Didier Raoult : quand l’infectiologue était le chouchou d’une partie des responsables politiques

Didier Raoult : quand l’infectiologue était le chouchou d’une partie des responsables politiques

Après la publication, il y a un mois d’un rapport accablant sur sa gestion de l’institut hospitalo-universitaire de Marseille (IHU-MI), le JDD révèle qu’un autre rapport pointait déjà les manquements de Didier Raoult en 2017. Pourtant, au début de la pandémie, l’épidémiologiste était la coqueluche de nombreux responsables politiques.
Simon Barbarit

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« Pendant cette crise, on a eu un MacGyver déguisé en chaman […] Une partie des Français et de la classe scientifique ont voulu adhérer à une thèse scientifique qui ne faisait l’objet d’aucune approbation ». Le tacle est signé Olivier Véran qui dans les colonnes du Parisien début septembre, prend tout de même soin de ne pas évoquer les responsables politiques.

Mis à la retraite d’office, tombé en disgrâce, Didier Raoult a été pendant de longues semaines dans le débat public, l’alpha et l’Omega de la lutte contre le covid-19.

Le gouvernement a, récemment décidé de saisir le Procureur de la République suite à un rapport accablant de l’Inspection générale des Affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la recherche (IGESR), faisant état d’une série de dysfonctionnements au sein l’IHU-MI, du temps où il était à sa tête. Et ce week-end, le Journal du Dimanche le JDD révèle qu’un autre rapport du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, pointait déjà les manquements de Didier Raoult en 2017.

Emmanuel Macron : « Je suis convaincu que c’est un grand scientifique »

Pourtant, en mars 2020, alors que l’épidémie fait rage et que le monde scientifique tâtonne dans la recherche d’un vaccin, l’infectiologue prodigue des mots doux aux oreilles d’une population angoissée et assure que « le covid-19 est l’infection respiratoire la plus facile à traiter de toutes ». Comment ? Grâce à l’hydroxychloroquine, une molécule utilisée par le traitement du paludisme.

A l’Elysée, on finit par s’intéresser au remède du microbiologiste devenu star des réseaux sociaux. Membre éphémère du Conseil scientifique dont il claque la porte au bout de quelques jours, Didier Raoult reçoit la visite d’Emmanuel Macron en avril 2020.

« Je suis convaincu que c’est un grand scientifique, et je suis passionné par ce qu’il dit et ce qu’il explique », flatte le chef de l’Etat avant de demander à ce que sa « bi-thérapie » proposée par le professeur « soit testée ».

« Ce n’est pas la chloroquine qui tue, c’est la pandémie »

Quelques semaines plus tard, une étude publiée dans la revue médicale « The Lancet » pointe les risques et l’inefficacité de l’hydroxychloroquine pour traiter les malades du coronavirus. Conséquence quasi immédiate en France, un décret abroge les dispositions dérogatoires autorisant sa prescription contre le Covid-19. Mais au Parlement, l’épidémiologiste garde la côte chez certains. « Il y a plein d’études de par le monde. Il y a des études négatives et positives […] il y a plus de 3000 patients qui ont été traités à Marseille avec des résultats […] Ce n’est pas la chloroquine qui tue, c’est la pandémie », relativise le président du groupe LR du Sénat, Bruno Retailleau.

Chez les élus de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, on soutient cette figure locale devenue nationale en l’espace de quelques semaines. « Nobélisable, génial et exceptionnel », n’hésite pas à qualifier Renaud Muselier, lors d’une audition au Sénat.

Contaminée par le covid-19, Valérie Boyer, alors députée LR des Bouches du Rhône, suit le traitement conjuguant antipaludéen et antibiotique.

« Didier Raoult est trop mal aimé par les belles personnes pour ne pas éveiller l’intérêt »

Chez le RN et la France Insoumise aussi, on couve ce professeur qui s’oppose à la politique sanitaire puis vaccinale du gouvernement. « Didier Raoult est trop mal aimé par les belles personnes pour ne pas éveiller l’intérêt » […] Ces prescriptions ne provoquent pas plus de difficultés qu’avec n’importe quel autre médicament autorisé. Pourquoi la chloroquine qui était en vente libre a-t-elle été classée soudainement comme substance « vénéneuse » en janvier dernier ? » s’interroge Jean-Luc Mélenchon sur son blog.

A l’aune de la campagne présidentielle, Marine Le Pen achète, à l’hiver 2021, un santon à l’effigie du Marseillais, tout un symbole. « C’est parce qu’il est critiqué que je l’ai acheté. L’unanimité contre lui est injuste. Je n’aime pas les lynchages. Cette forme d’hypocrisie me le rend sympathique ».

Jordan Bardella alors vice-président du RN file la métaphore qui, avec le recul, n’est pas forcément flatteuse. « Il est peut-être à la médecine ce que nous sommes à la politique », ose-t-il.

L’année dernière, un avis du comité d’éthique du CNRS accusera nommément Didier Raoult d’être un acteur du « populisme scientifique ».

Au Sénat, si on devait citer un fervent opposant à Didier Raoult, c’est bien Bernard Jomier, médecin de profession et co-rapporteur d’une commission d’enquête sur le covid-19. Didier Raoult « discrédite notre politique sanitaire, désoriente les Français et alimente les discours antivax », a-t-il fustigé en janvier dernier. La passe d’armes entre les deux hommes avait été l'un des grands moments de la commission d'enquête.

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