Discours de Macron sur l’Ukraine : les sénateurs y voient une déclaration de candidature

Discours de Macron sur l’Ukraine : les sénateurs y voient une déclaration de candidature

Lors d’une allocution télévisée, le chef de l’Etat, a, comme il s’y était engagé, tenu les Français informés des enjeux de la guerre en Ukraine. Il a aussi annoncé « des décisions historiques », comme « un plan de résilience économique et social », des « investissements dans la défense ». Du côté de la Haute assemblée, on y voit le programme du candidat Macron.
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La guerre menée par la Russie en Ukraine « vient percuter notre vie démocratique et la campagne électorale », a reconnu Emmanuel Macron lors d’une allocution télévisée d’une vingtaine de minutes consacrée à la guerre en Ukraine.

Une intervention au cours de laquelle « le chef de l’Etat a d’abord rappelé quelques évidences », souligne le président de la commission des affaires étrangères et de la Défense, Christian Cambon (LR). Après avoir une nouvelle fois apporté le soutien de la France au peuple ukrainien et à son président, Volodymyr Zelensky, « visage de l’honneur de la liberté et de la bravoure », Emmanuel Macron a souligné que la France n’était « pas en guerre contre la Russie ».

« Il a fait une sorte de déclaration de candidature qui ne dit pas son nom »

« J’ai choisi de rester en contact, autant que je le peux et autant que c’est nécessaire, avec le président Poutine pour chercher sans relâche à le convaincre de renoncer aux armes » et « pour prévenir la contagion et l’élargissement du conflit autant que nous le pouvons », a-t-il ajouté.

« Cette première partie de son intervention ne peut que recueillir notre assentiment. Néanmoins, dans un second temps, le président s’est projeté dans la campagne. Il a fait une sorte de déclaration de candidature qui ne dit pas son nom », relève Christian Cambon.

Le patron du groupe centriste, Hervé Marseille abonde. « Oui, la deuxième partie de son discours était beaucoup plus prospective. Faire des chèques sur l’avenir, ça a un coût. Un coût qui s’ajoute à la dette covid et au coût des réformes qui ne se sont pas faites comme les retraites et la dépendance. Une accumulation de factures qui a sûrement des justifications mais qui méritent qu’on en parle devant le Parlement ».

Rappelant que la croissance économique de la France sera « immanquablement affectée » par la guerre en Ukraine, le chef de l’Etat a annoncé un plan « de résilience économique et social » que le Premier ministre présentera dans les prochains jours. De même, le Président a indiqué que la France « amplifiera donc l’investissement dans sa défense ». « Nous ne pouvons pas dépendre des autres pour nous défendre », a-t-il justifié soulignant aussi que la défense européenne devait aussi franchir une « nouvelle étape ».

« La crise militaire a remplacé la crise sanitaire mais la pratique institutionnelle n’a pas changé »

De quoi interpeller Christian Cambon et ses collègues sénateurs qui, en juillet dernier, avaient bataillé sans succès face au gouvernement pour réviser la loi de programmation militaire. « J’aurais préféré faire l’économie de la crise ukrainienne. Mais je reconnais aussi que cette loi de programmation est à l’initiative du chef de l’Etat et elle était essentielle », explique le président de la commission de la défense du Sénat.

La question de la défense européenne et celle de sa « stratégie d’indépendance énergétique » seront au menu d’un sommet européen informel les 10 et 11 mars à Versailles. « Mais qui ne veut pas être indépendant ? Qui ne veut pas être protégé ? La question, c’est comment et à quel prix. La crise militaire a remplacé la crise sanitaire mais la pratique institutionnelle n’a pas changé. Elle reste verticale », s’agace Christian Cambon.

« Cette crise tourne les Européens vers un thème qu’ils avaient oublié : l’accueil et la solidarité »

Le sénateur socialiste, Jean-Yves Leconte regrette que le président de la République soit resté dans « l’approximation » en ce qui concerne les Français vivant en Ukraine. « Il n’a rien dit à part qu’ils seraient pris en charge à la frontière. J’attendais qu’il dise un peu plus fort que le combat des Ukrainiens était un combat pour l’Europe. Compte tenu de la menace d’une troisième guerre mondiale. Ce combat est sous-traité à l’Ukraine ».

« Cette crise tourne les Européens vers un thème qu’ils avaient oublié : l’accueil et la solidarité »

Le sénateur des Français de l’étranger a également  noté des accents de candidat au discours présidentiel. « Il va être difficile pour les autres de se faire entendre. Mais ça balaye les thèmes que voulaient imposer artificiellement dans le débat les candidats d’extrême droite qui proposaient un poutinisation de la France. Et s’il y a une chose de positive à retenir de la tragédie ukrainienne, c’est qu’elle tourne les Européens vers un thème qu’ils avaient oublié : l’accueil et la solidarité ».

Emmanuel Macron a effectivement assuré que la France « prendra sa part » pour accueillir les réfugiés ukrainiens notamment « en accueillant les enfants forcés à l’exil, séparés de leur père resté combattre ».

Le président du groupe écologiste du Sénat, Guillaume Gontard note, pour sa part, que l’analyse géopolitique faite par Emmanuel Macron « conforte la vision du monde des écolos ». « Ce que nous disons depuis toujours, c’est que nous avons besoin d’une Europe intégrée, beaucoup plus protectrice. Un thème qui jusqu’à présent n’était pas présent dans la campagne. Nous sommes face à trois crises, sanitaire, climatique et géopolitique et pour chacune d’entre elles, les réponses sont les mêmes. Nous devons être résilients et autonomes. L’échelle européenne pour le faire est la bonne. C’est dommage qu’Emmanuel Macron s’en rende compte au bout de cinq ans ».

 

 

 

 

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