Présidentielle : combien coûtent les programmes des candidats ?

Présidentielle : combien coûtent les programmes des candidats ?

Symbole du sérieux des projets présidentiels, la plupart des candidats engagés dans la course à la présidentielle se sont essayés à l’exercice délicat du chiffrage des promesses électorales. Ces présentations du cadrage budgétaire sont devenues un exercice incontournable, des présentations souvent empreintes d’optimisme.
Public Sénat

Par Louis Dubar

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Ils sont douze à concourir pour la magistrature suprême, mais seulement neuf ont estimé le coût de leur programme. Jean Lassalle, Nathalie Arthaud et Philippe Poutou n’ont pour le moment présenté aucun chiffrage des mesures qu’ils défendent.

Éric Zemmour, un programme à 60 milliards d’euros par an

A la Maison de la Chimie le 23 mars, l’ancien éditorialiste a présenté dans le détail son projet présidentiel, un programme orienté autour de trois thématiques centrales : « La reconquête de notre identité, la reconquête prospérité et la reconquête de la fraternité. » Éric Zemmour a budgété ses 400 mesures « concrètes ». Au total, il évalue à 60 milliards d’euros ses dépenses annuelles, dont 28 milliards de baisse des impôts de production et propose de baisser la CSG pour les rémunérations sous le salaire médian.

Le candidat estime que ses réformes permettront de réaliser 65 milliards d’économies. Pour réaliser ces économies, le candidat prévoit de réduire de façon drastique les dépenses de l’Etat de 15 milliards d’euros, de supprimer « les prestations non contributives pour les étrangers extra-européens » (20 milliards), de rogner dans les budgets des collectivités territoriales (15 milliards d’euros) et collecter 5 milliards en provenance de lutte contre la fraude sociale et l’optimisation fiscale. « Après l’élection je veux faire réaliser une étude par la Cour des Comptes et pas le cabinet McKinsey pour voir là où il y a des mesures excessives, bureaucratiques qu’on peut supprimer », a-t-il expliqué.

Marine Le Pen, « un budget à l’équilibre »

Le 23 mars à son siège de campagne, la députée a présenté le cadrage financier de son projet présidentiel. Elle a mis en avant la crédibilité et la faisabilité de ses mesures, évaluées d’après elle par des avis extérieurs. « Les ordres de grandeur sont identiques », précise-t-elle. « Nous avons été plus que raisonnables dans notre approche », précise-t-elle.

Les promesses électorales ont un coût. Pour financer le recrutement de milliers de magistrats, la hausse du minimum vieillesse, l’augmentation des dépenses militaires, la baisse de la TVA sur les carburants, la modification de la fiscalité patrimoniale ; la candidate promet de nouvelles recettes, une enveloppe totale de 68,3 milliards d’euros par an. « La réduction drastique de l’immigration » permettrait selon la candidate « d’économiser 18 milliards d’euros. » La députée promet d’intensifier « la lutte contre les fraudes », une action centralisée au sein d’un ministère dédié. « D’après les estimations basses du Sénat », cette lutte contre les fraudes sociale et fiscale pourrait rapporter à l’Etat 15 milliards d’euros. Si elle est élue présidente, Marine Le Pen demanderait un effort financier aux 1 200 agences, opérateurs d’Etat et organismes publics : « un effort de 10 % d’économies sur les budgets, un effort raisonnable », selon elle. « Je reste persuadée que ce que l’on va découvrir comme sources d’économies en arrivant au pouvoir, est colossal […] Les récents travaux du Sénat sur les cabinets de conseils me poussent à penser qu’il y a beaucoup de gaspillages d’argent public. » La France présidée par Marine Le Pen, réduira sa contribution de 5 milliards d’euros au budget de l’Union Européenne. « L’UE n’a jamais aidé financièrement la France lors de son opération militaire dans la bande Sahélo-Saharienne alors même que c’est l’Europe entière qu’elle protège. »

Le second levier budgétaire s’articulera autour d’un Fonds souverain Français (FSF) permettant de « donner une impulsion macroéconomique keynésienne », un fonds pour « les Français qui souhaiteraient devenir les actionnaires de la maison France. » Les ménages pourraient voir augmenter leur épargne et l’Etat pourrait amasser plusieurs centaines de milliards d’euros sur le quinquennat. La candidate s’est également engagée à réduire la dette française, sans toutefois préciser les contours d’une politique de désendettement.

 

Nicolas Dupont-Aignan, « récompenser le travail et relancer le pouvoir d’achat »

Le candidat de Debout la France promet « un cercle vertueux » qui augmenterait « durablement la croissance et l’emploi, donc les recettes de l’Etat. » Le député de l’Essonne promet 105 milliards d’euros d’économies et de recettes nouvelles dans les caisses de l’Etat. Les économies principales proviendraient de la lutte contre les fraudes à la sécurité sociale (18 milliards d’euros par an), une réduction de la contribution de la France à l’Union européenne (8 milliards) et le « redéploiement de 150 000 fonctionnaires partant à la retraite » (7,5 milliards). Le candidat souhaiterait récolter de nouvelles recettes et mise sur la lutte contre la fraude fiscale et la fraude à la TVA (35,37 milliards en moyenne par an), les autres recettes supplémentaires seraient assurées par de nouvelles cotisations sociales (15 milliards). Le candidat mise sur une relance de l’activité économique et une croissance du PIB. Selon cette hypothèse, l’Etat récupérait 32,6 milliards d’euros par an en moyenne.

Nicolas Dupont-Aignan s’engage à dépenser autant pour « récompenser le travail et relancer le pouvoir d’achat » (30 milliards). Pour atteindre cet objectif, le candidat souhaite « baisser les charges sociales salariales pour augmenter les salaires », une dépense de 10 milliards d’euros par an pour l’Etat. Second axe de ces nouvelles mesures, la promesse d’investir 25 milliards d’euros par an pour « relocaliser les emplois et investir. » Le député s’engage à diminuer les impôts et « les charges pour les entreprises qui produisent en France » (15 milliards d’euros). La promesse de Nicolas Dupont-Aignan de « reconstruire » les services publics est la plus onéreuse puisque la budgétisation de son projet prévoit 33 milliards d’euros par an. Les principaux postes budgétaires concernent la famille (5 milliards), la santé (10 milliards) et une revalorisation des salaires des enseignants et des professeurs, un effort de 4 milliards d’euros par an. Enfin, Nicolas Dupont-Aignan souhaite entreprendre « la reconstruction de l’Etat Régalien et la justice. » Il prévoit dans le chiffrage de ses dépenses, 13,3 milliards d’euros de dépenses pour « renforcer les ministères de l’Intérieur et de la Justice » et porter le budget de la Défense à 2,5 % du PIB.

 

Valérie Pécresse, sérieux budgétaire et économies massives

La rigueur budgétaire, c’est le point cardinal de la présidente région Ile-de-France qui promet de réaliser 84 milliards d’euros d’économies dans les caisses de l’Etat par an d’ici 2027. Le 13 mars, la candidate LR dévoile un programme, « pour une France plus forte, plus juste, plus libre. » L’ancienne ministre budgète à 42 milliards d’euros les dépenses et baisses d’impôts envisagées dans son projet. Elle promet également de redresser les finances publiques en utilisant cet excédent budgétaire pour atteindre les « 3 % du déficit d’ici 2027. […] La maitrise de la dette, nous le devons pour les générations futures. »

« C’est un programme de rupture, de reconstruction et il faudra le faire ensemble pour construire une France plus forte, plus juste et plus libre. » Au cœur des mesures de la candidate de droite, la réforme des retraites à 65 ans, la réforme de l’Etat « avec 200 000 postes de fonctionnaires en moins » (une économie estimée à 9 milliards d’euros) par le non-remplacement d’un départ sur trois à la retraite, une baisse des impôts de production de 10 milliards d’euros. Valérie Pécresse propose de s’appuyer sur de nouvelles recettes pour financer l’action de l’Etat. Elle souhaite intensifier les luttes contre les fraudes fiscales et sociales. La suppression des aides inefficaces aux entreprises permettrait d’économiser selon Valérie Pécresse, 15 milliards d’euros par an.

 

Emmanuel Macron, 50 milliards d’euros de dépenses compensées par l’activité économique, l’optimisation et une baisse « du coût de fonctionnement » des collectivités.

A Aubervilliers lors d’une longue conférence de presse le 17 mars 2022, le président candidat a présenté aux journalistes son projet présidentiel, « un effort budgétaire de 50 milliards d’euros par an d’ici 2027. » Emmanuel Maron projette de nouvelles dépenses réparties entre investissements d’avenir en matière de transition écologique, d’éducation ou de santé. Sur ces 50 milliards d’euros de dépenses nouvelles, le président annonce 15 milliards d’euros de réduction d’impôts « moitié ménages, moitié entreprises. » Le candidat promet de baisser des charges pour les indépendants, de tripler la « prime Macron », de supprimer la redevance audiovisuelle et la CVAE pour les entreprises. Il souhaite prolonger son engagement pris lors de la précédente campagne présidentielle « de soutenir le pouvoir d’achat » des Français. A l’époque, le candidat promettait une baisse des prélèvements de 32 milliards d’euros. « J’ai mis en œuvre l’ensemble des baisses d’impôts conformément aux engagements pris en 2017. J’ai ajouté à ces baisses d’impôts celles qui ont émergé du grand débat et de la crise des gilets jaunes. »

A la question, comment compte-t-il financer ces nouvelles dépenses ? Le candidat répond par le triptyque budgétaire suivant : activité économique, optimisation et baisse des coûts de fonctionnement de l’Etat. « Je veux à la fois financer ces mesures et garder nos ancres de finances publiques. C’est la trajectoire qui a été présentée et sur laquelle nous sommes engagés. Cette projection vise à rembourser la dette à partir de 2026 et repasser sous le seuil des 3 % en 2027 », précise-t-il. 15 milliards de recettes nouvelles issues « de l’activité économique et de la croissance » financeraient une partie de cet effort budgétaire. « J’y affecte également les gains par la réforme des retraites et les gains par la réforme chômage. » Le candidat prévoit de dégager une nouvelle enveloppe de 15 milliards d’euros grâce à des « réformes de fond et des simplifications. » Emmanuel Macron cite plusieurs exemples : « La e-carte vitale, la e-prescription, la régulation des prestations sociales, la facturation électronique et la lutte contre la fraude et l’optimisation. » Pour compléter son montage budgétaire à 50 milliards, le président s’engage à une réduction budgétaire de 20 milliards des coûts de fonctionnement de « l’ensemble des collectivités publiques. »

 

Anne Hidalgo, « un programme complet, équilibré et financé »

Le 13 janvier 2022, la maire de Paris a budgété à 50 milliards d’euros les 70 propositions de son programme. Pouvoir d’achat et transition écologique sont les deux axes de sa candidature. Anne Hidalgo promet une hausse 15 % du Smic, équivalent à une augmentation de 200 euros net du salaire minimum et une revalorisation du salaire des enseignants. Pour faire face au changement climatique, elle souhaite multiplier les projets en recourant à « une planification écologique. » L’Ecologie compterait pour 15 milliards d’euros de dépenses nouvelles. 14 milliards seraient consacrés à l’éducation et à la jeunesse et 14 autres milliards pour les « nouvelles sécurités sociales. »

« Ce programme est complet, c’est un projet équilibré et financé », assure Anne Hidalgo qui propose de multiplier les recettes de l’Etat. Pour atteindre l’équilibre, la candidate socialiste propose de créer un Impôt de Solidarité sur la Fortune Climat et Biodiversité qui rapporterait 5 milliards d’euros par an. La candidate promet une plus grosse taxation sur les grosses successions, une mesure devant rapporter 8 milliards d’euros, un projet de loi imposera aux banques et aux assurances, « une pénalité sur l’investissement dans les énergies fossiles » pour 6 milliards. La candidate compte s’appuyer sur les recettes liées à un éventuel surplus de 10 milliards d’euros. La lutte contre la fraude fiscale devrait rapporter 6 milliards d’euros. La socialiste propose également une réorientation des fonds européens du plan de relance pour 5 milliards. Toujours dans cette logique de fiscalité verte, Anne Hidalgo prévoit de réduire de 10 milliards d’euros les « dépenses néfastes à l’environnement. »

Yannick Jadot, fiscalité verte et financement de la transition écologique

Pour financer la transition écologique et ses 120 propositions présentées le 2 février, Yannick Jadot mise comme Anne Hidalgo sur la fiscalité verte. Interrogé par les journalistes de Contexte sur la budgétisation de son programme, Yannick Jadot évalue à 56 milliards d’euros de recettes les mesures de son projet. Il envisage la création d’un ISF climatique (15 milliards), un conditionnement des aides publiques aux entreprises à des objectifs écologiques (18 milliards) un renforcement des droits de succession (8 milliards), la lutte contre l’évasion fiscale (10 milliards) et le rétablissement des impôts de production qui permettrait selon le candidat de récupérer 10 milliards d’euros par an.

Du côté des dépenses, le candidat écologiste n’a pas établi une estimation précise. La fondation iFRAP pour le Figaro Magazine estime à 87,5 milliards d’euros par an les besoins budgétaires esquissés par le candidat dans son programme. La « réparation du service public » est estimée à 22 milliards de dépenses par an tandis que l’Etat investirait chaque année 25 milliards d’euros pour réaliser la transition écologique. Mesure phare du programme du candidat EELV, l’instauration d’un revenu citoyen dès 18 ans est évaluée à 20 milliards d’euros par an.

Jean-Luc Mélenchon, 250 milliards d’euros de dépenses nouvelles pour instaurer un « cercle vertueux »

Le 12 mars, le candidat de l’Union Populaire présentait sur YouTube une émission spéciale sur le chiffrage de son projet présidentiel. Jean-Luc Mélenchon promet de « gouverner par les besoins » et de mettre fin aux politiques d’austérité mises en place au cours des derniers quinquennats. « On gouverne à partir de la demande », martèle-t-il. Pour répondre « aux besoins » de la population et faire face aux défis socio-économiques et climatiques à venir, le candidat propose 250 milliards d’euros de dépenses supplémentaires par an. 50 milliards d’euros seront destinés à « la bifurcation écologique », 75 milliards d’euros aux renforcements des services publics avec la création d’un million d’emplois et un dernier volet de dépenses (125 milliards) aux « aides, subventions et redistribution de richesse » de toute sorte.

Le candidat d’extrême gauche estime que ces investissements d’avenir alimenteront la « consommation populaire. » Cette consommation créera de nouvelles richesses et permettra à l’Etat de collecter de nouvelles recettes. L’Union Populaire estime à 267 milliards d’euros les recettes tirées de ce « cercle vertueux » budgétaire. Le projet présidentiel de l’Insoumis envisage une « révolution fiscale » : Imposition à 100 % des héritages au-dessus de 12 millions d’euros, impôt sur le revenu à 14 tranches, cotisations supplémentaires de la Sécurité Sociale et une taxe sur les entreprises ne respectant pas l’égalité homme-femme.

Fabien Roussel, le projet le plus dépensier

« Je dis basta aux réformes punitives, je veux des réformes heureuses », déclare le candidat communiste Fabien Roussel sur les ondes de France Inter le 15 février. Le programme de la France des jours heureux est ambitieux : Recrutement de 500 000 fonctionnaires, augmentation du smic à 1500 euros net par mois, retour à la retraite à 60 ans, loi de programmation pour la rénovation des logements, baisse de la TVA, augmentation du budget de l’Education nationale pour atteindre 80 milliards d’euros, plan de développement des services publics, plan de 140 milliards en faveur de la transition écologique… La Fondation iFRAP pour le Figaro Magazine a estimé les dépenses du programme de Fabien Roussel à 287 milliards d’euros par an.

Selon le candidat communiste, l’Etat ne sera pas le seul acteur à financer les mesures du programme de la France des jours heureux, les entreprises débourseront l’équivalent de 100 milliards pour augmenter les salaires. « Il faut regarder ce qu’il se passe dans l’ensemble de l’économie et pas uniquement dans le tableau des finances publiques », précise-t-il. Nouvelle fiscalité, réorientation des dépenses publiques et mutualisation des dépenses par les cotisations sociales seront les principaux outils de financement du budget de l’Etat. Le candidat propose de supprimer les exonérations sociales et fiscales, de rétablir et de tripler l’Impôt sur la fortune, de « rétablir la justice fiscale, un impôt plus léger pour les petits et plus lourd pour les plus gros », avait déclaré le candidat le 6 février à Marseille en proposant un impôt sur le revenu, progressif porté à 15 tranches. Le communiste souhaite la création « d’un pôle financier public » constitué à la suite des nationalisations des grandes banques et compagnies d’assurances privées. « L’argent est là et nous irons le chercher ».

 

 

 

 

 

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