COVID-19 : les associations saisissent le Conseil d’État pour la protection des sans-abri
Plusieurs associations (dont Droit au logement et la Ligue des droits de l’homme) alertent sur les difficultés des sans-abri dues à l’épidémie de COVID-19. Elles réclament à l’État des "mesures adéquates" pour mieux les protéger dans ce contexte de crise sanitaire. Une audience a eu lieu le 30 mars après-midi au Conseil d’État pour examiner la requête en procédure d’urgence.

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Plusieurs associations (dont Droit au logement et la Ligue des droits de l’homme) alertent sur les difficultés des sans-abri dues à l’épidémie de COVID-19. Elles réclament à l’État des "mesures adéquates" pour mieux les protéger dans ce contexte de crise sanitaire. Une audience a eu lieu le 30 mars après-midi au Conseil d’État pour examiner la requête en procédure d’urgence.
Public Sénat

Par Tâm Tran Huy

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Identifier, dépister, réquisitionner

L’épidémie de COVID-19 frappe en premier lieu les plus vulnérables : les sans-abri ne font pas exception. C’est pourquoi les associations demandent à l’État d’identifier et de protéger tous les SDF, les personnes en habitat de fortune et en logement indigne. Elles lui réclament par ailleurs d’instaurer des mesures sanitaires et un dépistage des personnes logées dans des hébergements collectifs. Objectif : éviter la contamination massive au sein de structures d'accueil qui ne permettent pas un confinement dans de bonnes conditions. « Les sans-abri sont soumis à un risque épidémique important : ils vivent ensemble, y compris lorsqu’ils sont hébergés par l’État en gymnase et en dortoir », explique Jean-Baptiste Eyraud, de Droit au Logement. « Il faut fermer ces gymnases, où sont logés aujourd’hui des milliers de sans-abri actuellement, réquisitionner des hôtels ou des logements habitables, plus adaptés à des familles avec enfants qui ont besoin de pouvoir préparer des repas. » Pour cela, les associations demandent aussi la réquisition de meublés touristiques type Airbnb.

Le pouvoir de réquisition de l’État autorisé par l’état d’urgence sanitaire

La loi instaurant l’état d’urgence sanitaire a donné un pouvoir de réquisition très étendu à l’État. Le texte, adopté par le Parlement dimanche 22 mars permet à l’État d’ «ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens. » Le cabinet de Julien Denormandie fait valoir qu’aux 157 00 places d’hébergement habituelles, viennent s’ajouter 5 460 places en hôtel et 40 centres ouverts (correspondant à 1 300 places)  dans 12 régions pour accueillir des sans-abri qui seraient infectés par le COVID-19 sans que leur état de santé nécessite une hospitalisation. « Nous avons aussi pré-identifié 80 sites mobilisables en plus » précise sa conseillère. Le ministère explique aussi que la suspension de la trêve hivernale a permis de maintenir des places d’hébergement habituellement fermées au printemps : « Parmi les places ouvertes toute l’année, 14 000 ferment à la fin de l’hiver habituellement. Là, elles restent ouvertes. » Face aux dépistages généralisés réclamés par les associations, l’exécutif s’en tient pour l’instant au respect des gestes barrières et aux plans de continuité mis en place dans les centres. Ajoutons que le manque de tests en France empêche de toute façon le dépistage généralisé où que ce soit. La réquisition d’Airbnb n’est pas plus à l’ordre du jour : l’État lui préfère la réquisition et les accords avec les chaînes d’hôtellerie (notamment ACCOR), les chambres étant in fine réglées par l’État.

Airbnb, des contributions sur la base du volontariat

La réquisition des logements Airbnb ? Compliqué juge la plateforme qui argue que les logements ne lui appartiennent pas et qui préfère communiquer sur l’initiative Appart Solidaire, mise en place en partenariat avec le Ministère de la Ville et du Logement. L’opération met en lien des propriétaires qui acceptent de prêter gratuitement leurs logements et des personnels soignants, médecins, infirmiers, personnels sociaux mais aussi travailleurs sociaux dans des centres d’hébergement d’urgence… Airbnb a contacté sa base de 400 000 personnes, 3000 logements ont déjà été proposés : « c’est un élan de générosité non négligeable » fait valoir Aurélien Pérol, en charge de la communication. De là à ouvrir cette offre aux sans-abri ? La plateforme explique ne pas être fermée, mais s’en tenir pour l’instant au cahier des charges du Ministère.

Le Conseil d’Etat doit rendre sa décision dans la semaine

Cela reste trop peu pour Jean-Baptiste Eyraud (DAL) qui voit aussi dans cette initiative « une belle opération de communication ». « Nous considérons que bien sûr, on ne peut pas réquisitionner des habitations principales ou secondaires, mais il y a des meublés touristiques qui sont loués toute l’année… ». Quant aux relations avec Julien Denormandie : « nous n’avons pas de contact avec le Ministère qui ne répond pas à nos courriers » charge Jean-Baptiste Eyraud. C’est aussi la raison pour laquelle l’association saisit le Conseil d’Etat. Lors de l’audience, parmi toutes les difficultés abordées par les associations, le président de la Cour semble avoir retenu trois sujets : « l’hébergement en gymnase et les difficultés posées par ce mode d’hébergement collectif en pleine crise sanitaire ; les manques de masques nécessaires pour protéger les travailleurs sociaux ; enfin, les amendes adressées à des sans-abris pour non-respect du confinement. » raconte le porte-parole du DAL. Quelques cas ont été remontés à Bayonne, mais aussi dans les Pyrénées-Atlantiques, même si le ministère du Logement a fait passer la consigne de ne pas verbaliser les SDF. Sur ces trois sujets, l’Etat dispose de 24h pour répondre avant que le Conseil d’Etat rende sa décision (mercredi 1er avril au soir ou jeudi matin). Cette semaine s’annonce très dure pour les sans-abri, entre baisse attendue des températures et extension de l’épidémie.

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