En meeting, Valérie Pécresse appelle ses électeurs « à la révolte contre les scénarios écrits d’avance »

En meeting, Valérie Pécresse appelle ses électeurs « à la révolte contre les scénarios écrits d’avance »

Valérie Pécresse, la candidate LR pour la présidentielle, tenait dimanche 3 avril son dernier grand meeting parisien. À une semaine du premier tour, elle appelle ses partisans à déjouer des sondages qui la cantonnent sous la barre des 10 %. Les militants ont sifflé l’absence de Nicolas Sarkozy, toujours présenté comme une figure tutélaire de la droite.
Romain David

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Porte de Versailles, la symbolique est forte. Valérie Pécresse tenait ce dimanche 3 avril, au parc des expositions de Paris, un grand meeting de fin de campagne, à une semaine jour pour jour du premier tour de l’élection présidentielle. C’est là qu’en 2007 Nicolas Sarkozy avait lancé sa campagne victorieuse. C’est là aussi que la candidate devait célébrer sa victoire au congrès en décembre dernier, un grand rassemblement finalement annulé à cause de la situation sanitaire. À l’époque, sa brusque poussée dans les sondages (jusqu’à 18%), lui laissait entrevoir un face-à-face, le 24 avril, avec le président sortant. Quatre mois plus tard, la qualification pour le second tour n’a jamais paru aussi hypothétique, avec des enquêtes d’opinion qui la place à la quatrième, voire la cinquième place, sous la barre des 10%.

Outre la dynamique à relancer, il s’agissait aussi de faire oublier le meeting du 13 février au Zénith. Sur la forme, la candidate avait été raillée pour son manque de naturel. Sur le fond, l’emploi de certaines formules propres à l’extrême droite – « Français de papier » et « grand remplacement » - avait nourri la polémique. Ce dimanche, dans le pavillon 6, la séquence est encore dans les mémoires de nombreux militants, dont certains semblaient même avoir le trac à la place de leur championne. « J’attends d’elle qu’elle nous montre mieux sa force et sa vigueur », explique Elisabeth, venue tout exprès de l’Aube pour soutenir Valérie Pécresse, et qui admet que le meeting de février était « plutôt raté ». « Je l’ai regardé à la télé, et dès le début, j’ai vu qu’elle ne savait pas comment prendre la salle », abonde Xavier. « On ne se rappelle pas de Macron qui hurlait en 2017 avec une voix de crécelle ! », interrompt Frédéric, lui aussi venu de l’Aube. Ce militant regrette que, tout au long de cette campagne, la forme ait « injustement » éclipsé le fond.

Si la salle du parc des expositions s’est remplie assez lentement, vers 16 heures – horaire initialement prévu pour la prise de parole de Valérie Pécresse –, il ne restait plus beaucoup de sièges vides. L’objectif des 5 000 participants, affiché par les organisateurs, semble atteint.

Mettre en avant la force du collectif

Sur la scène, en préambule au discours de la candidate, les principaux ténors des Républicains se succèdent. Une dizaine d’interventions assez brèves, de Brice Hortefeux à Gérard Larcher, en passant par Bruno Retailleau, Christian Jacob et Laurent Wauquiez. « Les quatre mousquetaires » de Valérie Pécresse, ses anciens concurrents à l’investiture LR, sont là : Éric Ciotti, Xavier Bertrand, Michel Barnier et même Philippe Juvin, en vidéo depuis l’Ukraine où il s’est rendu en tant que médecin. L’objectif : faire montre de l’unité de la droite, quand Emmanuel Macron, la veille, affichait au premier rang de son meeting à La Défense Arena les principaux débauchages du quinquennat écoulé : Edouard Philippe, Roselyne Bachelot, Jean-Pierre Raffarin…

« Les gens ont entendu un discours de gauche hier ! », tacle Xavier Bertrand. « Ici, ils vont entendre un discours de droite, sur l’ordre et l’autorité, sur le travail. On va voir la différence. » Pour la sénatrice Valérie Boyer, les idées doivent l’emporter sur la démonstration de force. « On n’est pas dans The Voice, ce n’est pas un show la vie politique ! », s’agace-t-elle. « C’est la vie des gens qui est en jeu, c’est un projet qui vient de nos tripes. On est là pour aimer la France, défendre la France, on ne va pas faire un spectacle. »

« Nous voulons aussi montrer que nous avons sous la main une équipe prête à gouverner », nous expliquait, en fin de semaine, un proche de la candidate. « Le Zénith n’était pas le meeting le plus réussi de la Ve République », concède Patrick Stefanini, le directeur de campagne de Valérie Pécresse. « Là, il y a beaucoup de jeunes, on a voulu faire plus participatif ! », explique-t-il. Effectivement, au fond de la scène, sur une double rangée, des membres des jeunes Républicains, t-shirts blancs floqués du « V » de Valérie - et de victoire - agitent le drapeau tricolore. C’est d’ailleurs leur président, Guilhem Carayon, qui ouvre le bal des interventions.

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Les différentes prises de paroles se veulent mobilisatrices, espèrent rallumer la ferveur, rassurer des militants qui observent, depuis trois mois, vague de sondage après vague de sondage, la lente inflexion des intentions de vote. « J’ai une conviction, ici il n’y a pas de défaitistes, pas d’hommes et de femmes qui auraient baissé les bras. J’entends que vous avez toujours de la force et de l’énergie pour faire campagne jusqu’au bout ! », lance Xavier Bertrand. Certaines phrases toutefois, tirent déjà le bilan d’une campagne qui, en théorie, ne devrait pas s’achever avant au moins une semaine, trois dans le meilleur des cas. « Valérie a concentré toutes les attaques, elle a été la femme à abattre. Elle a montré un courage qui a forcé notre admiration », résume ainsi Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat.

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« Vous m’avez vu gagner. Vous m’avez vu trébucher »

Après une demi-heure de retard, suivie d’une minute de silence « pour le peuple ukrainien », Valérie Pécresse a commencé son discours par dénoncer le « en même temps macronien ». Mais aussi la récupération par le président sortant d’une partie de son programme, qu’elle qualifie de « mauvais plagiat ». « Les valeurs de droite, ça ne s’emprunte pas, ça ne se falsifie pas, ça ne s’instrumentalise pas. Ces valeurs, on les cultive, on les modernise, on les défend. Nous sommes les seuls héritiers du général de Gaulle », a-t-elle déclaré. La candidate, qui se passe de prompteur, apparaît plus à l’aise qu’au meeting de février. Les 18 réunions publiques en région qui ont suivi – un chiffre que l’équipe de campagne se plaît à mettre en avant - l’ont visiblement aidée à se roder à l’exercice.

Toutefois, Valérie Pécresse n’a pas cherché à éclipser les difficultés des semaines passées, mais au contraire, à en faire l’illustration de sa pugnacité. « Dans cette campagne, je vais devant les Français telle que je suis et telle que je resterai. Vous m’avez vu gagner. Vous m’avez vu trébucher. Vous m’avez vu me relever. Vous avez découvert ma résistance. Ma vérité. Je ne lâche rien. »

« C’est à vous de choisir, pas aux instituts de sondage »

Avant de revenir sur les grands axes de son programme. Notamment « le retour à l’ordre », la montée de l’insécurité étant devenue l’un des principaux angles d’attaque de la droite sur le bilan d’Emmanuel Macron. Puis l’immigration, avec la mise en place de quotas annuels de visas par le Parlement. « Il est temps de revenir à cette première loi de l’hospitalité : on n’entre pas chez l’autre sans y avoir été invité », explique-t-elle. Et quelques pirouettes intellectuelles aussi, comme celle qui consiste à citer Romain Gary – « Je n’ai pas une goutte de sang français mais la France coule dans mes veines » – pour introduire sa proposition de suppression de droit du sol.

Autre volet sur lequel insiste l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy : le travail. Valérie Pécresse mise sur une augmentation de 10 % des salaires, une baisse de 25 centimes du prix du litre de carburant et une baisse de la TVA sur les transports en commun pour redonner du pouvoir d’achat aux Français. Durant trois quarts d’heure, la candidate multiplie les thématiques, balaye l’ensemble de son programme, quitte à paraître quelque peu indigeste. La ferveur revient dans les dernières lignes, prononcées devant une salle debout, sous une nuée de drapeaux bleu-blanc-rouge. « C’est à vous de choisir, pas aux instituts de sondage. Vous avez à portée de main un instrument inestimable, le plus puissant qui soit : un bulletin de vote ; Utilisez-le ! »

>> Lire notre article : Education, retraite, immigration… les réformes que Valérie Pécresse souhaiterait faire adopter d’ici novembre

Nicolas Sarkozy sifflé

Côté salle, l’unité affichée au lendemain du congrès de décembre semble s’être quelque peu effilochée. La plupart des militants croisés sont d’anciens soutiens de Michel Barnier. L’ex-négociateur en chef de l’UE pour le Brexit a d’ailleurs été l’un des intervenants les plus acclamés à son apparition sur scène, mettant notamment en garde contre « le rétrécissement national » des programmes des extrêmes. Dans la foule, les électeurs qui avaient soutenu Xavier Bertrand ou Éric Ciotti se font plus rares. « Ciotti, c’est une droite que l’on apprécie aussi mais… Dès le début, on ne les sentait pas particulièrement engagés », avance un jeune Républicain. Sur scène, le député des Alpes-Maritimes livre pourtant l’une des prestations les plus énergiques, voulant « redire sa fidélité » à la candidate. « Mobilisez-vous pour porter ce projet d’autorité, d’identité et de liberté ! », s’égosille-t-il.

L’absence de Nicolas Sarkozy est aussi dans toutes les têtes. Preuve que la pilule a bien du mal à passer : lorsque Yann Wehrling, au pupitre pour parler écologie, cite au détour d’une phrase le dernier président de la droite, il soulève malgré lui les sifflets de la salle. L’ancien secrétaire national des Verts tente de corriger le tir : « Je ne voulais absolument pas cette réaction. Au contraire, vous devriez l’applaudir, car c’est à lui que vous devez le Grenelle de l’environnement ». La rumeur prétend que Nicolas Sarkozy, qui ne s’est pas encore prononcé en faveur d’un candidat, pourrait attendre le second tour pour soutenir Emmanuel Macron. À la sortie, deux militants reviennent sur les huées qui lui étaient adressées : « Ça te surprend toi ? ». L’autre hausse les épaules. « Les branches pourries, il faut les élaguer ! », tranche un troisième supporter de Valérie Pécresse. « Il nous a foutus dans la merde avec toutes ses casseroles, c’est épouvantable. »

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