Dans un quartier sensible de Toulouse, “on a aussi des choses à dire” au grand débat

Dans un quartier sensible de Toulouse, “on a aussi des choses à dire” au grand débat

Répondre au téléphone, installer les retardataires, relire ses fiches... Malika Baadoud est un peu nerveuse en cette froide...
Public Sénat

Par Marisol RIFAI

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Répondre au téléphone, installer les retardataires, relire ses fiches... Malika Baadoud est un peu nerveuse en cette froide matinée de février: elle s'apprête à animer le premier "grand débat" organisé au Mirail, un ensemble de quartiers sensibles de Toulouse.

Un peu intimidés de devoir prendre publiquement la parole, ils sont une trentaine d'habitants, des femmes pour la plupart, à avoir répondu présents à l'appel lancé par la directrice de l'association "L'école et nous".

Des petits gâteaux et du thé à la menthe fumant mettent progressivement en confiance les participants, serrés les uns contre les autres dans la petite salle de réunion.

"Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas participé à la mobilisation des +gilets jaunes+ que les habitants des quartiers n'ont rien à dire", répète Mme Baadoud, travailleuse sociale infatigable depuis une vingtaine d'années.

Cette femme brune au large sourire a tout mis en oeuvre pour que son quartier ne rate pas le coche du "grand débat national" lancé mi-janvier par le président de la République.

"Participer au grand débat ne veut pas nécessairement dire aller débattre dans une salle", soutient Fadilla Bettahrat, responsable d'un club de tennis. Cette habitante du quartier de longue date assure que les habitants du Mirail échangent régulièrement de leurs problèmes, notamment dans le cadre d'associations, qui font remonter leurs idées aux élus.

- "Conversation normale" -

"Et puis, participer au grand débat n'a de sens que si l'on y apporte nos propres thématiques" qui ne coïncident pas toujours avec les quatre grands axes de réflexion mis en avant par Emmanuel Macron, affirme-t-elle à l'AFP.

Préférant évoquer l'insécurité, l'absence de mixité sociale ou les discriminations à l'embauche plutôt que la transition écologique et la fiscalité, les participants expriment, les uns après les autres, les préoccupations qui rythment leur quotidien.

"Quand je rentre du travail, j'aimerais avoir une conversation normale avec mes garçons. Je suis fatiguée de les entendre parler de dealers, de suicides et de bagarres violentes", confie à l'AFP Amel, secrétaire médicale qui élève seule ses deux enfants.

Depuis le début des manifestations des "gilets jaunes" en novembre, "la police est beaucoup moins présente dans notre quartier, au grand bonheur des trafiquants de drogue", s'offusque Mme Bettahrat.

"D'ailleurs, si le mouvement n'a pas pris ici, c'est en partie parce que les dealers, qui n'ont aucun intérêt à ce que le quartier soit sous les feux des projecteurs, ont tout fait pour calmer les esprits échauffés", juge quant à elle Mme Baadoud.

Mais pas uniquement.

- "Pas de légitimité" -

"Depuis toute petite on me fait sentir que je suis différente, alors je ne sens pas de légitimité à aller manifester avec eux", lance Amel, de grand yeux bleus perçants et un foulard attaché sur la tête.

Pour Mohamed Azoug, membre du Conseil citoyen de Bellefontaine-Milan, une autre explication tient au fait que "la genèse du mouvement des +gilets jaunes+ est le pouvoir d'achat" des personnes ayant un emploi mais qui peinent à s'en sortir.

"Ici, beaucoup n'ont même pas d'emploi", dit-il.

Le Grand Mirail, avec ses quelque 31.000 habitants, fait partie des quartiers très pauvres de la région Occitanie, et seuls quatre habitants sur dix en âge de travailler ont un emploi, selon l'Insee.

"Et puis les habitants sont contents de ne pas être mêlés à toutes les dérives des +gilets jaunes. Des mamans me disent: +Pour une fois que ce ne sont pas nos jeunes qui cassent+", raconte la directrice de l'association.

Mais ce qui l'inquiète c'est que justement, beaucoup de ces jeunes du quartier "ont perdu tout espoir en l'avenir et ne ressentent aucun intérêt à s'engager dans quoique ce soit".

Le maire du quartier, Franck Biasotto, est lui plus optimiste, assurant que le secteur qu'il administre est celui "où l'effet de levier est le plus grand".

Plusieurs salles mises à disposition par la mairie ont d'ailleurs déjà été réservées par des habitants pour la tenue d'autres réunions dans le cadre du "grand débat", indique l'élu, certain que que ses administrés "vont eux aussi apporter leur pierre à l'édifice".

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