Déchéance de nationalité : retour sur un fiasco

Déchéance de nationalité : retour sur un fiasco

La mesure devait rassembler gauche et droite dans la lutte contre le terrorisme. La déchéance de nationalité a au final fragmenté la gauche et affaibli encore davantage un François Hollande qui n’en n’avait pas besoin.
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La déchéance de nationalité ou l’histoire d’un échec. 13 novembre 2015. Les attentats frappent la France. 130 morts au Bataclan et dans les rues de Paris, 413 blessés. Face au traumatisme, François Hollande frappe fort. Il annonce une réforme de la Constitution devant le Congrès, réuni à Versailles. Moment d’union national où l’ensemble des députés et sénateurs, debout, entonnent la Marseillaise. C’est lors de ce discours historique que le chef de l’Etat annonce son souhait d’inscrire dans la loi fondamentale la déchéance de nationalité pour les terroristes binationaux (voir la vidéo à partir de 2’36). Sur le coup, l’annonce ne fait pas de vague. Ça ne durera pas longtemps.

Une mesure issue de la droite

François Hollande cherche alors un acte qui rassemble droite et gauche confondues. La déchéance est une mesure à l’origine défendue par l’extrême droite puis la droite. Nicolas Sarkozy l’avait proposée, lorsqu’il était à l’Elysée, pour les auteurs de meurtre de policiers ou de gendarmes.

Pour réviser la Constitution, il faut un référendum – option écartée – ou la majorité des 3/5 au Parlement. Problème : François Hollande ne l’a pas. Sans une partie des voix de droite et du centre, point de salut. Dès l’annonce, certains parlementaires LR semble circonspects à Versailles. Les regards se tournent vite vers le Sénat, où la droite et l’UDI détiennent la majorité.

La gauche divisée

Mais avant d’espérer trouver un accord avec la droite, l’exécutif se retrouve d’abord confronté à sa gauche. Quelques semaines après l’annonce du Président, des voix commencent à s’exprimer contre la déchéance, jusqu’à ce que la ministre de la Justice en personne, Christiane Taubira, exprime de sérieux doutes. Juste avant Noël, elle envoie un cadeau avant l’heure à François Hollande depuis Alger, où elle pointe sur une radio le manque d’efficacité de la déchéance, mesure avant tout symbolique dans la lutte contre les terroristes. Un mois après, elle quitte le gouvernement « sur un désaccord politique majeur ».

La fronde s’étend au groupe PS de l’Assemblée, au-delà des frondeurs. Pour les députés, le point de crispation vient de la déchéance pour les seuls binationaux. Ils dénoncent une mesure stigmatisante pour une partie des concitoyens. Le gouvernement n’a pas d’autres choix que de revoir le texte en fixant la déchéance pour tous les Français, au risque de créer des apatrides.

L’absence d’accord entre Assemblée et Sénat enterre la déchéance

C’est justement la ligne rouge que ne veulent pas dépasser les sénateurs LR. Leur président de groupe, Bruno Retailleau, le dit clairement. La majorité sénatoriale décide de limiter la déchéance aux binationaux. Elle revient ainsi au texte d’origine. Bruno Retailleau a beau jeu de se référer au discours de Versailles de François Hollande, que les socialistes ne veulent plus suivre… C’est aussi pour la droite le moyen de ne pas donner une victoire politique à François Hollande. Les modifications apportées par les sénateurs bloquent en effet la révision, qui tombe à l’eau. Si d’ordinaire les députés ont le dernier mot, Sénat et Assemblée sont à égalité en matière de révision constitutionnelle. Les deux chambres doivent trouver un accord pour changer le texte. Or le compromis sera introuvable.

Résultat : un sentiment de plusieurs mois perdus, une gauche fragmentée et une union nationale disparue. François Hollande laisse encore beaucoup de plumes dans cet épisode du quinquennat. En annonçant le 1er décembre dernier qu’il ne briguerait pas un second mandat, il n’exprime qu’« un seul regret : avoir proposé la déchéance de la nationalité ».

Hollande: "Je n'ai qu'un seul regret c'est d'avoir proposer la déchéance de nationalité"
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