Départementales : dans le Val-de-Marne, les communistes luttent pour conserver leur dernier fief

Départementales : dans le Val-de-Marne, les communistes luttent pour conserver leur dernier fief

Comme lors des municipales, la droite et le centre espèrent bien mettre la main sur le dernier « fétiche » communiste lors des départementales. La gauche, rassemblée derrière le président sortant Christian Favier, se bat pour conserver son bastion.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

Temps de lecture :

6 min

Publié le

Sur les marchés, un murmure revenait dans toutes les bouches, tantôt empli d’espoir, tantôt craintif : « Si Champigny tombe, ce sera des dominos. Le département tombera ». Et Champigny-sur-Marne, la ville historique de Georges Marchais, aux mains du PCF, est tombée. C’était au mois de juin 2020, lors des municipales. Tous les yeux sont désormais rivés sur le Val-de-Marne, dernier département communiste de France. Rouge depuis 1966, interrompu par une parenthèse gaulliste entre 1970 et 1976, le bout de terre au sud-est de Paris avait déjà échappé d’un cheveu aux griffes de la droite en 2015. Depuis, la place du colonel Fabien a vu basculer quelques-uns de ses fiefs les plus symboliques, comme Valenton, Choisy-le-Roi ou Villeneuve-Saint-Georges. Les départements de la Seine-Saint-Denis et de l’Allier n’ont pas été reconquis. « Il y a une aspiration des Val-de-Marnais. Elle s’est manifestée aux municipales avec le basculement de 4 villes emblématiques du Parti communiste. Valenton était au PCF depuis le Congrès de Tours, en 1920 ! C’est une nouvelle donne », s’enthousiasme le chef de file de la droite et maire LR de Maisons-Alfort, Olivier Capitanio, à la tête de la liste « Ensemble, réveillons le Val-de-Marne ».

« Ce serait un évènement de portée considérable pour le PC », admet l’historien Roger Martelli, rappelant que les communistes ne sont pas aussi hégémoniques dans le Val-de-Marne qu’ils ne l’étaient en Seine-Saint-Denis. Mais l’incertitude du scrutin lui impose la mesure dans un département qui « a toujours été disputé entre les communistes et la droite » : « Le PCF est fragilisé mais pas enterré ». « Il y a un basculement qui doit être relativisé. En termes de population, la droite est majoritaire mais la gauche a 43 % de la population. Mais sur les 47 communes, la droite et le centre en ont 32, quand la gauche en maîtrise 15 », souligne-t-il.

« Bouclier social et environnemental » contre droite « Hauts-de-Seine »

La gauche unie, menée par le président communiste sortant et ancien sénateur, Christian Favier, n’entend pas rendre les armes. Et met en avant son « bouclier de protection » social et environnemental contre une droite qui voudrait faire du département les nouveaux « Hauts-de-Seine ». « Le Val de Marne essaye de protéger les populations contre la politique nationale qui aggrave leurs conditions de vie. Par exemple, c’est un département qui est en pointe sur les crèches publiques. Il va y avoir un plan de création de 500 nouvelles places en crèche. Pareil sur la prévention bucco-dentaire. C’est le département où il y a le plus faible taux de caries », met en avant la sénatrice communiste Laurence Cohen, qui rejoint ce vendredi après-midi Christian Favier pour une opération de terrain. Une arrivée aux manettes de la droite ? « Ce serait une véritable catastrophe. Regardez la politique de Pécresse au niveau des transports, des jeunes… Elle ne favorise pas les gens qui sont le plus fragiles », dénonce la parlementaire spécialiste des questions de santé.

« Il y a un conflit de projets », résume son camarade sénateur communiste Pascal Savoldelli qui reprend l’exemple des crèches, dans un territoire propice à l’accueil de jeunes familles. « Dans le Val-de-Marne, on a 77 crèches publiques. 0 dans les Hauts-de-Seine », assène-t-il. Le conseiller départemental d’Ivry-sur-Seine ne manque pas d’égratigner la droite et sa volonté de « réduction des dépenses publiques en matière de personnels ». « La droite se dit unie mais elle a du mal à avoir un leader. On a des droites avec une arrogance et des gens avides de pouvoir », cingle-t-il. Il interroge : « Est-ce qu’on continue à protéger les Val-de-Marnais, ou est ce qu’on éclate ce département en de multiples petits territoires avec des barons ? »

Alliée de Christian Favier, la sénatrice écologiste Sophie Taillé-Polian reconnaît la possibilité de « perdre » le département dans un contexte très incertain ou chacun s’attend à une participation très faible. « Pour l’instant le véritable enjeu, c’est de faire en sorte que les électeurs prennent connaissance qu’il y a des élections », rappelle à tous la coordinatrice nationale du mouvement Génération. S. Pour elle, la droite au pouvoir signifierait la poursuite de « l’embourgeoisement » du Val-de-Marne.

« Leur leitmotiv, c’est la peur »

Quand on lui demande ses objectifs, le candidat de la droite cite effectivement pour exemple les Hauts-de-Seine. « Notre département n’est pas bien identifié. Tout le monde connaît les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis. Les Hauts-de-Seine ont cette image de réussite économique. La Seine-Saint-Denis, c’est la jeunesse, le renouveau. Nous, on n’a pas d’image », estime Olivier Capitanio. Il met en avant les Jeux Olympiques, dont ne profitera pas le département, qui serait réduit à tous les aspects négatifs, notamment carcéral (le Val-de Marne héberge le centre pénitentiaire de Fresnes). « On ne veut pas du tout ressembler aux Hauts-de-Seine. Notre objectif c’est de faire du Val-de-Marne la référence en matière de qualité de vie dans la petite couronne », éclaircit-il.

Ses adversaires ? Capitanio leur reproche de jouer sur les peurs. « Ils font peur aux personnels départementaux en disant que l’on coupera dans les effectifs. Je rappelle juste que beaucoup de nos candidats gèrent des collectivités locales dans des villes où les agents vivent leur vie professionnelle très bien. Ils essayent aussi d’apeurer la population en parlant de suppression de crèches etc. C’est totalement faux », rétorque l’édile, qui ajoute : « On était plutôt à l’origine d’un certain nombre de dispositions ». « Leur seul leitmotiv c’est la peur », fustige-t-il. Quant à un éventuel accord avec la liste LREM, c’est niet. « Ni accord, ni discussions », oppose Olivier Capitanio.

Depuis quelques jours, la campagne s’est « tendue ». Chaque camp s’accuse de « fébrilité » et exhume son lot « d’affaires » et autres « boules puantes » pour tenter de déstabiliser l’adversaire.

Fraîchement élu à Champigny-sur-Marne en 2020, le pécressiste Laurent Jeanne (Libres !) se réjouit des bons présages. Après avoir conquis la mairie communiste dans une lutte exécrable, l’ancien conseiller d’opposition veut faire le ménage dans le département. « J’ai révélé des affaires un peu troubles de l’ancienne équipe municipale en lien avec le département. Notamment un emploi de cabinet. On met ça sur la table, des petites affaires », se targue l’édile campinois.  « Le département est particulièrement mal géré. Il y a des potentialités extraordinaires, comme le 92 ou le 93. On se dit qu’il n’y a pas de raison qu’on reste au bord du chemin », plaide-t-il lui aussi. Quant au Rassemblement national, peu le considèrent comme un réel risque. « C’est une fausse implantation », assure Laurent Jeanne. L’occasion pour Laurence Cohen de griffer une dernière fois ses adversaires. Le RN ? « Ils ont les mêmes propositions que Valérie Pécresse ! »

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le