Dans l’urgence, l’Assemblée vote la surtaxe exceptionnelle sur les grandes sociétés

Dans l’urgence, l’Assemblée vote la surtaxe exceptionnelle sur les grandes sociétés

L'Assemblée a voté lundi soir, dans l'urgence, une surtaxe exceptionnelle sur les grandes entreprises, pour compenser en partie...
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Par Fabrice RANDOUX et Isabelle CORTES

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L'Assemblée a voté lundi soir, dans l'urgence, une surtaxe exceptionnelle sur les grandes entreprises, pour compenser en partie la censure à 10 milliards d'euros de la taxe sur les dividendes, le gouvernement défendant une "bonne décision", "aussi difficile soit-elle".

Tout en concédant ne pas passer "le meilleur des lundis", le ministre des Finances, Bruno Le Maire, a plaidé que cette surtaxe était une "bonne décision", permettant de "solder les reliquats du passé".

C'est l'article quasiment unique d'un projet de loi de finances rectificative (PLFR), adopté par 39 voix contre 16 après six heures de débats.

Avec cette surtaxe, Bruno Le Maire (LREM, ex-LR) a assuré notamment le maintien de la réduction du déficit sous le seuil des 3%, afin que la France ne soit plus le dernier pays de la zone euro, avec l'Espagne, en procédure pour déficit excessif.

Le dispositif a été élaboré après l'invalidation par le Conseil constitutionnel début octobre de la taxe sur les dividendes, introduite en 2012, et contraint l'Etat à rembourser 10 milliards d'euros, principalement aux grandes entreprises.

Au lieu du taux normal de 33,3%, les bénéfices des 320 plus grands groupes, réalisant plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires, seront taxés à 38,3%, et même à 43,3% pour ceux dont l'activité dépassera 3 milliards d'euros cette année. Avec l'aval gouvernemental, le rapporteur général Joël Giraud a fait adopter un "lissage" de ces taux.

Le gouvernement a fait abaisser le seuil d'application des pénalités financières en cas de sous-évaluation de la contribution.

Le rendement de la surtaxe est estimé à 5,4 milliards d'euros, dont 4,8 versés en acompte avant fin décembre. Le solde de la facture, environ 5 milliards, sera supporté par l'Etat, faisant passer le déficit budgétaire en 2018 de 2,6 à 2,8%.

L'ex-président LR de la commission des Finances, Gilles Carrez, Charles de Courson (Constructifs) ou l'ex-rapporteure générale du Budget, Valérie Rabault (PS), ont plaidé notamment pour diviser par deux le taux de 4,8% des intérêts moratoires dus par l’Etat, ce qui aurait fait économiser 500 millions. Se disant ouvert à une modification du taux, le ministre a posé trois conditions, dont un feu vert du Conseil d'Etat, et l'a renvoyée au collectif budgétaire de fin d'année.

- "Théâtralisation" -

Communistes et Insoumis ont tenté de faire rejeter le texte, dénonçant notamment 5 milliards "supportés par les Français".

"Beaucoup trop de zones d'ombre, de précipitation", a dénoncé Fabien Roussel (PCF), évoquant un "parfum de scandale", qui prend encore "un nouveau relief" à l'aune des "Paradise Papers" dans lequel les entreprises concernées seront "peut-être citées". Son groupe a échoué à pérenniser la surtaxe.

"Le mammouth financier ne mérite pas que la Nation paye encore pour l'engraisser un peu plus", "dans la panique", a lancé l'Insoumis Eric Coquerel, proposant aussi vainement, comme le PCF, de financer les 5 milliards en reportant la suppression de l'ISF notamment.

Le président de la commission des Finances, Eric Woerth (LR), a critiqué la "précipitation" de l'exécutif et une forme de "théâtralisation fiscale".

Plusieurs LR et Constructifs ont aussi déploré une augmentation d'impôt sur les sociétés, Charles de Courson lançant "vous faites du Brel: t'as voulu voir la baisse et on a vu la hausse". Certains ont jugé "inéquitable" une surtaxe pénalisant par exemple les groupes bancaires mutualistes, le ministre répondant que le gouvernement est "en discussion pour voir comment compenser le manque à gagner".

Le dispositif devrait globalement créer "95 gagnants et 233 perdants", avait reconnu Bruno Le Maire. Dans les entreprises au chiffre d'affaires dépassant 13,9 milliards d'euros, il y aurait 16 gagnantes et 14 perdantes, a-t-il précisé lundi.

La "taxe à 3%", prélevée sur les dividendes distribués par les entreprises, avait été partiellement retoquée en mai par la Cour de justice de l'Union européenne. Celle-ci avait estimé contraire au droit européen que la France l'applique aux dividendes perçus d'une filiale établie dans un autre pays de l'UE et donc pouvant avoir déjà été imposés dans ce pays.

D'autres types de dividendes pouvaient rester assujettis à ce prélèvement, instauré par François Hollande en 2012 pour compenser une perte de recettes due déjà à la censure européenne d'une précédente taxe. Mais le Conseil constitutionnel a jugé cette différence de traitement contraire au "principe d'égalité".

L'affaire a alors tourné au règlement de comptes politique, notamment entre l'actuel gouvernement et l'ancienne majorité.

M. Le Maire l'a qualifiée de "scandale d'Etat" et a saisi l'Inspection générale des finances (IGF), qui doit rendre un rapport sur les responsabilités vendredi.

Pour leur défense, les socialistes ont plaidé, comme l'ex-secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert, qu'en 2012 "toutes les analyses concluaient à la conformité au droit communautaire".

Et plusieurs orateurs de gauche et de droite ont rappelé encore lundi que le secrétaire général adjoint de l'Élysée chargé alors de l'économie s'appelait... Emmanuel Macron.

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