Crise des « gilets jaunes »: le Défenseur des droits estime avoir « été prémonitoire »
"Nous avons été prémonitoires": le Défenseur des droits Jacques Toubon estime dans un entretien à l'AFP que ses avertissements...

Crise des « gilets jaunes »: le Défenseur des droits estime avoir « été prémonitoire »

"Nous avons été prémonitoires": le Défenseur des droits Jacques Toubon estime dans un entretien à l'AFP que ses avertissements...
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"Nous avons été prémonitoires": le Défenseur des droits Jacques Toubon estime dans un entretien à l'AFP que ses avertissements sur le recul des services publics, la hausse des inégalités et le maintien de l'ordre se traduisent aujourd'hui dans la crise des "gilets jaunes".

QUESTION: Votre rapport parle de "répression face à la menace terroriste", mais aussi face "aux troubles sociaux". Le mouvement des "gilets jaunes" lancé le 17 novembre l'a-t-il influencé?

REPONSE: La réalité que le Défenseur raconte depuis des années dans ses rapports n'a pas commencé le 17 novembre. Mais les constatations que je fais à travers les 90.000 réclamations que nous recevons chaque année reflètent un sentiment d'injustice et d'inégalité qui est celui qui ressort du mouvement des "gilets jaunes".

Nous ne sommes pas à la remorque du mouvement social actuel, nous avons été prémonitoires, y compris par rapport à la situation du maintien de l'ordre qui est effectivement préoccupante aujourd'hui et sur laquelle nous avons remis un rapport en janvier 2018.

La désescalade est considérée par certains comme un gros mot, alors que c'est la conception du maintien de l'ordre qui est aujourd'hui majoritaire dans les pays d'Europe occidentale. On n'arrive pas à avoir un débat serein sur un certain nombre de sujets en France et ce sujet en est l'exemple même.

Et aujourd'hui de la même façon que les questions sécuritaires prévalent sur les questions des libertés, on est amené à traiter les étrangers dans une logique de protection de l'Europe forteresse, donc d'abord par des méthodes d'autorité et par des méthodes policières.

Face à ce contexte, je refuse la fatalité. Ce que je dis en matière de services publics, de libertés, de sécurité, ça relève d'une même vision où le droit doit être le levier d'une République humaine, hospitalière.

QUESTION: Vous décrivez une disparition des services publics et une hausse des inégalités. Etes-vous inquiet?

REPONSE: Depuis presque cinq ans que je dirige l'institution, je n'ai pas le sentiment que les inégalités et les injustices aient reculé, bien au contraire. En particulier parce que l'évolution des services publics est préoccupante.

En 2017, 84% des réclamations adressées à nos délégués concernaient des difficultés avec le service public. En 2018, c'est 93%. Cette évolution négative, c'est une réalité vécue.

Mon boulot, c'est de savoir si le service public est toujours capable de donner accès au droit de manière égalitaire. A cette question, la réponse est: de moins en moins. L'illustration la plus évidente, c'est la dématérialisation des services publics.

On est dans la perspective d'une dématérialisation complète en 2022, c'est dans trois ans et demi. La question, c'est: +qu'est-ce que nous préparons pour que le service public numérisé continue à donner cet accès égal au droit ?+ J'ai des inquiétudes, notamment parce que la fameuse expérience de la délivrance des cartes grises et des permis de conduire en ligne a été un échec.

La seule façon de redresser la barre d'ici 2022 c'est de penser d'abord à l'usager. Et bien entendu, ça met en cause les présupposés actuels sur la réduction des effectifs.

QUESTION: Quelle est la part de responsabilité d'Emmanuel Macron et du gouvernement dans la situation que vous dénoncez ?

REPONSE: Ce n'est pas du tout la question que je me pose. J'ai pris mes fonctions il y a quatre ans et demi et l'administration actuelle n'était pas au pouvoir.

En revanche, ce sont eux qui ont fixé cet horizon 2022 pour avoir toutes les formalités administratives en ligne. Et donc je pose la question: comment on fait pour que 20 ou 25% des usagers ne soient pas largués ? Comment fait-on pour qu'ils puissent continuer à avoir accès au service public et aux droits même s'ils sont dans une zone blanche, s'ils sont mal équipés ou ne savent pas se servir d'un ordinateur ?

Il faut des alternatives, avoir des canaux qui existent en dehors du seul canal en ligne. Et sur ce canal en ligne, les plus précaires et les plus démunis doivent être accompagnés.

Propos recueillis par Romain FONSEGRIVES

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