Dissoudre le PS : la proposition de Cambadélis, loin de faire des émules au Sénat

Dissoudre le PS : la proposition de Cambadélis, loin de faire des émules au Sénat

L’ancien Premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, propose au parti de « se dissoudre » pour refonder une nouvelle structure. Il demande également à l’actuel patron du PS, Olivier Faure, de démissionner. Pour les sénateurs socialistes interrogés par Public Sénat, il n’est pas judicieux de lancer ce débat avant la fin de la présidentielle et la bataille des législatives.
Romain David

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L’avantage quand on a touché le fond, c’est qu’on ne peut que remonter. À condition d’avoir la bonne échelle. Les socialistes s’interrogent sur leur avenir, alors que la défaite historique d’Anne Hidalgo à la présidentielle, avec 1,75 % des voix, menace d’éclipser de la scène nationale un parti déjà laminé par sa défaite en 2017. Et aux grands maux les grands moyens ! Dans une interview mercredi au Parisien, l’ex-Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, propose ni plus ni moins qu’une dissolution du parti, et la démission de son actuel dirigeant, Olivier Faure. « Le dégagisme a achevé son œuvre, les partis de gouvernement sont ‘out’, un nouveau clivage se met en place entre libéraux et nationalistes, entre les tenants du marché et les tenants de la préférence nationale. La gauche sociale et républicaine est, à cette étape, hors-jeu », explique l’ancien député de Paris. Il faut « annoncer, lors du prochain conseil national du 19 avril prochain, qu’on changera tout, annoncer la tenue, à l’automne, d’un congrès d’autodissolution pour la refondation », poursuit Jean-Christophe Cambadélis qui met en garde contre les tentatives de « replâtrage » ou le « sauve-qui-peut. » Il ajoute : « Dans ce sens, Olivier Faure doit annoncer qu’il va démissionner, comme Harlem Désir et moi-même l’avons fait en 2014 et 2017» .

« Je pense que Jean-Christophe Cambadélis a voulu marquer les esprits en parlant d’auto-dissolution. Le débat me paraît un peu précipité, même s’il est normal que chacun avance ses pions après l’échec du premier tour. Mais ne perdons pas notre sang-froid », commente le sénateur de Paris Rémi Féraud. Pour son collègue Rachid Temal, qui a assuré durant plusieurs mois l’intérim à la tête du parti après le départ de Jean-Christophe Cambadélis en septembre 2017, il n’est pas judicieux d’ouvrir ce débat en plein milieu de l’entre-deux-tour. « Le risque, à poser maintenant cette question, c’est que nous enjambions la présidentielle. Or, le résultat n’est pas fait. Nous vivons un moment historique dans notre pays. Pour la première fois, l’extrême droite n’a jamais été aussi proche d’accéder au pouvoir par les urnes », tient-il à rappeler auprès de Public Sénat. Pour être à la hauteur de ce moment historique, le PS doit répondre à trois urgences », poursuit l’élu du Val d’Oise. « Tout faire pour que le candidat Macron soit élu, au nom du front républicain, il ne s’agit pas d’un quitus », précise-t-il. « Ensuite, faire en sorte d’avoir une gauche socialiste à l’Assemblée, qui pourra s’opposer à tout ce qui sera néfaste. Et enfin, entamer une reconstruction du PS, qui ne soit pas cosmétique. »

« L’auto-dissolution ou autre chose »

Même prudence du côté de Rémi Cardon, l’un des porte-parole d’Anne Hidalgo durant la campagne présidentielle. « Un peu de sérieux ! Vous imaginez, acter le principe d’une dissolution alors que nous sommes en pleine discussion sur les législatives et en train de mettre en place des accords avec les autres forces de gauche. » Pour autant, la plupart des socialistes interrogés s’accordent sur la nécessité d’engager, à moyen terme, ce travail de refondation. « Le cycle d’Epinay (en référence au congrès de 1971 qui a consacré l’unification des socialistes) est terminé. Pour relancer la fondation, la première question à poser, c’est : pour qui nous nous battons ? », explique Rachid Temal. « À partir de là, nous pouvons développer une vision de la France. Il ne faut pas confondre la méthode et l’objectif. Lorsque vous aurez l’objectif, la méthode suivra… que ce soit par l’auto-dissolution ou autre chose. »

La question de la refondation taraude depuis plusieurs jours les socialistes. Le 12 avril, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain au Sénat, qui compte une soixantaine d’élus, a abordé la question lors de sa réunion hebdomadaire, qui s’est tenue à huis clos. Manière de calfeutrer les fuites dommageables lorsque l’ambiance s’annonce tendue. Interrogé par Public Sénat dans la foulée, Patrick Kanner, le chef de file des élus PS au sein de la Chambre Haute, a évoqué une refondation autour de trois axes : la « notion de République », la lutte contre les inégalités sociales et la transition écologique.

Rester ou partir ?

Mais en réclamant dans son interview le départ d’Olivier Faure, Jean-Christophe Cambadélis soulève indirectement un autre problème : les critiques envers une direction qui a été accusée de n’avoir apporté qu’un trop timide soutien à la candidate à la présidentielle. De ne pas avoir mené à bien non plus le travail d’inventaire du quinquennat de François Hollande et de reconstruction qu’elle s’était pourtant engagée à mettre en œuvre. « On a encore des choses à digérer sur certaines parties du quinquennat », concède Rémi Cardon, même s’il s’agace de voir « ceux qui n’ont rien fait pendant cinq ans » faire peser toutes les responsabilités sur le député de Seine-et-Marne. « D’autres reprochent que l’inventaire ait été trop fait », soupire Rémi Féraud. « Ce qui est certain, c’est que les socialistes ne sont pas arrivés dans cette élection suffisamment rassemblés et déterminés ».

Les statuts du PS prévoient la tenue d’un congrès six mois après le scrutin présidentiel, au cours duquel la ligne majoritaire, et par extension, le siège de Premier secrétaire, est remise en jeu. Mais certains estiment que les résultats de dimanche dernier ont valeur de couperet. « On ne peut pas faire le pire score de la Cinquième République et invoquer les statuts du parti pour se maintenir », tacle un poids lourd de la gauche parlementaire. « Est-ce que l’actuelle direction a réussi et est encore capable de réussir ? Je pense que la réponse est dans la question. Partir est aussi une manière de montrer qu’on veut changer les choses, qu’il y a une catharsis. » Cet élu appuie sa démonstration en rappelant l’une des pages les plus douloureuses de l’histoire de la gauche : « En 2002, Lionel Jospin a considéré que son départ allait faciliter la poussée d’autre chose. » Sollicité par Public Sénat, le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure, n’a pas souhaité réagir aux propos tenus par Jean-Christophe Cambadélis dans son interview.

Construire des « candidatures de rassemblement » pour les législatives

Il faut dire qu’il est difficile d’imaginer un changement de tête à l’heure où la bataille des législatives va s’engager. « Attention à ne pas rendre plus difficile les législatives en renversant la table », avertit Rémi Féraud. D’autant que le PS peut encore avoir une carte à jouer au niveau local : le parti compte encore 65 sénateurs et 28 députés (en comptant les apparentés). Surtout, il est sorti renforcé des dernières municipales. Il dispose, de fait, d’un maillage territorial dont ne peuvent pas se prévaloir tous les autres partis de gauche. Le PS réunira mardi prochain son conseil national pour faire un point sur les accords pour les législatives. Un comité stratégique de campagne a été mis en place, il compte dans ses rangs, outre Olivier Faure, la présidente de la région Occitanie Carole Delga, la maire de Nantes Johanna Rolland, la cheffe de file des députés Valérie Rabault, et la candidate malheureuse à la présidentielle, Anne Hidalgo.

Pour Rachid Temal, il est important de déterminer « six ou sept points sur lesquels nous allons nous battre », avant de discuter du fond avec d’éventuels partenaires. Il cite les écolos et les communistes. Mais se montre plus réticent lorsqu’on l’interroge sur les insoumis. « Ils sont trop gourmands après leur troisième place au premier tour de la présidentielle », s’agace un élu. « Avec Jean-Luc Mélenchon, c’est : mon programme et rien d’autre ! Et des équilibres qui doivent refléter les scores du premier tour », ajoute cette source.

« Il faut des candidatures de rassemblement, où chacun se respecte sans trop se focaliser sur le score de la présidentielle, car on sait qu’il y a eu une forte dynamique vote utile », abonde Rémi Cardon. Il assure que dans sa circonscription de la Somme, les réunions avec les uns et les autres se passent « sans difficulté ». « Avoir un maximum de députés de gauche, quelle que soit leur sensibilité, permettra aussi de donner une forte visibilité à l’opposition à Emmanuel Macron ». Et puis, ajoute-t-il, « avec Marine Le Pen au second tour, je ne veux pas jouer avec le feu. »

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