Débat Macron – Le Pen : sur les bancs du Sénat, une victoire « aux points » de Macron, qui ne change pas grand-chose
Après le débat qui a opposé Emmanuel Macron et Marine Le Pen, les sénateurs de tous bords reconnaissent au premier une supériorité technique. Mais en dehors des soutiens du chef de l’Etat, ce débat n’a pas vraiment enthousiasmé la Haute assemblée.

Débat Macron – Le Pen : sur les bancs du Sénat, une victoire « aux points » de Macron, qui ne change pas grand-chose

Après le débat qui a opposé Emmanuel Macron et Marine Le Pen, les sénateurs de tous bords reconnaissent au premier une supériorité technique. Mais en dehors des soutiens du chef de l’Etat, ce débat n’a pas vraiment enthousiasmé la Haute assemblée.
Louis Mollier-Sabet

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Au Sénat il ne régnait pas l’ambiance des grands matchs ce soir. Et pour cause, les débatteurs du jour représentaient des familles politiques peu présentes, voire absente dans le cas de Marine Le Pen, depuis que Stéphane Ravier a rallié Éric Zemmour, dans la vie politique locale, et donc sur les bancs de la Haute assemblée. Laurent Jacobelli (RN) a tout de même réagi à notre micro en qualifiant Marine Le Pen de vainqueure « dans le fond et dans la forme. »

François Patriat, président du groupe LREM-RDPI, n’est évidemment pas de cet avis et se dit satisfait de la prestation de son candidat : « Je l’ai trouvé compétent, clair, pédagogue et, dans le même temps, combatif et percutant. » Même sur les autres bancs du Sénat, on reconnaît – sur la forme – une meilleure prestation d’Emmanuel Macron, « il faut le reconnaître », concède par exemple Philippe Bas (LR), qui explique : « Emmanuel Macron a totalement raison sur la critique du programme de Marine Le Pen, qui s’est retrouvée légère sur la politique économique et européenne. Elle n’a pas réussi à démontrer sa crédibilité, elle s’est montrée très approximative. » Constat identique du côté de l’opposition, et du sénateur PS Rémi Féraud : « Marine Le Pen voulait certainement montrer qu’elle avait le niveau, et c’est complètement raté. Elle assène les problèmes et ensuite les solutions sont soit inexistantes, soit très faibles, soit carrément mensongères. Elle est apparue faible, mais d’une autre manière qu’il y a 5 ans. »

« Je regrette qu’il n’y ait pas eu de match entre forces de gouvernement »

Finalement, c’est peut-être François Patriat qui ménage le plus l’adversaire du jour d’Emmanuel Macron : « Ceux qui soutiennent Madame Le Pen diront qu’elle n’a pas sombré, mais ceux qui soutiennent Emmanuel Macron seront fiers du débat qu’il a tenu, des propositions qu’il a chiffrées et rendues finançables. Madame Le Pen n’a pas été à la hauteur, il y avait beaucoup d’incohérences et d’approximations dans ses propositions, mais le match qui ne s’est pas conclu par KO comme certains ont pu l’annoncer. C’est plutôt que tous les rounds ont été gagnés aux points. » Ce soutien de la première heure d’Emmanuel Macron « ne comprendrait pas que les Français puissent faire confiance à une personne qui met en péril l’Europe, l’économie de ce pays et qui a montré qu’elle était plutôt facteur de trouble en matière droit et Constitution. »

Là encore, le constat n’est pas bien différent du côté de Philippe Bas, ancien président LR de la commission des Lois : « Le projet de Marine Le Pen est un projet récessif et d’isolement de la France. Malgré cette retenue dans le ton, sa politique conduirait à déchirer la société française. » Le sénateur de la Manche fait partie de ceux, au sein du groupe LR, « qui ont refusé la politique du pire et s’opposeront à la fuite en avant, l’aventure sans retour, que propose Marine Le Pen », en votant Emmanuel Macron. Pour autant, le sénateur LR regrette qu’il n’y ait pas eu « de débat projet contre projet, qui s’inscrive à l’intérieur du cadre européen et républicain » et de « match entre forces de gouvernement. » D’après lui, Emmanuel Macron aurait ainsi été « plus convaincant s’il avait réalisé les réformes qu’il promet pour son second quinquennat lors du premier : la réforme des retraites, la relance du nucléaire, la lutte contre la violence, la réforme de l’Etat pour faire reculer la dette, la décentralisation ou la réforme des institutions. »

« Le débat a peut-être masqué le fait que Marine Le Pen était dangereuse »

À gauche aussi, les socialistes et les écologistes voteront Emmanuel Macron, mais le débat n’y a pas changé grand-chose. « Je voterai Emmanuel Macron sans hésitation. Cela ne tient pas à lui, mais à Marine Le Pen, le débat n’y change absolument rien », explique ainsi Rémi Féraud. Par ailleurs, le sénateur PS de Paris regrette un débat qui n’a, d’après lui, pas permis aux candidats de montrer leurs vraies couleurs : « Emmanuel Macron est resté très technique, et n’a jamais vraiment assumé sa vision libérale-conservatrice comme un projet, alors que Marine Le Pen a en permanence voulu faire oublier qu’elle était d’extrême droite. »

Au point même que, pour Rémi Féraud, « le débat a peut-être masqué le fait qu’elle était dangereuse » : « Le vrai risque pour le 2ème tour, c’est que le « tout sauf Macron » l’emporte sur « le tout sauf Le Pen » et il ne faut pas que cela arrive. Avec la retraite à 65 ans, Emmanuel Macron porte une lourde responsabilité dans ce risque. » Même au sein de la majorité sénatoriale, on fait le constat d’une fragile victoire d’Emmanuel Macron, malgré une supériorité sur la forme. « Nous avons un RN aujourd’hui au coude à coude avec le Président sortant. On a une démocratie avec des élections présidentielles au bord du gouffre, ce n’est pas très réconfortant pour la santé de notre démocratie », explique par exemple Philippe Bas.

« Je n’en attendais rien, et j’avais raison »

Finalement, le débat n’a changé grand-chose sur aucun des bancs du Sénat, puisque personne ne demandait à être convaincu sur le fond, et que la supériorité technique d’Emmanuel Macron dans l’exercice n’a pas vraiment surpris. Et ce n’est pas Guillaume Gontard, président du groupe écologiste, qui dira le contraire : « Je n’attendais rien de ce débat et j’avais raison. On a un débat pour rien, avec deux candidats de droite, et une candidate d’extrême droite qui s’est montrée à la fois pas à la hauteur, raciste, complotiste, à la botte de Poutine. Emmanuel Macron, lui, a développé son programme ultra-libéral. » Le sénateur de l’Isère ajoute que « ça ne l’empêchera pas de mettre un bulletin Macron dans l’urne », mais que ce débat a fait état « d’un vide sidéral sur tous les grands enjeux de notre société » et a démontré que les deux candidats « étaient à côté de la plaque des réalités de notre pays, et même du monde. »

Pour le président du groupe écologiste, ce débat ne résout donc rien : « On reste sur une France terriblement fracturée. Même si Emmanuel Macron gagne demain, son projet reçoit l’opposition de 70 % des électeurs, et il n’a pas l’air de l’avoir en tête. Il faut lui faire comprendre. » Pour ce faire, le sénateur en appelle au fameux « troisième tour » et à une « gauche écolo rassemblée. » Chez les écologistes du Sénat, on semble donc déjà mobilisé sur l’après, et accueillir favorablement les propositions « modérées » – selon les mots de Guillaume Gontard – de LFI, notamment autour de l’intergroupe parlementaire et d’éventuels accords pour les législatives. « Il y a encore du boulot », lâche le président du groupe écologiste. Effectivement, et avant le troisième tour, il reste le second tour de dimanche.

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