Déconfinement : « Il y a un hiatus entre la réalité du terrain et ce que le gouvernement impose aux élus »
Masques, réouverture des écoles, aides aux commerces… Après avoir été en première ligne pour faire respecter le confinement, les élus locaux ont la lourde tâche de faire appliquer les consignes du déconfinement. Dans un tel contexte, le partage des compétences entre l’État et les collectivités est parfois difficile à appréhender.

Déconfinement : « Il y a un hiatus entre la réalité du terrain et ce que le gouvernement impose aux élus »

Masques, réouverture des écoles, aides aux commerces… Après avoir été en première ligne pour faire respecter le confinement, les élus locaux ont la lourde tâche de faire appliquer les consignes du déconfinement. Dans un tel contexte, le partage des compétences entre l’État et les collectivités est parfois difficile à appréhender.
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Après un bras de fer de plusieurs jours entre le Sénat et le gouvernement sur la responsabilité des maires en période d’épidémie de Covid-19 (voir notre article), l’inquiétude est loin d’être dissipée chez les élus en ce premier jour de déconfinement. « La difficulté, c’est que le déconfinement ne se fasse pas de manière progressive. On voit par exemple que ce matin, il y avait déjà des lignes de métro où l’on a eu bien du mal à faire respecter la distanciation physique » s’inquiète Hervé Gicquel Maire de Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) qui ne manque pas de souligner : « Ce serait curieux d’attendre des maires qu’ils prennent des initiatives en matière d’achat de masques ou de rouverture des établissements scolaires et en même temps rechercher en priorité leurs responsabilités en cas de reprise de la contamination. Ce ne serait pas concevable ».

« Il faut apprendre à vivre avec le Covid-19 et à nous en protéger » avait appelé Édouard Philippe devant les députés le 28 avril dernier avant de détailler le triptyque qui allait guider la stratégie nationale de déconfinement : « Protéger, tester, isoler ».

Un courrier pour demander une distribution gratuite de masques et leur remboursement par la Sécurité Sociale

Pour la vice-présidente communiste de la commission des affaires sociales du Sénat, Laurence Cohen, la première phase de ce plan est déjà défaillante. « Je reviens à l’instant du ministère de la Santé pour y déposer un courrier à l’intention d’Olivier Véran. Le groupe CRCE (Communiste Républicain Citoyen et Écologiste au Sénat) et le groupe communiste de l’Assemblée nationale exigent la distribution gratuite par l’État de masques et leur remboursement par la Sécurité Sociale. Cela pourrait se faire par la distribution de bons à présenter dans n’importe quel point de vente. C’est une question de santé publique. L’État doit créer les conditions pour que chacun puisse s’en procurer. Il n’est pas normal que l’on soit obligé de payer pour ça. On préfère verbaliser directement les usagers des transports d’une amende de 135 euros plutôt que d’en distribuer » Dans ma ville à Gentilly, nous serons en capacité de distribuer de masques à la population que le 18 mai » appuie-t-elle.

Port du masque : un arrêté municipal attaqué par l’État

« La gestion des masques a été catastrophique » s’agace le maire de Sceaux, Philippe Laurent qui parle de « faute politique grave ». Le secrétaire général de l'Association des maires de France (AMF) l’a d’autant plus « mauvaise » après avoir vu son arrêté municipal imposant un « dispositif de protection nasale et buccale » dans l’espace public, annulé par le Conseil d’État, le 18 avril dernier. « J’ai été attaqué par la ligue des Droits de l’Homme mais après l’État s’est joint à la plainte. Après la décision du Conseil d’État, il y a même des gens qui ne voulaient plus porter de masque pensant que c’était illégal » rapporte-il. Et quand Pierre Laurent a appris que l’État rembourserait à hauteur de 50% l’achat des masques effectué par les collectivités à compter du 13 avril, il y voit une rupture d’égalité. « Nous avons acheté des masques bien avant cette date » rappelle-t-il avant de promettre : « On ne va pas en rester là ».

« Les relations entre le corps enseignant et les élus nécessitent toujours beaucoup de pédagogie »

Le déconfinement, c’est aussi le retour progressif à l’école. « Comme tous les maires qui ont une école, la difficulté ça a été d’appréhender ce qu’on attendait de nous. On s’est gratté la tête pour mettre en application la longue liste de préconisations à tenir. Et les relations entre le corps enseignant et les élus nécessitent toujours beaucoup de pédagogie. Le monde enseignant a toujours beaucoup de difficultés à discuter avec les élus de l’organisation de l’école » explique Dominique Dhumeaux, maire de Fercé-sur-Sarthe, une commune de 630 habitants avec une école primaire de 3 classes. « Il a fallu gérer le stress des profs et des parents » confirme Philipe Laurent.

Interrogé par Public Sénat ce matin, Christophe Bouillon, président de l’Association des Petites Villes de France, rappelle que des maires qui devaient rouvrir les établissements scolaires ont changé d’avis « en découvrant la dernière version du protocole sanitaire, celle de 54 pages, ils ont découvert des exigences impossibles à mettre en œuvre ».

« Les maires doivent mettre en musique la politique gouvernementale mais on ne les associe pas. Si Jean-Michel Blanquer veut lutter contre les inégalités scolaires, pourquoi maintenir la fermeture de 84 classes à la rentrée prochaine dans le Val-de-Marne, s’insurge Laurence Cohen qui demande au gouvernement « d’anticiper » en mettant en place dès à présent « un plan de rattrapage scolaire » à la rentrée de septembre.

« L’État ne prend pas en compte la réalité des territoires ruraux »

« Le 11 mai, Nous devons donc reprendre la production, nous devons donc reprendre la vie sociale, nous devons donc reprendre l’école sinon c’est la catastrophe » avait martelé Édouard Philippe, le 6 mai dernier devant le Sénat, sous entendant que les maux économiques d’un confinement prolongé seraient pires que le remède. « Il y a quand même un hiatus entre la réalité du terrain et ce que le gouvernement nous impose » regrette Fabien Bazin, maire de Lormes (Nièvre). qui a vu son arrêté municipal permettant une aide économique aux commerces de sa commune, annulé après un contrôle de légalité. « C’est très français cette vision juridique de la compétence. C’est l’État et la région qui ont la compétence pour mettre en place un fonds de solidarité à destination des PME et TPE. Mais plusieurs commerces de Lormes ne pourront pas y avoir accès car ils ne remplissent pas les conditions. L’État ne prend pas en compte la réalité des territoires ruraux » conclut-il.

 

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