Ce lundi matin, nombreuses étaient les voix politiques pour alerter sur la situation sanitaire très dégradée. Sur France Info, le député communiste Stéphane Peu a sonné l’alarme : « Dans les écoles, on a des taux d’incidence entre 1 000 et 1 300, alors que le taux d’incidence dans notre département est à 783 ». Dans la foulée, le président de l’UDI et député de Seine Saint-Denis Jean-Christophe Lagarde a écrit lundi à Emmanuel Macron pour lui demander « la fermeture immédiate des écoles, collèges et lycées » dans son département. Les tests salivaires et la multiplication des cas de covid-19 « démontrent une circulation très active du virus » dans les établissements scolaires, a souligné Jean-Christophe Lagarde, en déplorant que l’exécutif « ne semble pas prendre la mesure des choses, ni les décisions à la hauteur de la situation ». « Tout porte à croire aujourd’hui que l’école […] est devenue un accélérateur de la propagation virale », a-t-il ajouté. Samedi déjà, cinq maires du département réclamaient des mesures d’urgence à l’Etat dans le Parisien.

Les sénateurs du département n’alertent pas moins mais craignent une fermeture des écoles susceptible « d’aggraver les inégalités ». « La situation dans le département entier est dramatique. Je n’ai jamais vu ça. Ça explose ! Il y a des cas, école par école, qui se multiplient. On n’a pas de statistiques très précises », s’inquiète l’élu Les Républicains Philippe Dallier. Vice-président du groupe centriste (UC), Vincent Capo-Canellas décrypte : « La gestion est plutôt attentive de la part de l’Académie. Mais malgré tout ça, on arrive à la limite de la gestion de l’épidémie. Il y a un phénomène de boule de neige. La montée des cas contacts fait que de plus en plus de familles sont touchées… » Si rien n’est fait, « ça menace de craquer ! », souffle-t-il.

Le cas d’un établissement marque particulièrement les élus : le lycée Eugène-Delacroix de Drancy. Certains de ses enseignants ont exercé leur droit de retrait en fin de semaine dernière, où 22 classes étaient fermées lundi en raison de la situation sanitaire. 20 jeunes y ont perdu leur père ou leur mère depuis le début de l’épidémie, selon le dernier conseil d’administration. Et face à la multiplication des cas contacts, le personnel a demandé une fermeture d’urgence. « On est à 22 classes fermées, ce qui fait un quart de l’établissement. Au départ c’était un peu perlé sur tout le département, mais maintenant ça devient exponentiel. Dans d’autres communes, ça peut venir d’un animateur, d’un intervenant. Les parents qui peuvent, vont retirer leurs enfants, ils vont trouver un prétexte », prévient Vincent Capo-Canellas.

« Le gouvernement ne répond pas aux attentes »

Quelle solution pour faire face ? « Il faut répondre à la demande des enseignants, des parents d’élèves… Si on reste ouvert, il faut remplacer les professeurs malades, faire des tests grandeur nature », enjoint Fabien Gay. Il explique : « La fermeture aggrave les inégalités mais la situation est extrêmement tendue. On a beaucoup de cas à Drancy où on nous dit que des enseignants sont positifs, et en même temps nous sommes le département le moins vacciné. Il faut absolument faire un test salivaire chez tous les élèves et après on prend une décision ! », presse-t-il, désarmé face à un « gouvernement qui ne répond pas aux attentes ». « En Seine-Saint-Denis, nous ne sommes pas des pleureurs, mais nous sommes frappés d’inégalités. C’est presque un désert médical ! », poursuit-il.

« Il n’y a pas assez de tests, et il faut être considéré parmi les communes les plus sensibles pour avoir des tests. Les personnels sont à bout », ajoute Vincent Capo-Canellas, d’après ses remontées du terrain. « Je ne sais pas s’il faut prendre une décision pour ce département uniquement. Mais le gouvernement ne va pas pouvoir différer plus longtemps des prises de décisions », subodore Philippe Dallier. Lui se dit plutôt favorable à la solution émise par Valérie Pécresse. La présidente ex-LR d’Ile-de-France a proposé, par exemple, de rallonger de deux semaines les prochaines vacances, ce que soutient également l’eurodéputé Yannick Jadot. « On peut parier sur les vacances, mais ce n’est pas gagné qu’on tienne jusque-là. L’idée de Pécresse, c’est de fermer plus tôt. Enseigner dans ces conditions, ça devient impossible », abonde Vincent Capo-Canellas. Désabusé, Fabien Gay sait que la situation est entre les seules mains du chef de l’Etat. « C’est un choix politique. Le Président fait les choix seul depuis le début… », regrette-t-il.

Jean-Michel Blanquer convoque… les Pink Floyd

Pour le moment, du côté du gouvernement et de la majorité, l’heure n’est pas à la fermeture des établissements. Dimanche, le ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer a ainsi publié sur Twitter une vidéo détournée du morceau « Another brick in the wall de Pink Floyd » plaidant pour l’éducation en « présentiel » et disant : « We hate online education », comme l’a souligné Libération. Lundi matin, invitée de la matinale de Public Sénat, la présidente déléguée du groupe LREM à l’Assemblée nationale, Aurore Bergé, s’est dite « persuadée que les écoles doivent rester ouvertes aussi longtemps que c’est possible de le faire », et a mis en doute l’efficacité d’une fermeture alors que « les scientifiques disent que le virus se propage dans les réunions familiales, dans l’environnement social » des gens. Tandis que c’est à l’école qu’il y a « le moins de brassage » avec un protocole sanitaire strict, a-t-elle fait valoir.

« C’est insupportable ! », gronde Fabien Gay face aux manques de tests et de doses dans son département. Le communiste plaide pour « beaucoup de solidarité » et s’inspire des Etats-Unis pour une dernière piste : « Il faut demander la levée des brevets. Nancy Pelosi (présidente de la Chambre des représentants) l’a suggérée à Joe Biden », soulève-t-il. Mais il ne se fait pas trop d’idées : « Ici, lorsqu’on le demande, on nous dit qu’on est utopistes… »

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le