Devant la Cour de justice de la République, l’ex-ministre Urvoas offensif
Jugé par la Cour de justice de la République (CJR) pour avoir transmis au député Thierry Solère des informations sur une enquête qui le visait,...

Devant la Cour de justice de la République, l’ex-ministre Urvoas offensif

Jugé par la Cour de justice de la République (CJR) pour avoir transmis au député Thierry Solère des informations sur une enquête qui le visait,...
Public Sénat

Par Sofia BOUDERBALA

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Jugé par la Cour de justice de la République (CJR) pour avoir transmis au député Thierry Solère des informations sur une enquête qui le visait, l'ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, le verbe offensif, a contesté mardi être tenu par un quelconque "secret".

Très à l'aise face à une cour composée de trois magistrats et douze parlementaires, l'ex-président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, 60 ans, a décliné son parcours, de l'université au Parlement puis au gouvernement: une vie "dédiée au droit".

L'ancien ministre socialiste (janvier 2016-mai 2017) a défendu son bilan: "J'ai passé 16 mois à défendre la loi, appuyer la justice et être le protecteur des magistrats".

Il reconnaît la matérialité des faits, mais d'emblée, tient à recadrer le débat: "Je ne connais pas Thierry Solère, c'est un adversaire politique (...) je n'avais aucun intérêt personnel" à lui transmettre des informations, dit-il, sans réellement expliquer ses motivations.

Huitième ministre à comparaître depuis 1999 devant cette cour critiquée pour la clémence de ses décisions, Jean-Jacques Urvoas encourt une peine maximale d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende.

Il reviendra à la CJR, seule habilitée à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions, de trancher l'épineuse question du périmètre du secret et des obligations du ministre.

- "Transgression majeure" -

Ce procès, a prévenu le président Jean-Baptiste Parlos, "aura d'importantes répercussions", tant sur "le rôle du garde des Sceaux" que "sur les rapports entre le parquet et la chancellerie", auquel il reste aujourd'hui soumis hiérarchiquement - une situation suscitant un soupçon récurrent d'instrumentalisation politique du ministère public.

L'affaire Urvoas s'était nouée dans les derniers jours de la présidence de François Hollande. Le 4 mai 2017, le ministre adresse un document à Thierry Solère, alors élu de l'opposition LR, via la messagerie cryptée Telegram.

Il s'agit d'une "fiche d'action publique" établie par la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), département sensible qui fait l'interface entre la chancellerie et les procureurs. Cette fiche rend compte de l'état d'une enquête du parquet de Nanterre pour fraude fiscale et trafic d'influence qui implique M. Solère depuis septembre 2016.

Le 20 juin 2018, Jean-Jacques Urvoas est mis en examen pour "violation du secret professionnel".

La Cour de Justice de la République à l'ouverture du procès de l'ex-ministre Jean-Jacques Urvoas, le 24 septembre 2019 à Paris
La Cour de Justice de la République à l'ouverture du procès de l'ex-ministre Jean-Jacques Urvoas, le 24 septembre 2019 à Paris
AFP

Au premier jour des débats, la salle d'audience a semblé abriter deux mondes: celui des magistrats, décrivant une "chaîne du secret" allant du parquet au ministre auquel il est hiérarchiquement soumis, et celui des politiques - les parlementaires juges de la CJR - qui se demandent comment le garde des Sceaux "pouvait savoir" s'il était soumis au secret.

A la barre, procureurs et anciens dirigeants de la DACG sont venus expliquer la mécanique de la remontée d'informations du parquet vers le parquet général, puis à la DACG qui établit des "fiches", elles-mêmes transmises au garde des Sceaux.

"Le ministre est en fin de chaîne du secret. Il conduit la politique pénale, il doit pouvoir répondre en connaissance de cause lors de questions au gouvernement", a expliqué l'ancienne directrice de la DACG Caroline Nisand.

Mais, précise-t-elle, "ces informations restent couvertes par le secret. Il n'est pas envisageable de les révéler à un tiers et a fortiori au mis en cause. C'est pour moi une transgression majeure".

Agacé, Jean-Jacques Urvoas assure n'avoir jamais été informé que les fiches de la DACG - "qui ne disaient rien que je ne savais déjà" - étaient couvertes par le secret. "Pourquoi le cabinet en demandait de manière aussi fréquente?", a rétorqué Mme Nisand.

Mais quel est le texte qui définit ce secret auquel serait tenu le ministre?, demandent plusieurs parlementaires. "Parce que la procédure d'enquête est secrète et que dès lors, tous ceux qui détiennent des informations se retrouvent dépositaires d'un secret à raison de la fonction qu'ils exercent", répond l'ex-DACG Robert Gelli.

L'ancien DACG affirme avoir remis "une note blanche" à ce sujet à Jean-Jacques Urvoas à son arrivée au ministère. L'ex-garde des Sceaux n'en n'a aucun souvenir. "Et cette note n'est pas versée au dossier", relève son avocat.

Les débats se poursuivent jusqu'à vendredi.

Partager cet article

Dans la même thématique

Devant la Cour de justice de la République, l’ex-ministre Urvoas offensif
2min

Politique

Education nationale : « Je suis malheureux de l’instabilité ministérielle », déclare Jean-Michel Blanquer

Invité de la matinale de Public Sénat, l’ancien ministre de l’Education nationale et auteur de « Civilisation française » (aux éditions Albin Michel) s’est exprimé sur la valse de ministres à l’Education nationale depuis la réélection d’Emmanuel Macron en 2022. Selon lui, « il y aurait dû avoir un ou une ministre après moi, pendant 5 ans ».

Le

General policy speech by Prime Minister at Senate
10min

Politique

Budget : comment le Sénat va réduire l’effort demandé aux collectivités de 4,6 à 2 milliards d’euros

La majorité sénatoriale veut revenir sur l’effort demandé par le gouvernement aux collectivités. Le premier ministre a déjà fait des gestes devant les régions et les départements. « Un premier pas », reconnaît le sénateur LR Stéphane Sautarel, mais insuffisant. Pour compenser l’allègement de l’effort sur les collectivités, la majorité sénatoriale entend renforcer les économies sur d’autres ministères, notamment sur la « jeunesse, la recherche ou la culture ».

Le

7min

Politique

Insécurité dans les territoires d’Outre-mer : « Nous, les maires, nous sommes en première ligne pour lutter, mais on n’a pas de moyens pour le faire »

A la veille de l’ouverture du 107e congrès des maires à Paris, des élus des Outre-mer se sont retrouvés à Issy-les-Moulineaux ce lundi 17 novembre. Alors qu’ils font face à une criminalité et une délinquance grandissantes, dans des territoires en proie au narcotrafic, les maires, aux côtés de la délégation sénatoriale aux Outre-mer, ont plaidé pour un « choc régalien ».

Le

Paris : session of questions to the government at the French National Assembly
6min

Politique

Budget 2026 : quels scénarios dans un calendrier de plus en plus contraint ?

Avec encore plus de 1 500 amendements restant à examiner en une semaine à l’Assemblée sur la partie recettes du projet de loi de finances, le calendrier budgétaire est de plus en plus contraint. Dans une assemblée divisée et avec le renoncement du gouvernement de recourir au 49.3, la possibilité d’une adoption des deux lois de finances avant le 31 décembre 2025 relève presque de la politique-fiction.

Le