« Dès le soir de l’élection, la vie privée n’existe plus » la difficile place des Premières dames

« Dès le soir de l’élection, la vie privée n’existe plus » la difficile place des Premières dames

Sous le feu des projecteurs, au cœur du pouvoir, les Premières dames n’ont pourtant aucun statut dans la Ve République. Jouent-elles pour autant un rôle de « potiche » ? Perdent-elles toute liberté quand elles entrent à l’Élysée ? Dans son documentaire « Neuf femmes aux marches du Palais », Élisabeth Kapnist décrypte les parcours et les personnalités de celles qui partagent la vie des Présidents.
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Elles habitent à l’Élysée, côtoient le pouvoir mais n’en possèdent aucun. Sans statut officiel, les Premières dames doivent se faire leurs places. Dans l’histoire de la Ve République, neuf femmes se sont succédé dans ce rôle. Une place parfois enviée mais compliquée au quotidien.

Quelle que soit leur origine sociale, leur parcours personnel avant d’arriver à l’Élysée, aucune Première dame, à l’exception peut-être de Bernadette Chirac, n’avait ambitionné de l’être. La femme devient une cible pour atteindre le président de la République. Et Claude Pompidou, qui subira des attaques personnelles, gardera comme beaucoup un souvenir amer de son passage à l’Élysée, qu’elle qualifie de « maison du malheur ».

Pour chacune d’entre elles une même impression ressort : la difficulté à trouver sa place. Yvonne de Gaulle dira de l’Élysée « tout le monde y est chez soi, sauf nous ». Manque de liberté, surveillance constante, la vie à l’Élysée n’est pas une sinécure.

À la recherche d’un espace de liberté

Première des locataires de l’Élysée sous la Ve République, Yvonne de Gaulle réussira à conserver une vie à côté. Si elle s’y installe, c’est par devoir, mais elle n’aime pas la vie mondaine, explique l’historienne Joëlle Chevé.

La femme du « Général » se ménagera un peu de liberté au cours des voyages officiels. Elle s’organise son emploi du temps et « parfois on la perd » raconte l’historienne, elle conserve une forme d’indépendance.

Cette autonomie, beaucoup vont la rechercher, sans toujours la trouver. Plusieurs Premières dames useront de leur fonction pour établir des fondations caritatives ou sociales. À la fois une façon de rendre la fonction utile et de se ménager un espace d’action personnel.

« Je ne serai pas une potiche »

Anne-Aymone Giscard d’Estaing par exemple, crée une Fondation contre la maltraitance des enfants, qu’elle dirigera ensuite pendant 35 ans. Danielle Mitterrand aussi œuvrera au travers de sa Fondation France Libertés. Femme indépendante et de caractère, cette dernière va utiliser son statut comme aucune autre n’a osé le faire avant ou après elle. Dès le départ elle l’affirme : « Je ne serai pas une potiche. » Et par ses prises des positions en politique internationale, elle ira jusqu’à agacer les diplomates du Quai d’Orsay.

Enfin si Bernadette Chirac assumait la fonction en véritable maîtresse de maison à l’Élysée, elle laissera elle aussi son empreinte à travers l’opération pièces jaunes, une initiative caritative très populaire.

La modernité serait-elle restée aux portes du palais ?

Malgré les difficultés auxquelles elles se heurtent, les Premières dames du début de la Ve République semblent parvenir à exister sur la scène médiatique autrement que dans un simple rôle de représentation, et elles se ménagent ainsi des espaces de liberté.

À partir du quinquennat de Nicolas Sarkozy, le documentaire donne l’impression d’une pression accrue et d’une autonomie réduite. Même si les femmes disposent désormais en France d’une égalité de droit, ce qui n’était pas encore le cas au début de la Ve République, la place de Première dame semble encore d’avantage s’effacer. La modernité serait-elle restée aux portes du palais ?

Alors qu’Yvonne de Gaulle est encore peu apparue dans les médias quand elle accède à l’Élysée, la vie privée des simples candidats est désormais décortiquée. Une exposition médiatique très violente par exemple pour Valérie Trierweiler, compagne de François Hollande lors de son accession à l’Élysée.

« L’Élysée ce n’est pas un endroit moderne »

« Dès le soir de l’élection je comprends que la vie privée n’existe plus » témoigne-t-elle devant la caméra d’Élisabeth Kapnist. Alors qu’elle réclame un baiser à François Hollande sur scène, la phrase est lue sur ses lèvres, « preuve qu’à la seconde même aucune intimité ne serait plus possible ».

Le courrier regorgera ensuite de lettres lui reprochant de vivre en simple concubinage avec le président. L’Élysée est un endroit de traditions, « l’Élysée ce n’est pas un endroit moderne, c’est un endroit centenaire, séculaire » rappelle Carla Bruni, qui s’est quant à elle, mariée à l’Élysée avec Nicolas Sarkozy. « Ça n’a pas dû être facile pour Valérie Trierweiler d’être là-bas sans être mariée ».

L’effacement de la Première dame

Le passage de Valérie Trierweiler à l’Élysée lui laissera un sentiment amer. Elle regarde avec admiration la Première dame qu’a été Danielle Mitterrand, « une combattante ». Comme le reflet d’une Première dame libre de parole qu’il n’est plus possible d’être aujourd’hui.

« Aujourd’hui une Première dame on lui demande d’être belle. On ne commente que les tenues de Brigitte Macron, On ne sait plus ce qu’elle pense, je trouve ça très dommage » regrette-t-elle. En effet, l’actuelle Première dame vit très en retrait de la scène médiatique, et est absente des réseaux sociaux.

La Première dame s’efface, et pourtant comme le rappelle le documentaire : « On n’élit pas un couple, mais c’est un couple qui entre à l’Élysée ».

Retrouvez le documentaire « Premières dames, neuf femmes aux portes du palais » d’Élisabeth Kapnist, ce soir à 18 heures, canal 13 de la TNT.

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