Elections régionales en Normandie : Hervé Morin espère un second ticket face à une opposition morcelée

Elections régionales en Normandie : Hervé Morin espère un second ticket face à une opposition morcelée

Dans une campagne grevée par la pandémie Hervé Morin bénéficie d’une bonne notoriété. Face à lui, 6 listes et une gauche qui n’a pas réussi à se rassembler. Il pourrait en profiter mais le RN, en embuscade, compte bien se placer en très bonne position dès le premier tour.
Public Sénat

Par Audrey Vuétaz

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Écran géant, équipes de production, chauffeur de salle et musique d’introduction. L’endroit à des airs de gala de boxe. Soudain, Hervé Morin apparaît, scruté par une caméra et il se dirige sur scène pour commencer son meeting. Il en fait un tous les soirs, à chaque fois dans une ville différente, malgré la pandémie. Mais ce jour-là, au milieu d’une verrerie industrielle, le candidat de la droite et du centre ne s’adresse en réalité qu’à une poignée de personnes physiques, moins de 10, gestes barrières obligent. Et elles sont toutes espacées de plus d’un mètre. La majorité du public est, en fait, en ligne, car ce meeting est retransmis sur la page Facebook du candidat.

« C’est très dur, je suis assez malheureux », nous confie Hervé Morin. « En plus je suis quelqu’un qui aime le contact avec les gens, j’aime échanger. Faire un meeting devant une caméra et quelques personnes, convenons-en, ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile et ce n’est pas un exercice dans lequel j’excelle. Mais bon, je me dis que nous sommes tous logés à la même enseigne. »

« Climat politique délétère »

Il a tout de même un avantage, un bilan, qu’il vient défendre ce soir-là. « S’il y a quelque chose sur lequel on ne peut me faire aucune critique, c’est bien le soutien aux entreprises. » D’ailleurs, ce meeting chez Riou Glass, ne doit rien au hasard. L’entreprise a été soutenue par la Région, et le PDG du groupe lui en est particulièrement reconnaissant. C’est aussi là qu’Hervé Morin avait lancé sa campagne victorieuse en 2015. Cette année, il fait la course en tête, un sondage IFOP* le crédite de 31 % des voix au premier tour. Mais Hervé Morin refuse de dire que les choses sont jouées d’avance, ou qu’il bénéficierait d’une prime au sortant, dans une campagne qui peine à se lancer en Normandie. « Je ne me sens pas du tout à l’abri. Le climat politique en France est tellement délétère qu’il y a de fortes chances pour que les électeurs votent massivement pour le Rassemblement national. La situation en Région Paca nous a fait du mal aussi. Mais moi je peux l’assurer, nous garderons la même liste au premier et au second tour, sans alliance avec la majorité. »

La gauche désunie

Face à lui, une opposition façon puzzle. La gauche, avec laquelle il n’avait que 5000 voix d’écart en 2015, n’a pas réussi à se rassembler. Impossible de se mettre d’accord sur la question du nucléaire notamment. Mélanie Boulanger, porte donc avec Laëtitia Sanchez une liste PS-Pôle écologistes sans le PCF et la France Insoumise menés par le député communiste Sébastien Jumel. « Bien sûr que j’aurais aimé une union beaucoup plus large au premier tour, mais nous réussissons tout de même une alliance avec deux gros morceaux du puzzle ce qui n’est pas le cas dans beaucoup d’autres régions. Pourtant les Français attendent une union de la gauche », déplore Mélanie Boulanger. La maire PS de Canteleu, près de Rouen, connaît ses défauts. Elle manque de notoriété. Alors elle multiplie les déplacements, pour présenter et expliquer ses projets pour la Région. Cette fois-ci, elle s’invite dans une mission locale à Barentin, pour parler aux jeunes. Elle en a l’habitude puisqu’elle est vice-Présidente en charge de la Jeunesse à la Métropole Rouen Normandie.

Voici sa première idée qui passe l’épreuve du feu. « Et si le train était gratuit pour les jeunes de 18 à 25 ans dans la Région ? Pas uniquement pour le travail mais aussi pour pouvoir partir en vacances ? » Evidemment la mesure fait sensation dans cette ville située à dix-huit minutes de Rouen où le permis de conduire est indispensable. Mais chez les jeunes interrogés, personne ne connaît la candidate et beaucoup admettent qu’ils ne savent pas ce qu’il se joue aux élections régionales. Pourtant Mélanie Boulanger continue d’aller chercher ses électeurs un à un. « Évidemment que j’ai un déficit de notoriété, je n’étais pas candidate en 2015, ni en 2010 ni en 2005 alors que certains de mes opposants ont pris part aux trois élections. Mais j’ai de l’expérience, des idées et de la motivation. Je crois à la prime aux idées. »

« Certifié conforme à l’original ! »

Lui aussi essaye de se faire connaître. Laurent Bonnaterre, candidat sans étiquette mais il rappelle qu’il est soutenu par la majorité présidentielle. Ce jour-là, il est en opération tractage sur le marché de Villedieu-les-Poêles. « Oui c’est moi sur la photo du trac ! » dit-il à un premier passant, « Je suis candidat ! » à un autre, « Certifié conforme à l’original » lance-t-il enfin à un couple qui accepte son document. Laurent Bonnaterre pourrait bien être le caillou LREM dans la chaussure d’Hervé Morin au centre puisqu’il est crédité de 13 % des intentions de vote. Lorsqu’on lui demande ce qu’il ferait de mieux que l’actuel président il répond, « pas mieux, mais différemment. Si je suis élu, je travaillerai en lien avec le gouvernement. Je ne m’opposerai pas par principe, la Région n’est pas un piédestal pour exister dans le jeu politique national. » Mais le maire de Caudebec-lès-Elbeuf, doit lui aussi faire face à une candidature dissidente. A la surprise générale, Stéphanie Kerbarh députée LREM s’est aussi lancée dans la bataille en Normandie. Elle vient d’ailleurs d’être exclue du parti pour cela. Mais Laurent Bonnaterre croit en ses chances. « Nous faisons ce que nous disons et nous disons ce que nous faisons. J’ai promis du renouvellement et ce sera le cas, personne sur la liste n’exerce de mandat national, tout le monde se concentre sur la région. » De quoi comprendre en filigrane, l’absence de Stéphanie Kerbarh sur sa liste, et les raisons de sa dissidence.

Barbecue avec les chasseurs

Des divisions qui pourraient bien faire les affaires du Rassemblement national, en embuscade en seconde position dans les sondages. Pour glaner de nouvelles voix, faute de meeting, Nicolas Bay n’hésite pas à nationaliser les enjeux de ce scrutin local. Sur le marché de Buchy, il répond volontiers aux passants qui l’interpellent sur Marine Le Pen. « C’est la candidate qui a le plus de chance de battre Emmanuel Macron au second tour. Et puis il faut plus de sécurité dans les campagnes comme ici. » Et lorsqu’on lui rappelle que la sécurité n’est pas une compétence de la région : « Et alors, la distribution de masques non plus et pourtant les régions l’ont fait l’année dernière. Alors la région doit s’emparer de la question de la sécurité et puis quand on parle de la sécurité il y a aussi celle dans les lycées et dans les trains qui font partie de ses compétences. » Mais pas le temps de traîner, Nicolas Bay a maintenant rendez-vous pour un barbecue avec les chasseurs. Ils sont 70000 dans la région, autant de voix potentielles. Devant eux, Nicolas Bay se présente en défenseur de la ruralité, certifiant avec force que le Rassemblement National n’a jamais été contre la chasse, et qu’il envisage même de passer son permis prochainement. Mais l’exercice de conviction est difficile : en mars dernier Marine Le Pen avait pourtant annoncé qu’elle était contre la chasse à courre. En Normandie, sur les 7 listes déposées, 4 ont toutes les chances de se hisser au second tour. Certains pensent déjà à d’éventuelles alliances après le premier scrutin, mais Hervé Morin a déjà prévenu. Sa liste restera identique entre le premier et le second tour.

*sondage Ifop pour La Tribune et Europe 1 réalisé du 8 au 14 avril auprès d’un échantillon de 905 personnes inscrites sur les listes électorales

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