Emmanuel Macron réélu Président : une victoire historique et une grande responsabilité pour réconcilier les Français

Emmanuel Macron réélu Président : une victoire historique et une grande responsabilité pour réconcilier les Français

Réélu avec 58,8 % des voix selon notre sondage Ipsos-Sopra Steria, le Président-candidat remporte l’élection présidentielle face à Marine Le Pen, au terme d’une campagne qui laisse un goût d’inachevé et où l’extrême droite n’a jamais été aussi forte. Face à un pays divisé, Emmanuel Macron devra réussir à réconcilier les Français, en se montrant plus à l’écoute, tout en cherchant à mener à bien ses réformes.
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C’est une victoire historique. Emmanuel Macron est réélu président de la République, avec 58,8 % des voix, contre 41,2 % pour Marine Le Pen selon notre sondage Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, France24/RFI/MCD, Public Sénat/LCP Assemblée Nationale et Le Parisien-Aujourd’hui en France. Le candidat est le premier Président de la Ve République à être réélu, après un premier mandat, hors cohabitation. Aucun autre chef de l’Etat n’avait réussi avant lui, à faire mentir la maxime selon laquelle les Français sortent le sortant.

Une victoire obtenue sur les cendres des partis traditionnels et contre une extrême droite au plus haut

Une victoire obtenue à nouveau face à l’extrême droite. Mais pour Emmanuel Macron, qui avait fixé pour objectif au soir de sa victoire de 2017 de faire reculer l’extrême droite, c’est une victoire au goût amer. Elle n’a jamais été aussi forte dans le pays, qui paraît plus que jamais divisé entre deux France. Le chef de l’Etat devra réussir à réconcilier les Français en trouvant la voie d’une société plus apaisée, bien que sa personne et ce qu’il incarne aient contribué au climat de tension.

Emmanuel Macron avait réussi à faire turbuler le système en 2017, en dépassant l’opposition entre PS et LR, parfois factice sur les sujets économiques et européens, au nom d’un « en même temps » disruptif. Cette nouvelle victoire, le candidat d’En Marche l’obtient sur les cendres des deux partis de gouvernement, relégués au rang de figurants, poussant à son terme la recomposition de la vie politique. Mais à quel prix ? L’opposition dite classique est balayée, ouvrant déjà la voie à l’incertitude pour l’élection de 2027 – la Constitution limitant à deux mandats successifs la fonction présidentielle – à moins que le clivage gauche/droite face à cette occasion son grand retour.

Un quinquennat de crises et une politique marquée à droite pendant 5 ans

Un clivage qui n’a pas totalement disparu, au fond, depuis 5 ans. Celui qui vantait le « nouveau monde » de la « start-up nation » contre « l’ancien monde », a pratiqué durant son quinquennat une politique souvent qualifiée de droite. Sur le plan économique – réforme du marché du travail, de l’assurance chômage, réforme avortée des retraites, celle de la SNCF – son action ne ferait pas rougir les LR. Sans parler de la suppression de l’ISF, qui lui a valu l’image de « Président des riches » en début de quinquennat. Sur le plan des libertés publiques, les décisions ou textes de loi ont souvent été critiquées. Beaucoup ont estimé qu’elles ont été mises à mal. La loi sur la sécurité globale a entretenu cette image, alors que les violences policières ont marqué aussi le quinquennat. Mais le chef de l’Etat a montré « en même temps » une autre facette plus sociale, en dédoublant les classes en zones d’éducation prioritaire, ou par des réformes sociétales comme la PMA pour toutes les femmes et le doublement du congé paternité.

Le premier quinquennat Macron aura aussi été un quinquennat de crises : crise au cœur du pouvoir, avec l’affaire Benalla, qui suspend une réforme constitutionnelle déjà mal engagée, qui finira par un échec avec le Sénat. Crise des gilets jaunes, où une colère profonde et diffuse s’exprime dans la rue et sur les ronds poids. Crise du covid-19, avec une France à l’arrêt et confinée. Malgré le raté des masques, une gestion parfois hasardeuse, la polémique sur le passe sanitaire et 142.000 morts, les Français ne lui en font pas grief. Crise internationale enfin, avec la guerre en Ukraine et le retour du tragique sur le continent européen.

Emmanuel Macron donne l’impression d’entrer en campagne à reculons

Son entrée en campagne tardive a donné quelques sueurs froides à ses équipes. D’abord théorisée, car lui permettant de moins s’exposer en rentrant dans la bataille tardivement, cette non-campagne, cette drôle de campagne, a failli lui jouer des tours. Rattrapé par la guerre en Ukraine, « l’effet drapeau » l’a d’abord aidé, créant une illusion sondagière. Mais on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment, et Emmanuel Macron a pu le vérifier. Il voit ses intentions de vote fondre à partir de la présentation de son projet, marqué à droite avec la retraite à 65 ans, le RSA conditionné et les profs augmentés en échange d’heures de remplacement. Dans un mouvement inverse, celles de Marine Le Pen montent au point que les courbes se rapprochent dangereusement. La possibilité de sa victoire sur le fil commence à être envisagée. Cinq jours avant le premier tour, un proche d’Emmanuel Macron confie cette anecdote : « Un préfet m’a fait une analogie avec le match de foot France-Suisse, en juin dernier, à l’Euro. On était champion du monde, et on se fait éliminer par la Suisse aux tirs au but à la dernière minute… »

Au soir du premier tour, Emmanuel Macron arrive malgré tout largement en tête, avec 27,85 % des voix, suivi par Marine Le Pen, à 23,15 %. A la différence de 2017, elle dispose d’une réserve de voix, avec les 7,07 % d’Eric Zemmour, qui avec sa campagne d’extrême droite radicale, a accéléré la dédiabolisation de la candidate du RN, qui a misé sur le pouvoir d’achat. Alors que le front républicain n’a plus la même efficacité, les clefs du second tour sont entre les mains de Jean-Luc Mélenchon, qui loupe de peu la qualification avec 21,95 % des voix, et surtout de ses électeurs.

Signaux envers la gauche et mue verte tardive durant l’entre-deux-tours

Emmanuel Macron semble presque alors commencer sa campagne. Il multiplie les déplacements sur le terrain et les bains de foule, à portée d’engueulade, pour purger les tensions du « tout sauf Macron ». Surtout, pour attirer les électeurs de Jean-Luc Mélenchon ou de Yannick Jadot, il tente un coup de barre à gauche, avec un vrai-faux recul sur les retraites, ou en parlant aux quartiers populaires à Saint-Denis, au contact de cette France aux origines multiples, pour mieux jouer la différence avec Marine Le Pen et agiter le danger de l’extrême droite.

Il se découvre aussi une nouvelle ambition écologique. Une mue verte tardive, mise en scène au Havre sur le thème des éoliennes en mer, alors que Marine Le Pen veut toutes les déboulonner, et développée à Marseille, lors d’un discours où il assure que sa « politique dans les 5 ans à venir, sera écologique ou ne sera pas ». Les électeurs écolos, qui l’accusent de ne pas avoir fait assez, sont priés de le croire. Le débat d’entre-deux-tours, qui tourne plutôt à son avantage, n’inversera pas la tendance qui le mène à la victoire.

Gouverner avec quelle majorité ?

Les chantiers qui s’annoncent à Emmanuel Macron sont aujourd’hui immenses. Avec un point d’interrogation sur la majorité sur laquelle il pourra s’appuyer. Emmanuel Macron verrait bien tous ses soutiens se rassembler dans un seul et grand parti démocrate, qu’il a esquissé au soir du premier tour. Mais Edouard Philippe, avec Horizons, préfère garder son indépendance et rêve d’un esprit de coalition. Nicolas Sarkozy, de son côté, s’est tourné vers Emmanuel Macron, et tente de convaincre les députés LR sortants de faire de même, en échange de quoi il n’aurait pas de candidat LREM en face d’eux. Ses « amis » des LR y verront une trahison de l’ancien Président. Lui une manière de sauver, de l’intérieur, ce qui peut l’être des LR, en montant à bord du navire macroniste.

Jean-Luc Mélenchon – le revoilà – veut faire des législatives un troisième tour. A condition que la gauche soit unie, ce qui n’est pas une mince affaire, il espère qu’il sortira des urnes une cohabitation qui l’enverrait à Matignon. Ce serait une première, après l’élection présidentielle.

Nouvelle pratique du pouvoir

S’il a une majorité – hypothèse la plus probable – Emmanuel Macron risque cependant d’avoir des difficultés à mettre en œuvre ses réformes, face à une défiance d’une grande partie de l’opinion, et une campagne qui laisse un goût d’inachevé. Les velléités d’Edouard Philippe ou d’autres pour 2027 pourraient compliquer aussi sa tâche. Pour eux, au fond, la campagne pour la prochaine présidentielle commence ce soir. Au risque pour Emmanuel Macron, qui ne pourra se représenter, de manquer d’autorité sur sa majorité, plus la fin de son mandat approchera.

Mais Emmanuel Macron compte s’appuyer davantage sur les Français, à l’image de la convention citoyenne, au risque de donner l’impression de contourner le Parlement. Beaucoup dépendra de sa pratique personnelle du pouvoir, alors que « Jupiter » a donné l’impression de décider de tout. « Je n’ai pas révolutionné l’exercice du pouvoir présidentiel. […] Il faudra rénover plus en profondeur la manière d’exercer cette fonction. Je sens bien qu’il y a eu un décalage entre le renouvellement politique que j’ai incarné et le classicisme de l’exercice de la fonction », a expliqué le chef de l’Etat en fin de campagne, qui veut faire du « avec vous », plus qu’un simple slogan. Emmanuel Macron a cinq ans pour écrire le récit du quinquennat qui s’ouvre. Et savoir à quelle hauteur il laissera sa trace dans l’histoire.

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