Sur des airs de meeting, Emmanuel Macron déroule son plan pour les indépendants

Sur des airs de meeting, Emmanuel Macron déroule son plan pour les indépendants

Le Président de la République présentait aujourd’hui devant le syndicat patronal des entreprises de proximité (u2p) son plan pour les travailleurs indépendants. Des mesures techniques, mais dans un décorum de campagne électorale, tant sur le fond, où Emmanuel Macron a développé sa vision d’un modèle social, que sur la forme.
Louis Mollier-Sabet

Temps de lecture :

7 min

Publié le

Mis à jour le

Ça commence quand même à sentir la campagne électorale. Après l’urgence sociale à Marseille et les forces de l’ordre au Beauvau de la sécurité, Emmanuel Macron s’attaque à la situation des indépendants aux rencontres annuelles d’un des principaux syndicats de secteur, l’Union des entreprises de proximité (u2p). Et pour le coup, on a rarement vu un président de la République en terrain aussi conquis.

Des airs de meeting

Emmanuel Macron le dit lui-même, après un début de quinquennat de discussions « franches » avec les représentants patronaux des petites entreprises de proximité et des professions libérales, « certains sont devenus des amis. » Le chef de l’Etat, d’humeur visiblement espiègle, se permet même d’ajouter « certains sont même devenus ministres ! » Jetant ainsi un coup d’œil sur sa gauche où se trouvait Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, encore président de l’u2p il y a un peu plus d’un an.

Vous êtes dans des secteurs où l’on fait rarement grève ou des manifestations.

Pour annoncer son « Plan indépendants », Emmanuel Macron joue donc à domicile, ce qui ne l’empêche pas d’avoir quelques mots pour son auditoire, les représentants des commerçants, des artisans et d’autres professions libérales : « Vous êtes des professions qui ne comptent pas leurs heures et font avancer le pays, vous travaillez dans des secteurs où l’on fait rarement grève ou des manifestations. »

Dans le discours du Président de la République, la petite entreprise, c’est le modèle social de la start-up nation, celle du « travail » et du « mérite » qu’il veut rétablir avec la réforme de l’assurance-chômage, « pour qu’il ne soit jamais plus rentable de ne pas travailler ». Une réforme « controversée » de l’aveu même du chef de l’Etat, mais qui est « bonne dans ses fondements » et qu’il faudra donc mettre en place « dans les prochaines semaines ». On finit par se demander si le Président défend son bilan ou si Emmanuel Macron est de nouveau en mode « candidat », avec les envolées de fin de discours façon « c’est notre projet » et les standing ovations (voir notre vidéo plus haut).

« Mieux protéger face aux accidents de la vie » : l’insaisissabilité du patrimoine personnel des entrepreneurs individuels

Et pour cause, le chef de l’Etat ne veut pas « faire de cadeaux », mais entend réparer une injustice causée par le « sentiment d’être les angles morts et les abandonnés des politiques publiques » qui hante les indépendants. Sur le chômage par exemple, la crise sanitaire a montré en quoi la couverture des indépendants pouvait être insuffisante. C’était d’ailleurs une promesse de campagne du candidat Macron finalement mise en place en 2019, « il faut être lucide » d’après le Président.

« Je pourrais vous dire, promesse tenue, mais la vérité c’est que cette réforme a produit très peu d’effets. » En cause, des conditions d’éligibilité à « l’allocation travailleurs indépendants » trop restrictives, que le chef de l’Etat propose d’assouplir dans une des mesures du « Plan Indépendants » du gouvernement. Plus besoin notamment de se déclarer en faillite pour pouvoir bénéficier du dispositif, « et ça c’est un vrai changement » pour le chef de l’Etat. Dans la même logique, Emmanuel Macron propose de réduire de 30 % le coût de l’adhésion à l’assurance volontaire contre les accidents du travail que seuls 45 000 indépendants sur 3,5 millions ont contracté dans le système actuel.

« Mieux protéger face aux accidents de la vie », c’est le premier axe du plan de l’exécutif, que les ministres Le Maire et Griset se chargeront de développer dans les jours et les semaines qui viennent. Le Président a tout de même commencé à en esquisser les grandes lignes aujourd’hui en répondant notamment à une demande de longue date des syndicats des indépendants et des professions libérales : l’insaisissabilité du patrimoine personnel des entrepreneurs individuels. À l’heure actuelle, ¾ des créateurs d’entreprises optent pour le statut de l’entreprise individuelle, « souvent très jeunes et insuffisamment informés », déplore Emmanuel Macron. Or sous ce statut juridique, le patrimoine personnel, hors résidence principale, peut être saisi par les créanciers. Dorénavant, « seuls les éléments indispensables à l’activité professionnelle pourront être saisis », qui évoque notamment les voitures ou les deux roues des entrepreneurs individuels. Ce statut « plus protecteur et plus simple » aura vocation à remplacer l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) qui sera supprimé.

« Il n’y a rien de plus compliqué que la simplification »

Le deuxième pilier du plan gouvernemental, c’est l’accompagnement des indépendants « de la création à la transmission » de leur entreprise. Un volet qui peut paraître technique, mais que le chef de l’Etat voit comme un « vrai changement pour fluidifier les cessions d’entreprise » : « Si on n’aide pas, des activités disparaîtront. » Le but est donc à la fois de rendre le rachat de fonds de commerce plus attractif avec une « déduction fiscale de l’amortissement des fonds de renouvellement acquis. » Oui, ça peut en effet paraître technique, mais cela veut simplement dire que quand on reprend un fonds de commerce, on peut calculer un amortissement par an en fonction du prix payé qui ouvrira à des déductions d’impôts. Dans l’autre sens, Emmanuel Macron propose de relever les plafonds d’exonération de la plus-value réalisée par les cédants de 300 à 500 000 euros.

La complexité c’est l’ennemi des plus petits et des gens occupés.

Enfin, le troisième et dernier chantier du gouvernement reste la mère de toutes les réformes administratives : la simplification. « Il n’y a rien de plus compliqué que la simplification », ironise Emmanuel Macron sur ce serpent de mer du réformisme économique et social. Pourtant c’est un défi crucial pour l’équité face aux démarches administratives : « La complexité c’est l’ennemi des plus petits et des gens occupés. Les gens qui travaillent 10 à 12h par jours, qui ont peu de vacances, ils n’ont pas le temps d’aller cherche 10, 20 ou 30 formulaires » explique par exemple le chef de l’Etat. Pour améliorer la situation, Emmanuel Macron propose la création d’un « vrai service unique » pour s’informer et s’acquitter de « l’ensemble des prélèvements obligatoires » qui concernent les indépendants.

Toutes ces dispositions ne sont pas encore chiffrées, mais le Président de la République le promet, elles seront prêtes pour début 2022. Pour ce faire, les ministres, et notamment Bruno Le Maire, incluront des crédits dans les lois de finances qui seront examinées au Parlement fin octobre.

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le