Division de la gauche : Valls renvoie une part de responsabilité sur Hollande

Division de la gauche : Valls renvoie une part de responsabilité sur Hollande

Assumer le bilan, jusqu’à un certain point. Manuel Valls et ses soutiens soulignent la responsabilité de François Hollande dans le Pacte de responsabilité, le 49.3 ou la déchéance, sujets au cœur des divisions de la gauche. Manière pour le candidat d’échapper à l’image de diviseur de son camp et de se recentrer.
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Candidat, Manuel Valls est prêt à assumer le bilan du quinquennat. Mais pas celui des divisions de la gauche. Du moins, il n’entend pas porter ce fardeau seul. L’ex-premier ministre répète depuis le premier jour de sa candidature son ambition de rassembler la gauche. Le temps est venu pour la « réconciliation ». Le même avait pourtant parlé des deux gauches parfois irréconciliables.

« Quand je suis devenu premier ministre, la fracturation avait déjà eu lieu »

Pour sortir de cette image de diviseur, Manuel Valls renvoie maintenant la responsabilité sur… François Hollande. Le candidat et ses soutiens font comprendre que le chef de l’Etat a pris sans lui, avant sa nomination, des décisions qui étaient loin de faire l’unanimité au PS et à gauche. Puis nommé à Matignon, rien ne s’est fait sans l’accord du Président.

C’est le message qu’a voulu envoyer mercredi Manuel Valls, devant les journalistes qui découvraient ses nouveaux locaux de campagne. « Quand je suis devenu premier ministre, la fracturation avait déjà eu lieu sur l’Europe, le CICE, le Pacte de responsabilité, annoncé quand je n’étais pas premier ministre », a fait valoir le candidat (voir notre article sur le sujet). Quant à la déchéance de nationalité, dont il défendait le principe, il souligne que « c’est lui (le Président), qui l’a présentée en novembre ». Et « le 49.3, je ne l’ai pas engagé tout seul » a soutenu Manuel Valls… « J’en connais les limites et la brutalité ». Jeudi matin sur France Inter, il est allé plus loin. Il a proposé « de supprimer purement et simplement le 49.3 », « hors textes budgétaires ».

« En 2008, Manuel Valls avait déposé un amendement pour arrêter le recours au 49.3 »

Cette proposition en surprend plus d’un. Lors de la loi travail, Manuel Valls assumait parfaitement l’usage du 49.3. Mais selon le directeur de campagne du candidat, Didier Guillaume, « il a été contraint dans ce quinquennat d’utiliser le 49.3 deux fois, parce que la majorité s’était disloquée. Parce qu’il y avait un empêchement de la part de certains socialistes. Il l’a fait en cohérence et en accord avec le président de la République ». Regardez (images Géraldine Bavoillot) :

Didier Guillaume : "Manuel Valls a utilisé le 49.3 en cohérence et en accord avec le président de la République"
01:01

Pour Didier Guillaume, l’annonce de Manuel Valls est même « une suite logique de ce qu’il pense ». « En 2008, lors de la réforme constitutionnelle, Manuel Valls avait déposé un amendement pour arrêter le recours au 49.3 » à l’exception du budget, ajoute le sénateur. Ce qui est vrai. L’amendement, déposé le 19 mai 2008, était même signé par Arnaud Montebourg – qui propose aujourd’hui encore, comme Benoît Hamon, de supprimer le 49.3 –  mais aussi par Bruno Le Roux, Jean-Jacques Urvoas et André Vallini. « Le 49.3 a beaucoup perturbé notre électorat » reconnaît ce jeudi le nouveau secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement, interrogé par Public Sénat (voir la vidéo).

Manuel Valls doit réussir sa métamorphose en candidat pour espérer l’emporter. Couper avec une part du passé devient nécessaire. « Je demande vraiment qu’on regarde devant. Une élection présidentielle, ce n’est pas uniquement regarder dans le rétroviseur » souligne Didier Guillaume. Le candidat Valls doit trouver l’équilibre entre le bilan, qu’il ne peut pas renier, et la ligne qu’il doit incarner. Le député Philippe Doucet, l’un des porte-paroles de la campagne et fidèle du candidat, est clair sur la position de Manuel Valls :

« ll défend le bilan mais il en fait aussi sa propre lecture. Par exemple, sur l’histoire des hausses d’impôts, ce n’était pas trop sa tasse de thé. Et il était ministre de l’Intérieur, pas premier ministre. Quand il bouge sur les heures supplémentaires, ce sont des discussions qu’on avait déjà eu. Quand vous êtes le premier ministre, vous êtes le premier ministre du président de la République. Vous êtes notamment là pour appliquer la politique du Président ».

« Si François Hollande ne voulait pas de la déchéance, il n’y en aurait pas eu »

« Maintenant, c’est lui tout seul. Ce n’est pas la même histoire » ajoute Philippe Doucet. Le député revient sur l’usage du 49.3 et se souvient : « Au moment de la loi Macron, j’étais dans le salon Delacroix, à l’Assemblée nationale. Les conseillers parlementaires faisaient leur compte et ont vu qu’il manquait 10 voix car il y avait les frondeurs. Est-ce que dans l’intérêt du pays, la loi passe ou pas ? C’était ça le sujet. Quand vous êtes premier ministre, vous faites le job. Et il n’était pas tout seul à prendre la décision, effectivement. Il appelle François Hollande et lui dit, « voilà où on en est ». La clef de voute de institutions, c’est le Président. Si François Hollande lui disait « tu n’utilises pas le 49.3 », il ne le faisait pas ». Il ajoute : « C’est comme l’histoire de la déchéance. François Hollande la revendiquait. Si François Hollande ne voulait pas de la déchéance, il n’y en aurait pas eu ». Le chef de l’Etat l’a regretté depuis.

Autrement dit, il ne faut pas mettre toute la division de la gauche sur le seul dos de Manuel Valls. « Ce n’est pas une volonté de défausse » assure un autre membre de l’équipe de campagne, « c’est institutionnel. Et c’est la réalité de la manière dont ça s’est passé ». Le même élu ajoute que « sur le CICE, le ministre de l’Economie de l’époque (Arnaud Montebourg, ndlr) l’avait défendu, sans avoir un accord politique. C’est pourtant ce qu’il reproche aujourd’hui au candidat Valls. Et les autres candidats sont restés en fonction à l’époque. La responsabilité n’est pas individuelle. Elle est collective ».

« Valls cherche à sauver sa peau et à donner un peu d’air à une candidature qui n’en a pas »

Du côté de chez Arnaud Montebourg, on trouve le nouveau positionnement de Manuel Valls « un peu fort de café ». « C’est la fin de l’année, on est tous très fatigué, je peux comprendre qu’il soit un peu dans un manque de discernement » ironise le sénateur Jérôme Durain, qui soutient le candidat. Le sénateur PS de Saône-et-Loire entend rappeler que « Manuel Valls a une responsabilité particulière. Les gauches irréconciliables, c’est lui. L’usage du 49.3, c’est lui. L’absence de dialogue social sur la loi travail, c’est lui. Tout le monde a quand même observé que la raideur du premier ministre a contribué à envenimer la situation ».

« Son début de campagne n’est pas flamboyant » analyse Jérôme Durain, Manuel Valls « cherche à sauver sa peau. Il cherche à donner un peu d’air à une candidature qui n’en a pas ». Les débats télévisés, où les candidats pourront s’expliquer, s’annoncent sympathiques…

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