Enquête à charge sur le nucléaire

Enquête à charge sur le nucléaire

Coauteur d’une enquête sur le nucléaire en France, le journaliste Thierry Gadault, explique pourquoi la France devra se passer du nucléaire.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Les journalistes Thierry Gadault et Hugues Demeude ont réalisé une enquête à charge sur le nucléaire, dans leur livre « Nucléaire, danger immédiat » (éditions Flammarion).

Au micro de l’émission « On va plus loin », Thierry Gadault explique comment ils ont travaillé pour dresser un classement des pires centrales françaises : « Nous avons eu des sources internes dans le complexe nucléaire, au sein d’EDF. Ces sources nous ont permis d’avoir accès à des documents, des rapports rédigés par des équipes d’EDF. C’est en consultant ces rapports, en vérifiant ce qu’on comprenait de ces rapports, avec des scientifiques indépendants, qu’on a pu aboutir à cette conclusion que Tricastin était (…) parmi les pires centrales nucléaires du pays. »

Pour les auteurs du livre, un accident nucléaire en France va se produire. Ce n’est qu’une question de temps : « Aujourd’hui, on est dans une situation très particulière ; le complexe nucléaire s’est effondré. On le voit tous les jours : Areva sort de faillite, EDF est en quasi-faillite avec une dette (…) [qui] s’élève encore à 57 ou 58 milliards d’euros. Ils n’ont pas la capacité de reconstruire un appareil de production et l’appareil de production actuel, les centrales nucléaires, arrive à 40 ans (…) Lors de la construction, le fabricant des centrales, Framatome a dit : « On peut les faire fonctionner  40 ans, au plus ». Maintenant EDF veut aller au-delà. Donc il était normal d’enquêter pour savoir quel était l’état réel de ces centrales, des réacteurs et de voir quels étaient les risques que l’on prenait, ou non, à poursuivre au-delà de 40 ans. Et quand on lit ces rapports, qu’on en discute avec des scientifiques, on se rend compte qu’on prend d’énormes risques. »

Pourtant EDF dément les propos des auteurs, les menace de poursuites en diffamation et les accuse de présenter certains faits comme nouveaux, alors qu’ils ne le seraient pas ou d’avancer des informations fausses. Ce à quoi rétorque Thierry Gadault : « Oui mais je ne sais pas [quelles informations fausses]. Donc il faudrait peut-être qu’ils m’attaquent en diffamation ou autre et qu’on aille devant un tribunal. Je sortirai leurs rapports (…) Ce (sont) des propos un peu épidermiques parce qu’ils ne sont pas contents que ces informations sortent. Mais nous, on a aucune inquiétude sur le sérieux des informations que l’on publie. »

Quant au lobby pro nucléaire en France, pour le journaliste il n’existe pas, et pour cause : « Il n’y a pas de lobby pro nucléaire. Corinne Lepage l’a amplement expliqué et démontré (…) Toutes les couches politico et administratives de l’État sont nucléaires. Nous sommes dans un État nucléaire. »

Sur l’indépendance de l’autorité de sûreté nucléaire (ASN), qui a parfois préconisé la fermeture de certains réacteurs, il répond : « Aujourd’hui, on doit se poser des questions sur (son) autonomie et sa capacité de résistance (…) par rapport aux pressions qui s’exercent sur elle (…) Parce qu’on voit bien qu’EDF a des difficultés financières énormes et que tout arrêt de réacteur est une perte sèche, extrêmement importante pour EDF (…) Compte tenu de l’état financier, et d’EDF et d’Areva, l’État ne peut pas se permettre de laisser l’autorité prendre des décisions qui tapent au portefeuille très durement. »

Alors que la centrale nucléaire de Fessenheim doit fermer entre fin 2018 et début 2019, des salariés sont en grève pour demander un meilleur plan social. « Sur le volet social d’accompagnement, il est clair que rien n’a été fait, pendant le quinquennat précédent, pour préparer ces fermetures. Donc c’est au gouvernement actuel de résoudre cette question » explique Thierry Gadault.

« Mais les salariés doivent bien se rendre compte que Fessenheim doit fermer. C’est une centrale qui est très vieille, qui ne peut plus fonctionner. Qui en plus, n’est pas conforme parce que les bâtiments réacteurs sont trop petits. Ils ne pourraient pas tenir en cas d’accident (…) Par ailleurs, EDF, jusqu’à aujourd’hui, n’a pas fait la preuve qu’ils savaient démanteler et qu’ils savaient gérer les déchets les plus dangereux  » poursuit-il.

Thierry Gadault estime que la France va pouvoir se passer du nucléaire, « à terme » : « Parce que ce ne sera plus économique (…) Aujourd’hui le coût du nouveau nucléaire est non compétitif. Les énergies renouvelables que ce soient l’éolien ou le solaire (…) sont beaucoup moins chères que le prix du mégawattheure sorti par un EPR qu’il soit français, chinois ou anglais. »

 

Vous pouvez voir et revoir l’interview de Thierry Gadault, en intégralité :

Dans la même thématique

Deplacement du Premier Ministre a Viry-Chatillon
7min

Politique

Violence des mineurs : le détail des propositions de Gabriel Attal pour un « sursaut d’autorité »

En visite officielle à Viry-Châtillon ce jeudi 18 avril, le Premier ministre a énuméré plusieurs annonces pour « renouer avec les adolescents et juguler la violence ». Le chef du gouvernement a ainsi ouvert 8 semaines de « travail collectif » sur ces questions afin de réfléchir à des sanctions pour les parents, l’excuse de minorité ou l’addiction aux écrans.

Le

Turin – Marifiori Automotive Park 2003, Italy – 10 Apr 2024
6min

Politique

Au Sénat, la rémunération de 36,5 millions d’euros de Carlos Tavares fait grincer des dents. La gauche veut légiférer.

Les actionnaires de Stellantis ont validé mardi 16 avril une rémunération annuelle à hauteur de 36,5 millions d’euros pour le directeur général de l’entreprise Carlos Tavares. Si les sénateurs de tous bords s’émeuvent d’un montant démesuré, la gauche souhaite légiférer pour limiter les écarts de salaires dans l’entreprise.

Le