Dissolution, remaniement, médiateur : les sénateurs LR partagés sur les pistes de sortie de crise

Dissolution, remaniement, médiateur : les sénateurs LR partagés sur les pistes de sortie de crise

En cette dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, difficile d’entrevoir une piste de sortie de crise. Le président du groupe LR, Bruno Retailleau a évoqué celle d’une dissolution « si le chaos devait persister », afin que les électeurs qui tranchent. « Face à l’impasse » politique, certains de ses collègues effleurent l’idée d’une démission d’Emmanuel Macron.
Simon Barbarit

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« Si dissolution, il devait y avoir, ce serait vraiment une solution ultime », soupire François-Noël Buffet. Le président LR de la commission des lois réagissait à l’intervention du patron de son groupe, Bruno Retailleau sur RTL. « Si le chaos devait persister, dans une démocratie, quand il y a un blocage, la seule solution c’est le recours au suffrage et aux électeurs qui trancheront cette difficulté », a indiqué le sénateur de Vendée, tout en précisant qu’il ne souhaitait pas dissolution.

L’idée séduit peu du côté de la droite car elle pourrait être la première à perdre des plumes lors d’élections législatives anticipées. Une enquête Toluna Harris Interactive pour Public Sénat et l’agence AEF Info, révèle le peu de confiance des Français envers les dirigeants Les Républicains depuis la réforme. Seulement 20 % de l’échantillon interrogé indiquent leur faire confiance, un score qui s’écroule de 11 points en deux semaines. Le dernier baromètre politique d’Odoxa, réalisé pour Public Sénat et la presse quotidienne régionale ne place pas non plus les cadres LR à la fête. Le président du groupe LR de l’Assemblée, Olivier Marleix recueille 5 % d’opinions favorables, le double pour Éric Ciotti. « Quand on fait une dissolution, il faut un message politique à faire passer, sinon ça n’a aucun sens. Si l’exécutif veut retrouver un peu d’espace, il doit mener une politique plus marquée à droite. Mais avec le retrait de la loi immigration et son saucissonnage annoncé, ça n’en prend pas le chemin. Ou alors Emmanuel Macron tente un mai 68 bis en misant sur le désordre avant une dissolution ». Les législatives de juin 68 avaient conduit à une vague UDR à l’Assemblée. Les Français, inquiets par les évènements, voteront massivement pour les députés gaullistes. Pour la première fois de la Ve République, un parti obtiendra la majorité absolue à l’Assemblée nationale avec 294 députés sur 485.

« La stratégie du gouvernement n’est pas claire », constate le sénateur LR, Roger Karoutchi avant d’ajouter : « Soit le gouvernement rebat les cartes, en changeant son gouvernement et en revenant sur sa réforme des retraites. Dans ce cas, le prochain Premier ministre pourrait venir de la droite avec une majorité pour gouverner. Soit-il ne change rien et aucun LR ne voudra venir sur ce radeau de la méduse ».

« Il reste un geste à faire qui serait conforme à nos institutions. C’est la démission du Président »

Le vice-président du Sénat n’est pas le seul à faire le parallèle avec mai 68. Le sénateur du Nord, Marc-Philippe Daubresse y va lui aussi de sa référence. « Laurent Berger (le secrétaire général de la CFDT) a raison de demander une médiation. Nous sommes en pleine crise sociale et politique comme en mai 68. Mais avant de régler la crise politique, il faut régler la crise sociale. C’est Jacques Chirac (à l’époque secrétaire d’État aux Affaires sociales) qui s’en était chargé avec les accords de Grenelle. Mais une dissolution ne servira à rien. Emmanuel Macron avait l’occasion lors des dernières législatives de mettre de côté son programme pour proposer un accord de gouvernement. C’est trop tard maintenant. Il reste un geste à faire qui serait conforme à nos institutions. C’est la démission du Président ».

« Le problème est plus profond que la réforme des retraites. Il faut associer les corps intermédiaires pour une réflexion de fond pour redéfinir notre destin collectif. Un gouvernement de coalition, ce n’est plus d’actualité », complète François-Noël Buffet.

Mais voilà à la mi-journée, le gouvernement, par la voix de son porte-parole a rejeté la main tendue du patron de la CFDT. « Nous saisissons la proposition de Laurent Berger de se parler, mais directement. Nul besoin de médiation », a répondu Olivier Véran.

Une fin de non-recevoir qui fissure un peu plus la majorité présidentielle. Les députés Modem, composantes de la majorité avec Renaissance et Horizons, ont quelques minutes plus tard appelé de leurs vœux et encouragent « une médiation, si elle est possible », comme l’a indiqué le député Philippe Vigier.

Il « devait mettre de l’huile dans les rouages, il a mis de l’huile sur le feu »

« Le problème, c’est qu’Emmanuel Macron ne veut pas rassembler, il veut qu’on le suive. Un accord de gouvernement n’est pas possible avec un Président qui n’écoute pas. Son interview de la semaine dernière devait mettre de l’huile dans les rouages, elle a mis de l’huile sur le feu », se désole Jérôme Bascher. Le sénateur LR de l’Oise approuve lui aussi l’idée d’une médiation entre l’intersyndicale et l’exécutif. « Mais quelle autorité politique pour l’incarner ? Je ne vois que Gérard Larcher », propose-t-il. L’actuel président du Sénat, ministre du Travail de Jacques Chirac, fut à l’origine de la loi sur la modernisation du dialogue social en 2007.

« En attendant le gouvernement peut proposer une grande réforme de simplification des normes. Ce n’est pas sexy mais il pourrait trouver une majorité car il n’a plus la capacité de rassembler sur le reste. L’exécutif est dans une impasse. L’autre solution serait qu’Emmanuel Macron démissionne », esquisse à son tour Jérôme Basher sans y croire.

 

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