Régionales : après le revers de la majorité présidentielle, Emmanuel Macron ne changera pas de Premier ministre

Régionales : après le revers de la majorité présidentielle, Emmanuel Macron ne changera pas de Premier ministre

Dimanche 27 juin, les candidats macronistes ont majoritairement été balayés lors du second tour des élections régionales et départementales. Un an avant la présidentielle, l’exécutif veut absolument décorréler ce scrutin des enjeux nationaux, mais ne peut fermer les yeux sur l’absence d’ancrage du mouvement présidentiel, qui ne parvient pas à poursuivre la « recomposition politique ». Dans un entretien à Elle publié ce lundi soir, Emmanuel Macron affirme qu’il ne « changera pas de Premier ministre », malgré les résultats.
Public Sénat

Par Pierre Maurer

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C’est le résultat des perdants. Dimanche soir, le mouvement présidentiel LREM n’a recueilli qu’environ 7 % des suffrages au second tour des élections régionales au niveau national. Avant eux, d’autres comme le socialiste Benoît Hamon à la présidentielle ou le LR François-Xavier Bellamy aux européennes avaient été raillés pour avoir réalisé des scores comparables. Cette fois, le parti d’Emmanuel Macron est définitivement dans le dur, après des municipales et un premier tour des élections régionales, qui avaient déjà confirmé l’absence d’ancrage territorial du parti. Soucieux de ne pas lier présidentielle et régionales, l’exécutif se tait face aux résultats calamiteux.

Des poids lourds balayés

Alors même que le chef de l’Etat a envoyé de nombreux ministres au front, que les poids lourds macronistes se sont mobilisés dans leurs régions, tous ont été balayés. Le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, dans le Finistère ? Le macroniste de la première heure et proche d’Emmanuel Macron n’obtient même pas de siège. En Bretagne toujours, la tête de liste LREM, Thierry Burlot, qui a enregistré 14,75 % des voix n’entrera même pas au Conseil régional ! En cinquième position dans les Côtes-d’Armor, il n’est pas élu. L’ancien ministre d’Etat, François de Rugy ? L’ex président de l’Assemblée nationale a réalisé le plus petit score de la majorité présidentielle toutes régions confondues, en ne récoltant que 8,20 % des votes dans les Pays de la Loire. Mais l’échec le plus cuisant reste peut-être celui du ministre Modem Marc Fesneau en Centre-Val de Loire. Plus bel espoir de la majorité avant le premier tour, il termine dernier le soir du second tour avec 16 % des voix. Ailleurs, ce n’est toujours pas mieux. Dans le Grand-Est, la ministre Brigitte Klinkert récolte 12,17 % des voix ; en Bourgogne-Franche-Comté, Denis Thuriot n’atteint même pas les 10 %, après avoir échoué à jouer le rôle de faiseur de roi.

Seul le Guadeloupéen Ary Chalus est reconduit dans sa région avec 72,4 % des voix. L’exécutif peut aussi toujours se targuer de l’alliance avec le LR Renaud Muselier en Paca, réélu largement face au RN. « C’est l’accord que Renaud Muselier, Christian Estrosi et Hubert Falco ont passé avec la majorité présidentielle, qui permet que cette magnifique région PACA ne soit pas gouvernée par le RN. Nous nous en réjouissons. Le parti LR n’a pas été responsable », n’a pas manqué de se féliciter Thierry Solère, dynamiteur en chef de la droite et conseiller politique du président de la République. Au regard des résultats nationaux, cela reste tout de même une maigre consolation.

Les départementales n’inversent pas la tendance, mais offrent quelques motifs de satisfecit. Le ministre Sébastien Lecornu est réélu dans son canton de Vernon, tout comme Gérald Darmanin dans son canton de Tourcoing. La ministre chargée de l’autonomie, Brigitte Bourguignon, s’est quant à elle imposée dans le canton de Desvres (Pas-de-Calais). Mais plus symbolique, le canton de Jean Castex dans les Pyrénées-Orientales a basculé à gauche. Le premier ministre s’était pourtant très investi dans les élections régionales et départementales, multipliant les déplacements. Ce que ne manque pas de moquer le sénateur socialiste Rachid Temal : « Quand même l’ancien canton du Premier ministre Jean Castex, bascule à gauche… C’est le summum de l’échec pour le pouvoir en place. »

Un « avant-goût de fin de règne »

Au Sénat les élus macronistes se gardent bien de commenter la déroute. Leur président de groupe, François Patriat l’a appris à ses dépens. La semaine dernière, après les mauvais résultats du premier tour, le fidèle du chef de l’Etat avait tapé sur le mouvement présidentiel, « trop dans le virtuel, trop dans l’entre-soi », un parti de « cliqueurs ». Dans la foulée, il s’était fait remonter les bretelles par certains dans son propre camp. Seul le sénateur RDPI (LREM) de Paris, Julien Bargeton, se réjouit de faire son entrée au Conseil régional en Ile-de-France. La tête de liste LREM dans la région, Laurent Saint-Martin est pourtant bon dernier avec le petit score de 9,62 %, après avoir largement fait campagne sur le nom d’Emmanuel Macron et enregistré le soutien de plusieurs ministres. « Le score, honorable, même si nous souhaitons faire plus, nous donne 15 élus à la région », fait valoir Julien Bargeton.

En face, les oppositions s’en donnent à cœur joie. Pour le président LR du Sénat, Gérard Larcher, le scrutin n’est rien d’autre qu’un « rendez-vous manqué avec les territoires pour LREM. C’est l’échec d’un ‘en même temps mortifère pour la démocratie’ ». Le président des sénateurs socialistes, Patrick Kanner veut y voir de bons augures pour la présidentielle à gauche. « Les résultats réfutent le duel annoncé entre Macron et Le Pen. La gauche et les écologistes étaient réunis dans 70 % des départements. Gageons que cela serve d’exemple pour 2022 », espère-t-il. Tout comme la sénatrice socialiste des Français établis hors de France, Hélène Conway-Mouret. « L’inéluctable duel Macron/Le Pen, c’est fini. LREM n’est pas un rempart contre le RN », observe-t-elle, soulignant que ces « élections ont un avant-goût de fin de règne ».

« Je ne vais pas changer de Premier ministre »

Hier soir, les macronistes ont donc fait l’autruche. Silence radio à l’Elysée et Matignon. Le patron de LREM très critiqué ces dernières semaines, Stanislas Guerini, a consenti à évoquer une « déception pour la majorité présidentielle » sur BFMTV. Mais il a salué dans la foulée « un rôle responsable de la majorité présidentielle » dans l’échec du RN. Contre-feu tout trouvé. Les macronistes l’ont répété à longueur de plateau toute la soirée. « Nous sommes un jeune parti en train de nous implanter, nous n’avions pas d’élus sortants », a cru bon d’ajouter la ministre Marlène Schiappa. Peu ou prou la même chose pour Marc Fesneau. « Les Français ne pensent pas à 2022, sinon il n’y aurait pas eu autant d’abstention ce soir », a enchéri la ministre de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, sur BFMTV.

Comme souvent, il fallait tendre l’oreille du côté du Modem, allié de LREM, pour percevoir une critique. C’est « un coup de semonce très important pour la majorité », a cinglé le président du parti centriste et proche d’Emmanuel Macron, François Bayrou. De longue date, le Béarnais est favorable à la mise en place de mesures pour faire face à l’abstention. Reste que ces maigres résultats ne font pas les affaires de Stanislas Guerini. Le bureau exécutif du mouvement doit renouveler la moitié de ses membres le 21 juillet prochain, et le délégué général pourrait en faire les frais. Pour 2022, l’exécutif travaille toujours à mettre en place un mouvement capable d’accompagner une nouvelle fois Emmanuel Macron jusqu’à l’Elysée. « Une maison commune » avec les partis alliés a longtemps été évoquée, sans réel succès. « Je pense que ce n’est pas En Marche qui accompagnera le président de la République à la présidentielle, ce sera bien au-delà », distillait la semaine dernière à Public Sénat François Patriat. Comprendre : « Il faut un mouvement de la majorité présidentielle en agrégeant le Modem, Agir, Territoires de progrès… » Édouard Philippe, retourné à sa mairie du Havre, pourrait avoir son rôle à jouer pour continuer de « faire travailler la poutre ». Encore faut-il que ses ambitions personnelles n’entrent pas en contradiction avec celles d’Emmanuel Macron. Du reste, au sein du gouvernement, un remaniement est écarté, mais des « retouches » devraient être apportées. « Je ne vais pas changer de Premier ministre. Les élections locales n’appellent pas de conséquences nationales, et donc pas de changement de Premier ministre dans les prochains mois, ou semaines », a confirmé Emmanuel Macron ce lundi dans une interview à Elle.

Emmanuel Macron : « Les gens n’avaient pas du tout la tête à cela »

En déplacement à Douai ce lundi matin, Emmanuel Macron a croisé la route de… Xavier Bertrand. Le président des Hauts-de-France largement réélu et adversaire pour 2022 n’a pu s’empêcher de lui lancer, dans un drôle de face-à-face : « C’est important qu’on ait réussi à faire reculer autant le FN… » « C’est important, ça montre que quand on s’investit, on y arrive », lui a répondu le chef de l’Etat. « L’abstention par contre… », a relancé Bertrand. « Elle dit beaucoup de choses, on va tous en tirer des enseignements », a approuvé le président de la République. À Elle, Emmanuel Macron a développé son analyse du phénomène : « L’abstention n’est pas une fatalité. La seule élection dans laquelle je me suis engagé depuis que je suis président, c’est l’élection européenne. Or jamais on n’a autant voté pour ce scrutin. Le combat était clair, les gens comprenaient pourquoi on se battait. Ici, la première explication, c’est le Covid-19. Ces élections sont arrivées à un moment où ce n’était pas le rythme du pays. Mon rôle était de faire en sorte qu’il y ait un consensus politique sur la date de ce scrutin, et en aucun cas donner le sentiment que je manipulais le calendrier électoral. Force est de constater que les gens n’avaient pas du tout la tête à cela. » Jean Castex a quant à lui affirmé lundi qu’il prenait la situation - l’abstention record - « tout à fait au sérieux ». Elle a atteint dimanche environ 66 %. Jean Castex devrait faire un point du scrutin lundi soir et mardi matin avec la majorité. La mobilisation, un autre échec pour LREM.

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