Départements : la difficile sortie de l’impasse financière

Départements : la difficile sortie de l’impasse financière

Selon un rapport, il faut entre 300 et 600 millions d’euros pour permettre aux départements de financer les aides sociales comme le RSA. S’ajoute le lourd coût des mineurs isolés. Après une rencontre à Matignon, les départements estiment que le compte n’y est pas.
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Trouver une solution aux difficultés financières des départements liées aux dépenses sociales. C’est l’ambition du rapport du sénateur LREM Alain Richard et du préfet Dominique Bur, qu’ils ont remis lundi au gouvernement. Il a été présenté hier aux élus locaux dans le cadre de l'instance de dialogue de la Conférence nationale des territoires.

De nombreux départements voient leurs budgets mis en grandes difficultés depuis plusieurs années en raison du poids des dépenses sociales, dont ils ont la charge. Ces allocations individuelles de solidarité regroupent le RSA, l’aide aux personnes handicapées ou l’aide aux personnes âgées (APA). La hausse du chômage a mécaniquement augmenté ces dépenses, que l’Etat compense en partie, mais pas totalement. Le reste à charge pour les départements s’élève au total à 9,3 milliards d’euros sur un total de dépenses de 18,2 milliards en 2016, selon l’Association des départements de France.

Efforts des départements riches en faveur des départements pauvres ?

Plutôt qu’« un plan de secours de 100 millions d’euros tous les deux ans », il faut trouver une solution pérenne pour ne pas laisser les départements « en coma financier » explique Alain Richard à publicsenat.fr. Le rapport chiffre les besoins. « A partir de 300 millions d’euros par an, on stabilise la situation pour les départements en difficulté. Autour de 500-600 millions d’euros, on améliore la situation » explique le sénateur du Val-d’Oise. Un effort réparti entre Etat et départements. Mais Alain Richard « laisse au gouvernement apprécier quelle part l’Etat et les départements apporteront chacun ».

Le soutien financier pourrait être proportionnel au niveau de ressource des départements. « Et pour les 30 ou 40 départements qui ont vraiment une dégradation financière importante, soit parce qu’ils ont beaucoup de RSA et des ressources qui ne suivent pas, comme le Nord, soit parce qu’ils ont RSA et APA, comme les petits départements ruraux, on demanderait aux 15 ou 20 départements les plus riches de faire un effort en leur faveur » explique le sénateur LREM. Soit une péréquation financière, autrement dit une solidarité entre départements.

« Edouard Philippe n’a que 200 ou 250 millions d’euros à mettre sur la table. Le compte n’y est absolument pas »

En recevant lundi les représentants de l’Association des départements de France, le premier ministre Edouard Philippe n’a pas vraiment rassuré les élus, à commencer par Jean-René Lecerf, président divers droite (ex-LR) du département du Nord. Il est en réalité à l’origine de l’idée de partager le poids financier entre départements et Etat.

« Les propositions ont été très minimales. Le premier ministre a commencé par dire qu’il était attentif à nos propositions sur le partage du poids financier entre départements et Etat, mais il a ajouté qu’il n’avait que 200 voire, au mieux, 250 millions d’euros à mettre sur la table. Dans mon département, le seul reste à charge du RSA est de 300 millions… Le compte n’y est absolument pas » prévient Jean-René Lecerf ce mardi. Pour cet ancien sénateur, il faut au minimum avoir « une part égale entre départements et Etat » et une aide globale de 600 millions d’euros, soir la fourchette haute fixée dans le rapport.

Quant à l’idée de péréquation entre départements riches et pauvres, il n’y adhère pas. « C’est impossible. Les départements ne refusent pas la solidarité horizontale, mais on leur a déjà beaucoup pris. Sinon, bientôt il n’y aura plus de départements riches » met-il en garde. Il ajoute : « L’ADF demande que l’Etat prenne sa part de la solidarité nationale ».

Mineurs étrangers: pas d'accord entre gouvernement et départements

Autre sujet tout aussi brûlant pour les départements : la gestion des mineurs isolés étrangers, ou mineurs non-accompagnés. Le nombre de jeunes migrants a largement progressé ces dernières années. Près de 15.000 ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance, soit une hausse de 85% en un an. Leur nombre total dépasserait 25.000. Leur prise en charge pèse également lourdement sur les finances des départements.

Lundi, à Matignon, Edouard Philippe et l’ADF ne sont pas tombés d’accord sur ce point non plus. Malgré des « discussions intéressantes » et un premier ministre « qui nous écoute », « on est encore loin des solutions définitives », a regretté auprès de l'AFP le président de l’ADF, Dominique Bussereau. Ils se sont donné rendez-vous d’ici quelques semaines pour parvenir à un accord.

« L’Etat refuse d’assumer ses responsabilités »

Le gouvernement a néanmoins fait des propositions comme « la mise en place d’un fichier biométrique pour éviter le nomadisme, c'est-à-dire éviter qu’une personne considérée à Quimper comme majeure vienne à Lille pour être déclarée mineurs » a expliqué lundi sur le plateau de Public Sénat Jean-René Lecerf. Autre idée formulée à Matignon : « Mette en place des procédures de même nature dans les départements pour avoir les mêmes méthodes et jurisprudences ». Regardez :

Reste « le problème de l’accompagnement financier », le point dur. « Le gouvernement est prêt à s’engager sur la mise à l’abri et l’évaluation, mais il ne va pas plus loin pour le moment » regrette le président du département du Nord. « L’Etat refuse d’assumer ses responsabilités » ajoute le député LR Eric Ciotti, ancien président du département des Alpes-Maritimes, invité ce matin de la matinale de Public Sénat. « C’est à l’Etat de gérer la politique migratoire, pas à une collectivité locale » ajoute le député LR (voir le sujet d'Adrien Develay). Avec un coût estimé à plus de 50.000 euros par an et par personne, le coût total annuel des mineurs isolés s’élève, selon l’ADF, à plus d’un milliard d’euros pour les départements au titre de l'Aide sociale à l'enfance.

« On a fait comprendre au premier ministre que c’était difficile de nous engager sur la contractualisation sans avoir une aide de l’Etat »

Face à ce qu’ils estiment être une impasse budgétaire, les départements menacent de refuser de jouer le jeu de la contractualisation, que l’exécutif veut mettre en place avec les collectivités pour conditionner leur financement. Jean-René Lecerf : « On n’ignore pas le problème d’abord humain et de solidarité, mais parallèlement, on nous dit que si vous augmentez de plus de 1,2% vos dépenses de fonctionnement, vous serez frappés par la sanction financière. Ça va jusque 50 millions d’euros dans mon département. Donc on a fait comprendre au premier ministre que c’était difficile de nous engager sur la contractualisation sans avoir une aide de l’Etat à la hauteur de ce qu’elle devrait être ».

« C’est tactique » minimise un connaisseur du dossier, qui glisse que « tout en disant qu’on ne va pas chez le préfet pour discuter, on échange quand même pour ne pas se retrouver hors délais sur les contrats à passer avec l’Etat ». « Il y a encore une marge de négociation » reconnaît de son côté Jean-René Lecerf, « on s’est quitté bons amis hier. On a décidé qu’il fallait se revoir très vite, d’ici fin mars, si on veut rentrer dans la logique de contractualisation voulue par l’Etat ». Et surtout pour trouver des solutions de financement pour les aides sociales et les jeunes migrants.

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